Depuis vendredi, de nombreuses organisations marocaines ont insisté sur la nécessité qu'une enquête permette de reconstituer les faits et définir les responsabilités, à la suite du drame survenu le même jour à la clôture frontalière avec Melilla. Ces investigations devront aussi permettre aux familles de récupérer les dépouilles de leurs morts. A la suite du décès d'au moins 23 migrants selon les autorités marocaines, une trentaine selon les ONG, de nombreuses organisations de la société civile ont appelé à faire de la protection des ressortissants en situation de migration une priorité. Vendredi dernier, près de 500 ressortissants de divers pays d'Afrique subsaharienne ont tenté de traverser la clôture frontalière de Melilla, donnant lieu à une intervention des forces de l'ordre marocaines. Lors des violences, 140 agents et 76 ressortissants ont été blessés, dont respectivement 5 et 13 cas graves. Dimanche soir, les associations et organisations syndicales au sein du Forum social Maghreb/Machrek, dont le Maroc est membre, ont exprimé leur inquiétude. «Ce qui a accompagné cette intervention, ce sont des pratiques de violation des droits humains, à commencer par le droit à la vie et à l'intégrité physique, tandis que tous les médias internationaux ont rapporté cette tragédie terrifiante», a indiqué le collectif, dans une déclaration écrite parvenue à Yabiladi. Dans ce contexte, l'instance a exigé «une enquête impartiale sur ce drame ainsi qu'un procès équitable pour les mis en cause». Elle a invité d'ores et déjà le Rapporteur spécial sur les affaires migratoires auprès des Nations unies à «se rendre sur place, à rédiger un rapport sur la situation et à travailler au lancement d'un protocole spécial pour la protection des migrants et des réfugiés». Pour les signataires, le drame de Melilla «révèle de faux slogans sur le respect des droits des migrants et souligne que l'adoption de politiques de l'immigration et de l'asile, de la part du Maroc comme de l'Union européenne (UE), n'est qu'un moyen de freiner les flux migratoires aux frontières maroco-européennes, et non pas une approche politique d'intégration réelle de victimes fuyant les guerres, les confits et les dérèglements climatiques, en quête d'une vie descente où leur destin reste la mort». Des appels à restituer les corps des morts à leurs familles Dans sa déclaration, le Forum social a présenté ses «sincères condoléances à toutes les familles des victimes et à leurs proches». Il a également condamné «fermement les interventions violentes qui mettent en danger la vie des ressortissants, leur santé ou leur dignité». Le collectif a aussi souligné la nécessité, pour les autorités consulaires des divers pays dont les migrants sont issus, d'«assumer leur responsabilité de protection et de soutien durant cette crise». Dans le même sens, il a appelé à «accélérer la fourniture des soins de santé nécessaires pour tous» et surtout à «remettre rapidement les corps des victimes à leurs familles et à suivre leurs cérémonies funéraires». Cette recommandation intervient d'ailleurs quelques heures après que l'Association marocaine des droits humains à Nador (AMDH-Nador) a révélé que 21 tombes sont creusées au cimetière de Sidi Salem, très probablement en préparation de l'inhumation des morts lors des violences de vendredi dernier. Cependant, les dépouilles n'auraient été ni autopsiées, ni formellement identifiées, selon l'ONG qui a dénoncé «un scandale». Depuis le drame, l'AMDH a fait partie des initiateurs d'une première déclaration commune, signée jusqu'à ce lundi 27 juin par 49 organisations marocaines de droits humains et de protection des migrants, ainsi que des ONG en Mauritanie, au Sénégal, au Niger, en Italie, en Espagne et dans d'autres pays d'Afrique et d'Europe. Dans leur communiqué, les instances signataires ont également appelé à une enquête, tout en fustigeant les conséquences de la politique migratoire de l'UE. C'est dans ce sens également que l'Organisation marocaine des droits humains (OMDH) a souligné «la nécessité de soigner tous les blessés et de contrôler l'identité des victimes, blessées ou décédées, pour informer leurs familles par voie diplomatique». Dans sa déclaration parvenue à Yabiladi, l'association a par ailleurs renouvelé son appel à «accélérer la mise en œuvre de la nouvelle politique en matière de migration et d'asile, avec ses dimensions de droits humains», à commencer par la Stratégie nationale de l'immigration et de l'asile (SNIA) et à «accélérer l'adoption des deux projets de loi relatifs à l'immigration et à l'asile». Tout en rejetant «toutes les formes de violence, d'où qu'elles viennent», l'instance rejoint aussi les appels à «ouvrir une enquête approfondie en vue de connaître les circonstances, les tenants et les aboutissants de ce drame, pour définir les responsabilités et appliquer la loi». L'OMDH a exprimé sa condamnation des «actions et manœuvres des réseaux de passeurs et de traite des êtres humains, et appelle les autorités à intensifier leurs efforts pour les combattre et les démanteler». En Espagne, les ONG tancent gouvernements et dirigeants européens En Espagne, l'Association des travailleurs immigrés marocains (ATIM) s'est adressée, pour sa part, aux chefs de gouvernement espagnol et marocain, Pedro Sánchez et Aziz Akhannouch, ainsi qu'à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, en soulignant que «depuis plus d'un an et demi, les migrants de Nador n'accèdent ni aux médicaments ni aux soins de santé», ce qui constitue en soi «de la violence institutionnalisée, de l'instigation permanente, de la maltraitance continue et une violation systématique et permanente des droits humains». En réponse à la sortie du Premier ministre espagnol, vendredi à la suite des faits, ATIM a estimé que «les coupables ne sont pas les mafias de trafic d'être humains, aussi inacceptable que puisse être leur action ; ce sont les politiques des droits humains, qui vendent leurs obligations en échange d'un contrôle répressif des migrants du continent africain». «C'est l'imposture de ceux qui acceptent volontiers l'arrivée d'immigrants du nord de l'Europe et ternissent jour après jour les droits de ceux qui viennent du sud», ajoute encore l'association, en soulevant la «responsabilité permanente» des instances de l'Union européenne dans le traitement des questions migratoires avec les pays d'Afrique.