Le secteur agroalimentaire dispose d'un potentiel de croissance encore largement inexploité sur le marché boursier. Adil Douiri, entrepreneur et fondateur du groupe Mutandis, plaide pour une introduction en bourse plus massive des entreprises du secteur. Dans cet entretien, il revient sur les opportunités qu'offre cette démarche, à l'aune du succès retentissant du groupe dont il est le fondateur. Le marché boursier est peu investi par les entreprises agroalimentaires. Quel potentiel ce secteur recèle-t-il ? Le potentiel est considérable au regard des centaines d'entreprises du secteur agroalimentaire qui affichent un chiffre d'affaires supérieur à 100 ou 200 millions de dirhams. Si seulement 10% d'entre-elles franchissaient le pas, nous pourrions compter 30 à 40 sociétés agroalimentaires cotées. Il est essentiel de les encourager à s'introduire en bourse car cela leur permettrait d'accéder plus facilement à la dette, de renforcer leur crédibilité auprès des banques et d'asseoir leur pérennité. Être coté, c'est changer de division. Comme en football, l'on passe de la deuxième à la première division ! Pourquoi les entreprises hésitent-elles encore à s'introduire en bourse? L'un des freins majeurs est la réticence à exposer publiquement ses chiffres. Certaines entreprises préfèrent évoluer dans l'ombre, estimant que la transparence pourrait être un désavantage face à la concurrence. C'est une crainte infondée. Afficher ses résultats ne change en rien la réalité économique de l'entreprise. Ce qui importe, c'est l'exécution, l'organisation interne et la performance au quotidien. Dans des marchés plus matures, la transparence financière est perçue comme un gage de solidité et de sérieux. L'intégration en bourse serait-t-elle plus efficace si elle se faisait «en masse» ? Oui, sans aucun doute. Aujourd'hui, très peu de sociétés agro-industrielles sont cotées à Casablanca. Si les premières réussissent leur introduction, elles ouvriront la voie aux suivantes. Le phénomène d'entraînement est essentiel. En voyant d'autres entreprises réussir ce pari, de nouveaux acteurs seront incités à franchir le cap. Mutandis est souvent cité comme une success story de la Bourse de Casablanca. Quels enseignements tirez-vous de votre expérience ? Notre modèle repose sur une vision intégrée. Nous opérons sur l'ensemble de la chaîne de valeur, de la conception des produits à leur distribution. Nous ne sommes pas un simple sous-traitant pour une multinationale qui peut délocaliser sa production du jour au lendemain. Nous possédons nos marques, maîtrisons notre relation avec le consommateur et contrôlons l'ensemble du processus industriel. Ce modèle permet de capter une plus grande part de la valeur ajoutée. Vous avez beaucoup misé sur la croissance organique, tout en intégrant des entreprises en difficulté pour structurer votre groupe... En partie. Nous avons racheté des entreprises en difficulté pour les restructurer et les intégrer à notre groupe. Ce modèle hybride permet d'accélérer la croissance et de structurer un ensemble industriel cohérent. Mais l'objectif reste le même, à savoir bâtir des entités solides, capables de lever des fonds sur le marché boursier et de se pérenniser. La Bourse est donc avant tout un vecteur d'ambition ? Exactement. Être coté, c'est se projeter dans l'avenir, c'est avoir l'ambition de grandir, d'évoluer et de structurer son activité. Une entreprise sans ambition n'a aucun intérêt à entrer en Bourse. Mais pour celles qui veulent se développer, attirer des investisseurs et renforcer leur assise financière, c'est une opportunité encore trop peu exploitée au Maroc. Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ECO