«Le chômage des jeunes au Maroc s'explique par trois facteurs : un manque d'esprit entrepreneurial, le déficit de création d'emplois et l'inadéquation formation/emploi». Ce constat tiré de l'édition de juillet des Perspectives économiques en Afrique (BAD, OCDE, PNUD et CEA), en préparation de la conférence régionale de Tunis sur la thématique «Promouvoir l'emploi des jeunes en Afrique du Nord», révèle un paradoxe inquiétant pour la région MENA. La croissance en Afrique du Nord a, en effet, été «supérieure à la moyenne mondiale», sans qu'elle n'ait «suffi à créer des emplois productifs pour tous». En agrégeant l'ensemble de leurs données, les quatre institutions on identifié 5 défis pour l'emploi des jeunes dans la région, à partir desquels se dégagent cinq pistes pour l'action, nécessaires pour éviter un nouveau printemps arabe. Jeunes oubliés «La croissance économique n'a pas créé suffisamment d'emplois pour les jeunes» en Afrique du Nord. C'est là le premier constat qui se dégage de l'analyse de la récente édition régionale des Perspectives économiques en Afrique. Dans le cas du Maroc, si l'économie nationale a réussi, tout comme l'Algérie d'ailleurs, à «atteindre un taux de création d'emplois supérieur à la croissance de leur population active», soit 312.000 emplois créés entre 2000 et 2008, les jeunes semblent ne pas en avoir bénéficié. «Leur taux de chômage est passé de 15% en 2004 à 18% en 2008», note le rapport. À l'insu des effets de la crise de 2008, le chômage des jeunes au Maroc reste «un problème structurel», qui renvoie aussi bien à la nature de la production nationale, qui «renferme peu de valeur ajoutée», ce qui incite à l'innovation, mais aussi à lever, ou du moins à «abaisser les obstacles à l'entrée» du marché du travail et des entreprises, dont les principaux sont la corruption, le népotisme, l'accès au financement, et dans une moindre mesure la réglementation du travail. Une situation qui ne risque pas de s'arranger, du fait que «la population jeune continue de faire pression sur les marchés du travail», constatent les rédacteurs. Au Maroc, il s'avère par exemple que «l'éducation des jeunes progresse plus rapidement que la population», ce qui réduit la capacité de l'économie, avec un taux de croissance en dessous du seuil des 6% nécessaires pour soutenir l'emploi, à absorber convenablement le nouveau contingent annuel de main d'œuvre. La Banque mondiale y voit notamment «un risque non négligeable» menaçant «la cohésion sociale et la stabilité politique». Mohamed Bouazizi, le jeune vendeur tunisien qui a porté seul la flamme du printemps arabe, illustre très bien cette réalité. Il est aussi une illustration de la nature des emplois des jeunes dans la région, pas assez rémunératrice, favorable à la précarité, et «de faible qualité», soutient le rapport. La situation de l'emploi se complique encore plus, dès lors qu'«on compte davantage de jeunes découragés que de jeunes sans emploi», une catégorie de chômeurs non prise en compte dans les statistiques officielles. Les cafés des villes du Maroc regorgent en effet de «tous ceux qui ont renoncé à chercher un emploi, mais qui sont néanmoins inactifs et n'améliorent ni leurs compétences ni leur expérience». Au niveau régional par exemple, au taux de 7% de chômage des hommes correspond un taux de 10% de découragés, ce qui indique «la gravité de l'exclusion du marché du travail». Sur ce thème de l'exclusion, le rapport réitère la dénonciation « des problèmes sexospécifiques» qui limitent leur accès au marché du travail. Une bonne partie de ces dysfonctionnements structurels trouvent leur origine dans «le fossé entre le système éducatif et les besoins des entreprises». L'idée est que la préférence des jeunes de la région pour l'emploi public, dans un contexte où l'Etat emploie moins qu'avant, fait que ces jeunes se retournent sur le privé, avec une formation initiale non adaptée. Le Maroc est moins touché que les autres pays de la région, du fait que ses jeunes «ont des attentes plus réalistes à propos du marché du travail», et sont par conséquent «prêts à travailler dans le secteur privé ou à créer leur propre entreprise». Même s'il faut encore «mieux les informer sur les (vrais) besoins du marché du travail». Partenariat entre système éducatif et secteur privé, formation continue, ou en alternance, participation des entreprises à la formation de ses employés, ouverture du système éducatif au changement et à la flexibilité, mise en avant de la recherche et de l'innovation, «instauration de règles du jeu équitables», tels sont les ingrédients proposés pour optimiser l'équation formation/emploi. Tous veulent être indépendants ! «Modifier la préférence pour l'emploi dans le secteur public s'avèrera difficile, tant que le secteur privé ne sera pas en mesure d'offrir la même stabilité d'emploi et les mêmes avantages sociaux», assure le rapport. La préférence des jeunes pour le public explique en partie l'inadéquation entre formation supérieure, notamment universitaire et offres d'emploi davantage issues du privé. Le Maroc semble faire exception, en ce que ses jeunes ont plus l'esprit libéral que leurs voisins. Ainsi, comme le montre le graphique ci-dessus, seuls 26% des jeunes ont une préférence pour la fonction publique, quand ils sont 53% en Egypte ou 46% en Tunisie. Le plus gros contingent de jeunes travailleurs Marocains ont une nette préférence pour le travail indépendant, soit 41%. Même si le taux plus élevé à ce niveau reste celui des jeunes Algériens, qui sont 46% à préférer le travail indépendant.