Dans son rapport annuel au titre des années 2019 et 2020, publié cette semaine, la Cour des comptes a pointé un «déséquilibre structurel interbassins au niveau des apports hydriques annuels», recommandant notamment de «réaliser les projets matures de connexions interbassins». Dans un contexte où le Maroc est accablé par la sécheresse cette année, dont les effets se feront sentir malgré les dernières précipitations, la Cour des comptes a abordé quelques insuffisances du secteur de l'eau qui doivent être dépassées. Dans son rapport annuel au titre des années 2019 et 2020, la cour a ainsi rappelé que le Maroc dispose d'un potentiel en ressources hydriques estimé à 22 milliards de m3 par an, alors qu'il figure parmi les 20 pays les plus «stressés» au monde en termes de disponibilité de ces ressources. Ainsi, à travers les missions réalisées par la Cour, il ressort que la gestion du secteur de l'eau «doit dépasser plusieurs insuffisances en vue de relever les défis liés à la mobilisation, la valorisation et la préservation des ressources en eau, ainsi qu'à la planification, l'organisation et le financement du secteur de l'eau», indique le rapport. La cour y constate, en effet, que «les barrages font face au phénomène d'envasement qui réduit leur capacité globale de stockage de 75 millions de m3 par an». De plus, les interventions dans le cadre du Plan national d'aménagement des bassins versants restent «en deçà des objectifs fixés». Une «surexploitation des eaux souterraines» En matière de valorisation de l'eau dans l'irrigation, le rapport pointe «un décalage» estimé en 2018 à 158 000 ha, qui existe entre les aménagements hydro-agricoles et les superficies potentiellement irrigables à partir des barrages. Il ajoute que la mobilisation des ressources reste «marquée par la surexploitation des eaux souterraines, estimée à 1,1 milliards de m3 /an, conjuguée à la non-utilisation d'un volume de 1,7 milliards de m3 /an initialement stocké dans les barrages». «Pourtant, malgré l'amenuisement de la marge de manœuvre dans la mobilisation des ressources en eau conventionnelle, les eaux non conventionnelles se limitent à 0,9% de la totalité des ressources en eau mobilisées», constate la cour. Les sages de Zineb El Adaoui regrettent que le bilan d'inventaire et de sécurisation des biens du domaine public hydraulique soit «particulièrement faible et le recours aux mécanismes juridiques de protection demeure limité». «A cela s'ajoute le coût élevé de la dégradation des ressources en eau liée à la pollution, estimé à 1,26% du PIB, dont 18,5% est liée à la pollution industrielle hydrique», notent-ils. Stress hydrique : Le Maroc en train de «camoufler un problème au lieu de le résoudre» Le rapport pointe aussi du doigt «le nombre des préleveurs d'eau non autorisés», qui reste élevé. «Il a été estimé en 2017 à plus de 102 264 contre 52 557 préleveurs autorisés», précise-t-on, en notant que la multiplicité de corps de police de contrôle pour pallier ce problème «limité leur efficacité». La même source constate aussi la non adoption du Plan national de l'eau (PNE) et les plans directeurs d'aménagement intégré des ressources en eau (PDAIRE), la multiplicité de ses acteurs publics et privés et la non-activation des principaux organes d'orientation et de coordination, notamment le Conseil Supérieur de l'Eau et du Climat. De plus, les programmes adoptés relatif au secteur de l'eau restent «limités le plus souvent à chiffrer les besoins en investissements, sans préciser les modalités et les mécanismes de financement», avance le rapport, en citant à titre d'exemple le cas de la Stratégie Nationale de l'Eau (2010-2030) et du PNE (2020 - 2050). Un déséquilibre structurel interbassins au niveau des apports hydriques annuels Dans ses recommandations, la cour suggère d'encourager le «recours aux sources non conventionnelles, notamment le dessalement, la réutilisation des eaux usées et la collecte des eaux pluviales», de «prendre les mesures nécessaires permettant l'amélioration de la délimitation et de la protection du domaine public hydraulique, et de mettre en place les conditions nécessaires à l'application du principe 'pollueur-payeur', ainsi que le renforcement de la police de l'eau». Elle propose d'activer et de renforcer le rôle des instances de concertation, de coordination et d'orientation stratégique au niveau national, régional et local, et d'accélérer le projet en cours du système d'information intégré de l'eau. La Cour plaide pour le développement des synergies «Eau-Energie-Agriculture» permettant la convergence de ces trois secteurs, leur intégration territoriale et l'alignement de leurs stratégies. L'optimisation de l'allocation des ressources financières destinées au secteur de l'eau et l'amélioration de l'efficacité des investissements, notamment à travers l'adoption de modes de financement novateurs (PPP et autres) sont également recommandées. Autoroute de l'eau : Les travaux devraient commencer en 2018 La Cour des comptes recommande enfin de «réaliser les projets matures de connexions interbassins», après son constat d'un déséquilibre structurel interbassins au niveau des apports hydriques annuels. «La mobilisation des ressources en eau fait face à un déséquilibre structurel interbassins au niveau des apports hydriques annuels, avec de grandes disparités temporelles et spatiales», dit-elle constater. «En conséquence, certains bassins sont excédentaires et les eaux stockées dans les barrages sont parfois déversées en mer faute d'exploitation, alors que d'autres peinent à disposer des ressources hydriques pour assurer l'alimentation en eau d'irrigation voire même en eau potable», regrette-t-elle. Pour rappel, les autorités marocaines ont lancé, en 2014, la réalisation de l'étude de conception d'un projet d'une autoroute de l'eau devant transporter environ 390 millions de m3 depuis les barrages d'Al Makhazine, Mohamed Ben Abdellah et Massira pour assurer l'approvisionnement de Marrakech en eau potable et à usage industriel. Les travaux de l'autoroute de l'eau devaient commencer en 2018, avec une première phase opérationnelle vers 2025. Un mémorandum d'entente relatif à ce transfert des eaux nord-sud, a même été signé entre le Maroc et China harbour engineering company ltd, en mai 2016 à Pékin, en marge de la visite du roi Mohammed VI en Chine, mais ce projet tarde encore à voir le jour.