Le travail temporaire au Maroc passe par une période particulièrement mouvementée. Le secteur est en pleine croissance, ce qui est de bon augure pour le taux de chômage au Maroc. Cependant, cette croissance accélérée n'est pas contrôlée. Les lois existent mais ne suivent pas le développement du secteur. Plus encore, elles ne sont pas appliquées : manque de transparence, de moyens...Manque surtout de vision commune et unifiée. C'est en 2004 que le travail temporaire a acquis officiellement ses lettres de noblesse au Maroc. Il fut enfin reconnu par le code du travail, qui lui a consacré tout un chapitre. Une reconnaissance dont se sont félicitées les entreprises d'intérim... avant de prendre connaissance de certains articles de la loi qui ont gâché la fête à beaucoup. Le plus controversé est sans doute l'article 482, relatif à l'autorisation d'exercer. Le législateur exige des agences de recrutement privées de déposer à la CDG une caution d'un montant égal à 50 fois la valeur globale annuelle du SMIG, soit de plus d'un million de DH. La caution permettrait à la société, en cas d'insolvabilité, de s'acquitter de ses engagements envers ses salariés ; il s'agit somme toute d'une précaution nécessaire... Cependant des voix se sont élevées de part et d'autre. Certaines appelant à la stricte application de la loi, d'autres qui en contestent le montant, d'autres encore qui demandent à ce que les critères de l'autorisation d'exercer «ne se limitent pas aux sous». Zahir Lamrani, président de l'Union Marocaine des Entreprises de Travail Temporaire (UMETT) nous confie avoir «travaillé pendant 7 ans à la mise en place du chapitre relatif au travail temporaire, en collaboration avec le ministère, les syndicats...Nous avons été fortement surpris quand la loi fut promulguée, notamment en ce qui concerne la caution». L'UMETT, composée alors d'un grand nombre de sociétés, avait refusé de s'acquitter du paiement d'une caution jugée dangereuse pour les entreprises. Aujourd'hui, l'UMETT appelle au strict respect de la loi. Repositionnement? «Pas du tout, assure Lamrani, nous avons été contre la caution telle qu'elle est exigée et nous le sommes toujours. Dernièrement nous subissons des pressions de la part de nos partenaires, de nos clients, de notre environnement en général. Nous ne pouvons pas rester ainsi «dans l'illégalité» plus longtemps. Nous demandons donc à nous conformer à la loi tout de suite et en même temps continuer à batailler pour que passe notre projet d'amendement». Le projet d'amendement en question devrait être présenté au parlement dès septembre prochain. Au menu, la révision de la caution et son abaissement à 100.000 DH, ainsi que la prolongation de la durée de la mission pour être égale au CDD. Mais au sein de l'UMETT, tous ne l'ont pas entendue de cette oreille. Le secrétaire général, Al Alaoui aurait démissionné, et les accusations de Mostafa Hijaouy, ancien membre de l'union, lui ont valu l'exclusion. «Ce repositionnement n'a absolument rien de déontologique dénonce Hijaouy. La vérité est que les grosses structures au sein de l'UMETT ont vu qu'il y avait de plus en plus de petites sociétés qui leur prenaient leurs parts de marchés. Du coup, ils ont cherché un moyen de se débarrasser des petites boîtes concurrentes, c'est ce qu'ils veulent faire maintenant en devenant tout à coup soucieux de se plier à la loi». Hijaouy a fini par créer sa propre association, dénommée l'Association Marocaine de Travail Temporaire (AMTT). Quinze sociétés se sont jointes à la nouvelle venue, qui veut elle aussi amender la loi actuelle pour permettre aux PME d'exister dans ce secteur. En effet, une application de la loi sur le travail temporaire telle qu'elle se présente aujourd'hui signifierait la faillite de plusieurs petites sociétés d'intérim. «90% des PME ne peuvent pas déposer un million deux cent mille DH comme caution, ce qui fait qu'il ne restera plus que cinq ou six sociétés d'intérim au Maroc, multinationales inclues, qui se partageront le marché» martèle Hijaouy. Cependant le secteur a certaines exigences auxquelles il faut répondre. Le travail temporaire au Maroc ne jouit pas de la meilleure réputation, étant donné le nombre impressionnant de petites sociétés qui travaillent au noir. C'est pour éviter l'exploitation que le gouvernement s'était penché sur la question, sans pour autant vraiment trancher, étant donné que la caution n'a jamais été déposée jusqu'à aujourd'hui. Le dossier est particulièrement épineux du fait que d'un côté, les sociétés d'intérim absorbent un grand nombre de chômeurs; de l'autre, le Maroc doit se plier aux normes internationales, pour garantir une certaine qualité de service dans le secteur. Sur ce plan, c'est l'Association des Entreprises du Travail Temporaire, Transparent et Organisé (AETTO) qui mène la cadence. Nous avons essayé de contacter son Président, Jamal Belahrach, de nombreuses fois mais il est resté injoignable. Quoi qu'il en soit, l'AETTO a toujours été pour le maintien de la caution telle que fixée par la loi. Selon de précédentes déclarations de son président, «l'exercice de la profession exige une trésorerie importante; plus on gère d'intérimaires, plus la trésorerie doit être importante...Proposer une caution bancaire à 100.000 DH c'est favoriser d'emblée la tricherie et la fraude». Le secteur est soumis à plusieurs paramètres qui rendent difficile la conciliation entre les intérêts des entreprises d'un côté, et ceux du métier de l'autre. Le gouvernement aura fort à faire pour sauver les meubles, d'autant plus qu'il paraît difficile pour les différents représentants du secteur de se réunir autour d'une table pour soumettre une seule et unique vision, et ainsi avoir plus de poids.