Dans l'étude qu »elle a consacrée aux rapports entre l'éducation et la situation sur le marché du travail en Afrique du Nord, la BAD note que peu d'emplois à haute valeur ajoutée « décents » sont créés dans les pays du Maghreb pour absorber la main-d'oeuvre qualifiée. Par conséquent, les rendements de l'éducation et la productivité de la main-d'oeuvre sont faibles. Le rythme de création des emplois n'est pas suffisamment rapide pour réduire significativement le chômage des jeunes dans tous les pays sauf en Algérie. En Tunisie, le nombre de nouveaux emplois créés était inférieur au taux d'accroissement de la population active, ce qui signifie que le chômage global et le chômage des jeunes ont augmenté. Au Maroc, 312 000 emplois ont été créés sur la période de huit ans, mais ils n'ont pas profité substantiellement aux jeunes dont le taux de chômage est passé de 15 % en 2004 à 18 % en 2008. En Algérie, le chômage des jeunes a considérablement diminué, tombant de 43 % en 2004 à 24 % en 2008, mais le chômage global a diminué à un rythme plus rapide, passant d'un pic de 30 % en 1999 à 11 % en 2008. Dans les trois pays, les jeunes sont deux fois plus susceptibles d'être au chômage que les adultes. Par conséquent, nombre de jeunes finissent par se décourager et quittent le marché de l'emploi. Seulement 47 % des jeunes en Algérie, 38 % au Maroc et 33 % en Tunisie sont économiquement actifs – ce qui est bien en dessous de la moyenne mondiale de 51 %. Les taux de participation au marché de l'emploi sont beaucoup moins élevés pour les jeunes femmes que pour les jeunes hommes, malgré les progrès accomplis dans l'amélioration du niveau d'instruction des femmes. Étant donné que la plupart des personnes inactives ne réintègrent pas la population active, le chômage structurel est devenu un problème, notamment au Maroc et en Tunisie. Par ailleurs, les personnes qui quittent le marché de l'emploi ne sont pas comptabilisées dans les estimations officielles et sont, par conséquent, souvent ignorés dans les programmes gouvernementaux visant à remédier au chômage des jeunes. Déficit d'emplois décents Un climat de l'investissement imprévisible, les coûts élevés de l'activité commerciale, la rigidité des réglementations du marché du travail et la lenteur des progrès accomplis dans la mise en place d'économies totalement ouvertes ont empêché la croissance et l'investissement du secteur privé et encouragé l'informel, contribuant ainsi à engendrer un déficit d'emplois dans l'Afrique du Nord. Les coûts élevés liés à l'embauche de travailleurs – taux d'imposition des sociétés, politiques restrictives en matière d'embauche/licenciement, législation relative au salaire minimum et contributions sociales – offrent aux entreprises une forte incitation soit à ne pas embaucher de travailleurs ou à les embaucher au noir en dessous du salaire minimum. Par conséquent, une forte proportion de travailleurs, composée principalement de jeunes femmes et de jeunes vivant dans les zones rurales, travaille dans le secteur « informel » non réglementé de l'économie, exerçant des emplois précaires et non conventionnels sans contrats ni mesures de protection sociale. L'emploi informel représente entre 43 et 50 % de l'emploi non agricole total dans les pays de l'Afrique du Nord. Le travail n'offre aucune garantie de sécurité et est sous-payé (ou non rémunéré), sans profil de carrière, contribuant ainsi au chômage des jeunes, plus particulièrement des jeunes instruits. Étant donné que les jeunes peuvent être classés comme « employés » même lorsqu'ils travaillent pendant des périodes de temps négligeables, on constate une forte incidence des travailleurs pauvres : plus d'un tiers des jeunes ayant un emploi en Afrique du Nord vivent encore avec leurs familles, avec un revenu familial de moins de 2 dollars par jour par membre de la famille. La plupart des emplois, notamment dans le secteur informel et dans l'agriculture, offrent des rendements faibles en termes de productivité et de compétences, et fournissent ainsi peu de possibilités d'augmentation des traitements ou des salaires. Ils ne génèrent pas non plus une croissance à haute valeur ajoutée et durable permettant aux pays de renforcer leur compétitivité sur le marché mondial. Le secteur informel recouvre également le travail indépendant qui représente 45 % des nouveaux emplois créés en Algérie entre 2000 et 2007, et près de 81 % des entreprises en Tunisie. Le manque d'accès au financement et le coût élevé des procédures de création formelle d'entreprise a entraîné la prolifération de petites entreprises non enregistrées qui fournissent peu d'emplois et sont peu susceptibles de se développer. Le secteur public est par conséquent le principal employeur fournissant du travail décent qui met en valeur les compétences des diplômés de l'université. Ainsi, les jeunes instruits, notamment les jeunes femmes, font le plus souvent la « queue » pour obtenir des emplois dans le secteur public, qui offre des salaires au-dessus des niveaux du marché ainsi que de généreux avantages non salariaux, notamment le congé de maternité. Toutefois, ce secteur se rétrécie depuis les années 80 en raison des compressions budgétaires, des privatisations et de la déréglementation. S'il est vrai que le secteur public fournissait 65 % des emplois du secteur formel en Algérie en 1987, il n'employait que 25 % des travailleurs en 2004. Ceci atteste que la propension des gouvernements à créer des emplois de façon épisodique pour les travailleurs plus qualifiés a accru les attentes parmi les diplômés de l'université qui préfèrent rester au chômage pendant des périodes prolongées plutôt que d'accepter des emplois moins bien rémunérés dans le secteur privé.