Médecin et chercheur en politiques et systèmes de santé, Dr. Tayeb Hamdi rassure quant aux mesures préventives contre une éventuelle propagation de la variole du singe au Maroc. Lundi, le ministère de la Santé et de la protection sociale a annoncé que trois cas suspects ont été identifiés dans le pays. Pour le spécialiste, même une probable confirmation du virus ne mènerait pas à la prise de décisions drastiques, comme celle du confinement de la population générale. Les mesures préventives incluent-elles un possible confinement ? Les mesures préventives incluent la quarantaine de la personne infectée, suspectée ou probablement porteuse du virus. Si le cas se confirme, un isolement de 21 jours est nécessaire. S'il s'avère négatif, aucune période d'isolement n'est requise. Ce dernier peut intéresser aussi les cas contact. Tout dépend du contexte, mais un confinement général de la population, selon les données scientifiques et épidémiologiques disponibles en ce moment, ne s'avère pas nécessaire. Vu les éléments en notre disposition, nous pouvons dire que ce n'est pas envisageable et qu'il n'y a pas lieu de confiner la population générale pour limiter la propagation du virus. Comment le système de santé au Maroc se prépare à la possibilité de prendre en charge des cas confirmés ? Le problème de la variole du singe n'est pas le virus en lui-même. C'est une maladie qui, généralement chez les adultes en bonne santé, guérit spontanément, sans problèmes, sans complications et sans séquelles. C'est surtout sur les jeunes enfants que l'attention doit être portée, ou encore les personnes qui souffrent d'un déficit immunitaire. Le grand rôle du système de santé est celui de la détection des cas. La sensibilisation de la population est aussi nécessaire, quant aux symptômes nécessitant une consultation, ainsi que la sensibilisation des professionnels de santé. Il est important d'équiper les hôpitaux et autres centres de tests PCR, afin de faire rapidement des prélèvements et avoir des résultats le plus vite possible. Le système de santé intervient aussi dans la capacité à isoler les cas positifs, soit à domicile ou dans les structures de santé. On peut dire que le Maroc est très bien préparé pour le suivi des patients atteints, des cas contacts et suspects. C'est le plus important, car le reste ne nécessite pas de moyens considérables. Variole du singe : Ce qu'il faut savoir Il se peut qu'on ait besoin, par ailleurs, de vaccins. Dans ce cas-là, ils seront exclusivement destinés aux cas contact de ceux déjà confirmés. Ce ne sera donc pas une vaccination générale de la population. Cette maladie reste beaucoup moins grave, sur le plan de la santé publique, que la Covid-19. Quelle est la différence entre la variole humaine et la variole du singe ? La variole humaine (smallpox) et la variole du singe (monkeypox) sont deux virus des pox, avec le chickenpox (la varicelle). Dans les deux premières, les symptômes des virus se ressemblent de manière légère et très bénigne. La première reste une maladie qui a tué des millions de personnes dans le monde. À travers l'Histoire et durant des siècles, la variole humaine a été une maladie qui a laissé des cicatrices indélébiles chez les malades. Beaucoup de personnes infectées ont eu des pustules au visage et en ont gardé des traces à vie. Parmi ceux qui en ont guéri, il y a eu des suicides, car les traces ont défiguré plusieurs personnes. Ph. OMS Pour la variole du singe, les traces disparaissent plus facilement. Le smallpox est la seule maladie à avoir été éradiquée grâce à la vaccination. La poliomyélite est en voie d'extinction. Mais à la différence de la variole humaine, le mokeypox a un réservoir animal et on ne pourra jamais l'endiguer, avec les données scientifiques dont disposent les chercheurs actuellement. Toujours est-il que lorsqu'on est vacciné ou qu'on a déjà eu une variole humaine, on est protégé à 25% de celle du singe, avec l'existence d'une immunité croisée entre les deux. Combien de temps nécessite la confirmation ou l'infirmation d'un cas suspect de la variole du singe ? La confirmation d'un cas se base sur un prélèvement pour effectuer un test PCR au laboratoire. Généralement, le prélèvement se fait au niveau des liquides que présentent les lésions de la peau et qu'on soupçonne être un symptôme de la variole du singe. C'est différent du test PCR que l'on connaît actuellement contre la Covid-19, mais les techniques se ressemblent, dans la mesure où l'utilisation de réactif est indispensable pour la détection du virus dans les échantillons. Au Maroc, les