Alors que Standard and Poor's a attribué une perspective négative à la note du Maroc, menaçant même de la dégrader, le FMI prévoit une croissance de 5,5% en 2013 au Maroc. Une prévision très optimiste et une «sanction» très sévère auxquelles l'économiste Najib Akesbi trouve un lien très étroit et tient le gouvernement pour responsable de la situation économique du Maroc. Le Fonds monétaire international [FMI] prévoit un taux de croissance de 5,5% en 2013 au Maroc, indique le dernier rapport de l'organisation internationale sur les perspectives économiques mondiales, rendu public le 9 octobre dernier. Ce pronostic soulève cependant des préoccupations quant à son fondement, surtout au su de la conjoncture qui prévaut. D'autant que cette prévision est d'un point entier supérieur à celle du gouvernement marocain [4,5%] estimée dans le cadre du projet de loi de finances 2013. Comme le souligne Lahcen Oudoud, journaliste chez Le Matin, le FMI, dans son rapport, est loin d'être optimiste pour l'évolution de l'économie à l'échelle mondiale. «Comment donc expliquer la prévision pour le Maroc et sur quoi se fonde-t-elle ?», s'interroge-t-il. Pour Najib Akesbi, économiste et enseignant à l'Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II de Rabat, le Maroc ne pourrait approcher ce taux que «si l'année agricole est bonne, souligne-t-il. Dans le cas contraire, ce pronostic [du FMI] n'est ni sérieux, ni crédible. Les fondamentaux de la crise sont là et il n'est pas connu qu'elle prendra fin cette année en Europe. Je ne vois donc pas par quel tour de passe-passe on pourrait atteindre les 5,5%». Le rapport du FMI a été publié deux jours avant que l'agence de notation américaine Standard and Poor's [S&P] n'attribue une perspective négative à la note de la dette marocaine, menaçant même de la dégrader. Une note qui, il faut le signaler, est désormais la même que celle de l'Espagne, dégradée de deux crans vendredi dernier par la même agence. «Message subliminal» Autant, l'optimisme du FMI vis-à-vis de l'avenir économique du Maroc a pour gage la réduction des déficits jumeaux, autant cette dernière est l'une des conditions émises par S&P pour éviter toute dégradation de la note marocaine. D'après Najib Akesbi, «Le FMI rejoint S&P et vice versa. L'un donne un coup de bâton, l'autre donne une carotte». Pour cet économiste, le Maroc «a déjà perdu le peu de souveraineté qu'il avait, parce qu'enfermé dans l'étau des contraintes avec les organisations internationales». «Obligé de sortir sur le marché international, [le royaume] se jette dans la gueule du loup», affirme-t-il faisant allusion à la ligne de crédit de 6,2 milliards de dollars ouverte récemment par l'UE au profit du Maroc et à la levée de fonds d'1 milliards de dollars sur le marché international confirmé la semaine dernière par le ministre délégué de l'Economie et des Finances, en charge du Budget, Driss El Azami. «Ce qui est clair, c'est que nous sommes déjà sous tutelle. Le gouvernement n'est pas libre de ses choix», affirme M. Akesbi ajoutant qu'un «message subliminal [adressé au Maroc] se cache derrière les actions de ces organismes : 'vous devez appliquer la politique que nous vous dictons'». Il est à présent évident que «le premier jour où le gouvernement utilisera le premier dollar, il appliquera toutes ces recommandations», souligne l'économiste qui s'étonne que jamais personne ne prend en compte le fait que «le FMI, comme la banque mondiale passent le temps à se tromper» dans ses prévisions. Le gouvernement responsable La situation économique du Maroc économique d'aujourd'hui est le résultat des mauvaises décisions, selon M. Akesbi. Déficit budgétaire qui subsiste depuis des années, balance des paiements déficitaires depuis 2008, investissements de l'Etat non productifs, fiscalité marginalisée,…le bilan est lourd et sombre. «Le gouvernement précédent menait une politique fiscale suicidaire en accordant des réductions d'impôts aux plus riches et aux grosses sociétés, sans qu'il y ait une contrepartie économique», explique-t-il. Parlant des réserves de changes, selon Najib Akesbi, il y a des limites : «vous ne pouvez pas puiser dans les réserves pour combler les déficits pendant des années. C'est logique qu'il arrive un moment où ces réserves s'épuisent». En outre, «au moment où il fallait réformer la caisse de compensation, on ne l'a pas fait. Maintenant c'est l'explosion à tous les niveaux. 95% de ce qui arrive était prévisible et prévu». Pour lui, l'on assiste aujourd'hui «à une mise en scène du drame», s'alarme-t-il. «On est sur la pente et elle va continuer de descendre, pas parce que c'est une fatalité, mais juste parce que ce gouvernement, tout comme le précédent, n'a ni l'orientation, ni les options necessaires pour affronter la crise à bras le corps» conclut M. Akesbi.