Au Maroc, où la part de l'informel est estimée à 77% de l'emploi total, mais également dans l'ensemble de la région MENA, la création d'emplois par le secteur privé reste «médiocre», alors que les Etats doivent permettre à celui-ci «d'accéder aux marchés et de concurrencer à armes égales les entreprises publiques», estime la Banque mondiale. Dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA), une grande partie de la population en âge de travailler reste exclue du marché du travail, a estimé cette semaine la Banque mondiale. «Cela s'observe particulièrement chez les jeunes et les femmes. Environ un jeune sur trois (32 %) de 15 à 24 ans dans la région n'est pas d'emploi, d'études ou de formation», indique-t-elle dans un rapport intitulé «Le défi de l'emploi : Repenser le rôle des pouvoirs publics envers les marchés et les travailleurs dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord». Rappelant que le taux de chômage des jeunes dans cette région, estimé à 26% environ en 2019, est «le plus élevé du monde», l'institution financière déplore que cette situation perdure depuis deux décennies. «La part de l'emploi informel (défini comme ne prévoyant pas de cotisations de sécurité sociale, que ce soit pour les pensions, l'invalidité, la maladie ou d'autres risques) varie au sein de la région, mais reste particulièrement élevée», ajoute-t-elle. La création d'emplois par le secteur privé reste «médiocre» Elle donne ainsi l'exemple du Maroc, où cette part de l'emploi informel est estimée à 77% de l'emploi total, contre 69% en République arabe d'Egypte, 64% en Cisjordanie et Gaza et environ 16% à Bahreïn. De plus, «l'emploi informel au secteur privé atteint même 84% au Maroc, contre 86% en Egypte, 62% en Tunisie et 44% en Arabie Saoudite». Le rapport ajoute que lors de la comptabilisation du travail indépendant, certaines données du Maroc montrent que les ménages les plus pauvres sont plus susceptibles de s'appuyer sur le travail indépendant, et plus encore dans les zones rurales. Le rapport évoque aussi l'impact de la pandémie de la Covid-19, notant que seulement trois mois après le début de la pandémie, 34% des ménages au Maroc ont mentionné qu'ils n'avaient aucune source de revenus. «Cette proportion était encore plus élevée parmi les pauvres (44%) et parmi certaines professions telles que les commerçants et les ouvriers», ajoute le rapport qui cite l'enquête du Haut-Commissariat au Plan (HCP). Cependant, en février 2021, certains signes de reprise sont apparus dans les enquêtes menées au Maroc, mais aussi en Egypte, en Jordanie et en Tunisie, notamment des augmentations de la participation au marché du travail par rapport à novembre 2020. De plus, les taux d'emploi ont également commencé à augmenter au Maroc (de 61% à 68%) et en Tunisie (de 64% à 68%), poursuit le document. Celui-ci qualifie toutefois de «médiocre» la création d'emplois dans le secteur privé MENA, évoquant une croissance annuelle de l'emploi de moins de 6% en 2019 pour le cas du royaume. Créer les conditions pour un secteur privé concurrentiel et réglementé Pour la Banque mondiale, «il est essentiel que les pays de la région permettent au secteur privé d'accéder aux marchés et de concurrencer à armes égales les entreprises publiques, et ce, afin de créer des emplois dans une région où le chômage des jeunes est le plus élevé du monde». L'institution recommande aux gouvernements de la région des mesures pour remédier au marasme du marché du travail qui continue de saper le développement économique et le progrès social. Pour le rapport, la lutte contre le fléau du chômage, en particulier chez les jeunes et les femmes de la région, passe par un secteur privé plus développé et dynamique, ainsi que par des réformes réglementaires sur les marchés du travail et des produits. «Plutôt que d'intervenir dans les secteurs économiques, l'Etat doit créer les conditions pour un secteur privé concurrentiel et réglementé. Plutôt que de se reposer sur un code du travail obsolète, l'Etat doit repenser se programmes de protection sociale et son approche au marché de l'emploi», estime Ferid Belhaj, vice-président de la Banque mondiale pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord. «Les gouvernements de la région MENA peuvent éviter une autre décennie perdue pour les générations actuelles et futures en adoptant des réformes courageuses et politiquement réalisables», affirme de son côté Federica Saliola, coautrice du rapport et économiste principale au sein du pôle Protection sociale et emploi de la Banque mondiale.