A défaut d'une solution au drame des 45 000 familles expulsées d'Algérie, comme avait recommandé, en 2009, aux autorités algériennes le Comité international pour la protection des travailleurs migrants, les autorités de ce pays optent pour la fuite en avant. Le ton monte entre Rabat et Alger. Presque 48 heures après les déclarations du numéro deux de la diplomatie, Youssef Amrani, affirmant devant les députés que le royaume n'abandonnera jamais les biens annexés, en 2010 par l'Etat algérien, des 45 000 familles expulsés en 1975 du territoire du voisin de l'Est, voilà que le porte-parole du ministère algérien des Affaires étrangères, réagit dans un article publié, hier, par le très conservateur quotidien Echourouk Al Yaoumi. Dans lequel il donne la version de son gouvernement en inventant des faits historiques, du genre l'expulsion de ressortissants algériens en 1973 dont le nombre serait, selon ses dires, «des centaines» et que «leurs biens ont été expropriés sans indemnisations". Par ailleurs, des milliers d'hectares de terres agricoles et des centaines de biens immobiliers appartenant aux ressortissants algériens ont été "nationalisés" sans indemnisation, à la faveur d'un dahir du 2 mars 1973 portant sur le "transfert à l'Etat marocain des immeubles agricoles appartenant aux personnes physiques étrangères ou aux personnes morales". Nous savons que les propriétaires européens ou relevant d'autres nationalités touchés par cette même mesure ont été indemnisés à l'exception des propriétaires algériens lésés». Les recommandations du Comité de la protection des travailleurs Sur le même ton, le porte-parole de la diplomatie algérienne estime que «la très grande majorité des Marocains qui ont quitté l'Algérie à la fin de l'année 1975 n'était pas constituée de propriétaires de biens personnels en Algérie mais de locataires de biens appartenant à l'Etat ou à des tiers». Si ces «révélations» sont exacts, alors comment justifier l'article 42 de la loi de finances 2010 autorisant l'annexion au domaine de l'Etat algérien des bien des Marocains expulsés de ce pays ? Ou alors comment expliquer que le Comité international pour la protection des travailleurs migrants, lors de la 10ème session, tenue du 20 avril au 1er mai 2009 à Genève, recommande aux autorités algériennes de «prendre toutes les mesures nécessaires pour restituer les biens légitimes des travailleurs migrants expulsés, notamment les travailleurs migrants marocains (…) ou de leurs offrir une indemnisation juste et adéquate, conformément à l'article 15 de la Convention» internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles. Le même Comité a par ailleurs appelé Alger à «prendre les mesures appropriées pour faciliter la réunification de ces travailleurs migrants marocains avec leurs familles restées en Algérie». Ce dossier a été, également, porté à la connaissance du Conseil des droits de l'Homme de l'ONU, grâce notamment à l'Association marocaine des victimes de l'expulsion arbitraire de l'Algérie (AMVEAA). Juin 2010, une délégation de cette ONG avait participé, à Genève, aux travaux de la 14ème session du CDH. Echourouk et le diplomate ne jouent pas la même partition Le porte-parole du département dirigé par Morad Medelci s'est contenté de transmettre la version de son gouvernement sans trop d'enthousiasme ni emballement, ce qui n'est guère le cas pour Echourouk Al Yaoumi. Le très conservateur quotidien prétend qu'il «a appris de sources concordantes que le Royaume marocain doit indemniser près de 14 000 Algériens, spoliés de leurs biens et de leurs terres. Des indemnisations estimées à 20 milliards de dollars». Un montant astronomique. Force est de constater que sur le nombre, le diplomate et Echourouk n'ont pas accordé leurs violons. Alors que le premier, dans sa réponse écrite, parle de «centaines» d'expulsés algériens du Maroc en 1973, le quotidien avance le chiffre de «14.000» !