Les mots de l'écrivain Michel Houellebecq sur les musulmans de France continuent de faire débat, alors que son entretient paru dans la revue Front populaire en novembre dernier lui a déjà valu une plainte de la Grande Mosquée de Paris et du Conseil français du culte musulman (CFCM). Dans deux entretiens, le recteur est récemment revenu sur ce précédent. Le recteur de la Grande mosquée de Paris, Chems-Eddine Hafiz, s'est récemment exprimé à deux reprises, dans deux longs entretiens, au sujet des propos de l'écrivain français Michel Houellebecq sur les musulmans de France. Le responsable a soutenu que l'auteur ne faisait pas la différence entre les musulmans qui s'intègrent et les islamistes, dans une interview donnée au journal La Croix, ce mardi 3 janvier. Selon la même source, «la composante musulmane de France est prise en tenaille», avec d'un côté une minorité islamiste qui affirme que la citoyenneté est incompatible avec leur foi, et de l'autre, des discours stigmatisants. Le 28 décembre 2022, la Grande mosquée de Paris a porté plainte contre Michel Houellebecq pour des propos considérés comme «une provocation à la haine contre les musulmans». Les termes incriminés figurent dans une interview de la revue Front populaire avec le philosophe Michel Onfray. L'écrivain y a affirmé que le souhait de la population française «de souche» ne serait pas que les musulmans «s'assimilent», mais qu'ils «cessent de les voler et de les agresser, ou qu'ils s'en aillent». Houellebecq répond à l'extrémisme par l'extrémisme Pour Chems-Eddine Hafiz, Michel Houellebecq participe à cet amalgame. Selon l'écrivain, la solution serait donc pour eux de partir et non de s'assimiler. Philippe Corbé, chef du service politique de BFM TV, a considéré que cela constituait une des contradictions de l'extrême droite qui appelle à l'assimilation des musulmans dans la société française, tout en affirmant qu'elle est impossible. Avant son entretien avec La Croix, le recteur de la Grande mosquée a d'ailleurs été l'invité de la chaîne d'information continue, pour parler de sa plainte contre Houellebecq. Michel Houellebecq visé par une deuxième plainte pour ses propos sur les musulmans Chems-Eddine Hafiz a, par ailleurs, considéré ces propos comme une «atteinte à la dignité des musulmans», une «incitation à la haine» et une «violation de la loi sur la liberté de la presse de 1981». Ainsi, l'intellectuel se met dans une position d'adversaire, alors qu'il pourrait être un allié face à l'islamisme, qui, selon le recteur, se caractérise de «cancer de notre religion». Hafiz a notamment regretté, jeudi 29 décembre sur BFMTV, que Houellebecq ne mette pas «toute son intelligence au service de la communauté nationale, afin de trouver des solutions face à l'essentialisation de la religion musulmane». Au lieu de cela, le recteur considère que l'écrivain fait l'amalgame entre terrorisme et islam, ce qui est «inacceptable». Concernant sa plainte, il a ajouté qu'elle ne constituait pas une violation à la liberté d'expression, comme certains l'accusent, puisque ce droit interdit les propos diffamatoires, injurieux ou incitants à la haine. «Lorsqu'il évoque un 'Bataclan à l'envers', on peut considérer qu'il va jusqu'à appeler les gens à s'armer», a partagé le recteur au journal La Croix. Sur BFMTV, il a exprimé son étonnement face au manque de réactions de la part des politiques et des médias, concernant les propos ayant été tenus par Houellebecq. Un silence assourdissant des politiques Bien que la Grande mosquée de Paris se veuille un réceptacle des revendications de la communauté musulmane depuis 1962, Hafiz a mis en lumière l'invisibilité des réactions, regrettant que «lorsqu'on tape sur les musulmans, ça ne pose aucun problème». «Moi, j'aurais aimé que quelqu'un d'autre que le recteur de la Grande mosquée de Paris puisse dire 'arrêtons'», a-t-il déploré. Le responsable est également revenu sur sa volonté de réconcilier les musulmans français d'un côté et ceux qui stigmatisent l'islam de l'autre, en mentionnant les attentats de 2001, de Paris et puis Nice, ayant entaché l'image de la religion. Dans un autre registre, le recteur a notamment mis l'accent sur l'importance de la formation, afin de mieux connaître la religion musulmane et réduire l'impact négatif de tout type d'extrémisme. Il a aussi fait part de ses souhaits de convaincre les musulmans français que l'avenir est dans la citoyenneté et les valeurs de la République. En ce sens, Hafiz a plaidé pour que les musulmans donnent le bon exemple. Cela passe, selon lui, par montrer une attitude citoyenne, en saisissant la justice lorsque leurs droits sont bafoués. Avocat de formation, Chems-Eddine Hafiz a tenu un discours positif dans ce sens. Il a mentionné ne pas avoir voulu faire appel, lorsque la justice française l'a débouté dans l'affaire des caricatures du journal Charlie Hebdo, considérant que le juge avait statué de manière justifiée. Il a notamment parlé de «double sanction», faisant référence aux discours stigmatisant l'islam à l'extrême et vides de critique constructive. «Croyez-vous que les criminels qui tuent au nom de l'islam, ça ne me touche pas ?», a-t-il insisté.