laboratoires ne disposent pas encore de réactifs pour la variole du singe, puisque la présence de cette maladie n'est pas confirmée sur notre territoire. Nous serons cependant dotés de ces réactifs, au niveau du ministère de la Santé et de certains centres, probablement à partir de demain (mercredi), afin de faire les analyses nécessaires sur les cas suspects. En cas de disponibilité des réactifs, le test prend quelques heures au laboratoire pour confirmer ou infirmer une infection au monkeypox. En cas de test négatif, il faut faire une confrontation biologique et clinique pour s'assurer encore de la négativité du cas. Quel mécanisme de suivi et de contrôle se met en place dans les aéroports, en prévention du virus ? Au niveau des frontières comme dans les aéroports, le voyageur doit faire une déclaration sur l'honneur, concernant les symptômes particuliers comme la fièvre. Il est nécessaire de mesurer la température des passagers, mais ces contrôles ne vont pas bloquer la circulation inter-ville ou entre les pays. C'est surtout pour détecter d'éventuels cas, les investiguer et les analyser, pour les isoler éventuellement, en cas d'existence d'éléments d'orientation. Comment s'y prendre lorsqu'on ressent des symptômes de fièvre et de fatigue ? Les symptômes sont de trois groupes. Le premier est, puisque c'est un virus respiratoire, un ensemble de symptômes qui ressemblent à une grippe. Les premiers signes sont la fièvre (variant de 38 à 40, voire plus), les céphalées, des douleurs articulaires, musculaires et un état de fatigue. Le deuxième lot de symptômes apparaît trois à cinq jours plus tard, sous forme de lésions cutanées particulières, que les professionnels de santé reconnaissent, comme les vésicules, les plaques, les bulles et les croûtes. En cas d'association des deux lots, il est important d'orienter le patient en alertant sont cas. Le troisième groupe de symptômes inclut notamment des gonflements au cou, dans les aines, en haut des cuisses, ou dans les aisselles. Un syndrome pseudo-grippal, combiné à des lésions cutanées localisées (visage, pommes de la main, pommes plantaires…), doit tout de suite susciter la vigilance. Au niveau de la population, si quelqu'un ressent de la fatigue et de la fièvre, ce n'est pas pour autant une raison pour s'inquiéter puisque plusieurs autres maladies commencent ainsi. Mais si des lésions cutanées apparaissent, il est important de consulter le plus vite possible, car ce sont les médecins qui sauront différencier la nature de ces lésions pour poser le bon diagnostic et orienter leur patient. Il faut respecter aussi les mesures d'hygiène pour ne pas infecter son entourage direct, en s'isolant et en nettoyant les surfaces que l'on touche à main nue. Quels sont les facteurs favorisant la propagation du virus en dehors de son environnement initial qu'a été jusque-là l'Afrique de l'Ouest et centrale ? Il existe deux souches du virus, celle de l'Afrique centrale et l'autre de l'ouest. C'est cette dernière qui serait actuellement en circulation en dehors du continent. Les séquençages sont encore en cours, mais demandent du temps, car il s'agit d'un gros génome. Les résultats permettront de voir la souche exacte et s'il existe des mutations. Les facteurs favorisants restent la grande question à laquelle il n'y a pas encore de réponse scientifique exacte, mais cette dernière devra aider à avoir une meilleure compréhension sur la transmission du virus en dehors de sa région originale. Il faut savoir d'abord, c'est un virus principalement lié aux zones rurales, tropicales et naturelles. En 2017, il y a eu beaucoup de cas enregistrés dans les villes, au Nigéria. C'est la première fois que le mokeypox est passé d'une zone limitée à urbanisée. Depuis, la transmissibilité interhumaine existe toujours dans le pays. Mais en 2022, d'autres facteurs auraient eu leur rôle dans l'augmentation des cas dans le monde. C'est peut-être une mutation peu fréquente, comme première hypothèse. Il est probable aussi que l'immunité de l'humain ait faibli face au monkeypox, sachant qu'il y a de moins de moins de personnes vaccinées contre la variole humaine. Toujours est-il que cette piste reste peu probable. La troisième est de se poser des questions sur les facteurs environnementaux ou alimentaires qui, combinés, auraient facilité une transmissibilité interhumaine. À mon sens, l'hypothèse la plus probable est celle d'un événement super-propagateur, où il y a eu un contact très intime entre un nombre de personnes infectées et plusieurs autres cas contact, venus de plusieurs régions.