Une semaine après le meurtre des deux ressortissants marocains Bilal Kissi et Abdelali Mchiouer par l'armée algérienne, dans la zone maritime frontalière de Saïdia entre le Maroc et l'Algérie, les avocats des deux familles espèrent le rapatriement proche de la deuxième dépouille. Contacté par Yabiladi, Me Hakim Chergui affirme qu'«il n'existe pas de blocage politique», contrairement à ce qui a été avancé par un autre avocat et certains médias. Balayant d'un revers de la main les fausses informations sur une demande financière ou de décharge de la famille d'Abdelali Mchiouer, l'avocat Me Hakim Chergui a déclaré à Yabiladi, ce jeudi 7 septembre, que ses équipes sur le terrain «peuvent affirmer qu'il n'existe pas de blocage politique du côté algérien pour le rapatriement de la dépouille du défunt». Mardi 29 août, Bilal Kissi et Abdelali Mchiouer ont été abattus par des garde-côtes algériens, après que les deux ressortissants se soient égarés entre les eaux territoriales du Maroc et de l'Algérie, lors d'une sortie à bord de jet-ski au large de Saïdia. Trois jours plus tard, le corps de Bilal Kissi, retrouvé au niveau des eaux marocaines, a été inhumé. Le second reste entre les mains des autorités algériennes. Avocat au barreau de Paris, Me Chergui a par ailleurs souligné auprès de notre rédaction que le passage du corps nécessiterait «un laisser-passer consulaire accordé par le Maroc». Il a ainsi exprimé son espoir que ce document «sera fourni par le consulat à Sidi Bel Abbès, de manière à faire que si éventuel blocage il existerait, qu'il ne provienne du Maroc à aucun moment». En charge du dossier avec Me Ghizlane Mouhtaram, avocate au barreau de Casablanca, Me Chergui a confirmé à Yabiladi avoir également saisi le procureur de la république à Paris, afin que le parquet en France examine la plainte déposée au nom des deux familles. Les rumeurs de chantage démenties Cette démarche est différenciée de celle menée au Maroc, où c'est le Ministère public qui s'est saisi de l'affaire. Ainsi, «il n'existe pas de plainte déposée par les familles auprès des autorités marocaines», souligne Me Chergui. Le 29 août, le parquet d'Oujda a en effet ordonné l'ouverture d'une enquête, sur la base des déclarations de Mohamed Kissi, frère de Bilal, indiquant avoir été victime, avec quatre autres jeunes, de l'intervention de la marine algérienne. Du côté français également, «l'affaire est prise très aux sérieux», affirme l'avocat. Il souligne qu'en France, «le parquet a déjà commencé son travail et désigné la brigade criminelle de Paris pour lancer, dès vendredi, une demande de coopération judiciaire avec le Maroc et l'Algérie par voie diplomatique, comme le veut le cadre de ce processus». Saïdia : Après le meurtre par l'armée algérienne, les diasporas maghrébines en France se solidarisent Afin de mener cette investigation, la brigade désignée par le parquet de Paris formulera sa demande à travers le ministère français des Affaires étrangères, qui transmettra la requête aux ministères de la Justice au Maroc et en Algérie. «Cette démarche en elle-même, dans beaucoup d'affaires, prend plusieurs mois ; mais les autorités s'y attellent avec beaucoup de sérieux», affirme encore Me Chergui à notre rédaction. Quant à la situation d'Ismaïl Sannabi, blessé lors des tirs et détenu en Algérie, Me Chergui a indiqué à Yabiladi que le dossier était traité séparément par un collègue algérien. De l'importance de lutter contre les fausses informations Par la même occasion, l'avocat a déploré «la diffusion de fausses informations et d'éléments non vérifiés sur le terrain, ce qui porte préjudice à toutes les parties, et fait mal aux familles endeuillées». Précédemment, les avocats des plaignants se sont indignés auprès de H24 infos de la publication de données erronées, selon lesquelles l'Algérie aurait exigé 40 000 dollars pour remettre le corps de Mchiouer à ses proches au Maroc. Selon des informations obtenues par Yabiladi, l'avocat auteur de ces informations a reçu un courrier officiel de mise en demeure, en cas de nouvelle diffusion de faits non avérés, n'étant pas en charge du dossier. Depuis quelques jours également, une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux a présenté des images décontextualisées comme étant celles des derniers moments avant les tirs de l'armée algérienne. Il s'est avéré que la séquence est celle d'une précédente intervention de la Marine royale marocaine. En juillet dernier, celle-ci a empêché l'accès de passeurs à la frontière maritime de Ceuta, au niveau des brise-lames limitrophes au large de Belyounech, dans le nord du Maroc. Commentant l'ensemble de ces faux éléments, Me Chergui s'est interrogé auprès de Yabiladi sur leur provenance. «C'est le fruit d'un bouillonnement, d'une propagande alimentée par une certaine lecture conspirationniste des faits et qui n'obéit pas à la logique de la justice et du droit», estime l'avocat, tout en insistant sur «l'absence de tout blocage politique, d'où qu'il provienne».