Dans son dernier rapport 2019-2020, la Cour des comptes s'est penchée sur la situation hydrique au Maroc. Elle rappelle à ce titre que le Maroc dispose d'un potentiel en ressources hydriques estimé à 22 milliards de m3 par an. Il figure ainsi parmi les 20 pays les plus « stressés » au monde en termes de disponibilité de ces ressources. Les eaux superficielles et souterraines mobilisées sont utilisées principalement dans l'irrigation (jusqu'à 88%), la fourniture d'eau potable et la satisfaction des besoins des autres secteurs économiques (jusqu'à 12%). A travers les missions réalisées par la Cour, il ressort que la gestion du secteur de l'eau doit dépasser plusieurs insuffisances en vue de relever les défis liés à la mobilisation, la valorisation et la préservation des ressources en eau, ainsi qu'à la planification, l'organisation et le financement du secteur de l'eau. Au sujet de la mobilisation et de la valorisation des ressources en eau, le Maroc fait face à un déséquilibre structurel interbassins au niveau des apports hydriques annuels, avec de grandes disparités temporelles et spatiales. A ce titre, la Cour des Comptes a recommandé de réaliser les projets matures de connexions interbassins. D'un autre côté, les barrages font face au phénomène d'envasement qui réduit leur capacité globale de stockage de 75 millions de m3 par an. Les interventions dans le cadre du Plan National d'Aménagement des Bassins Versants ont permis certes, des acquis importants. Toutefois, les réalisations restent en deçà des objectifs fixés puisque seulement 50% de la superficie programmée a pu être traitée sur la période prévue (1996 – 2016). Ainsi, la Cour a recommandé de développer la gestion écosystémique pour mieux protéger les barrages contre l'envasement. En matière de valorisation de l'eau dans l'irrigation, un décalage existe entre les aménagements hydro-agricoles et les superficies potentiellement irrigables à partir des barrages. Ce décalage est estimé en 2018 à 158.000 ha. A ce titre, la Cour des comptes a recommandé de veiller à la synchronisation des aménagements hydroagricoles à l'aval des nouveaux barrages avec leur construction et rattraper le retard dans les aménagements à l'aval des barrages déjà existants. De même, la mobilisation des ressources est marquée par la surexploitation des eaux souterraines, estimée à 1,1 milliard de m3 /an, conjuguée à la non utilisation d'un volume de 1,7 milliard de m3 /an initialement stocké dans les barrages. Pourtant, malgré l'amenuisement de la marge de manœuvre dans la mobilisation des ressources en eau conventionnelle, les eaux non conventionnelles se limitent à 0,9% de la totalité des ressources en eau mobilisées. Dans ce cadre, la Cour des Comptes a recommandé l'encouragement du recours aux sources non conventionnelles, notamment le dessalement, la réutilisation des eaux usées et la collecte des eaux pluviales. Concernant la préservation des ressources en eau, le bilan d'inventaire et de sécurisation des biens du domaine public hydraulique est particulièrement faible et le recours aux mécanismes juridiques de protection demeure limité. A cela s'ajoute le coût élevé de la dégradation des ressources en eau liée à la pollution, estimé à 1,26% du PIB, dont 18,5% est liée à la pollution industrielle hydrique. Dans le même sens, le nombre des préleveurs d'eau non autorisés est élevé puisqu'il a été estimé en 2017 à plus de 102.264 contre 52.557 préleveurs autorisés. Pour protéger ces ressources, le législateur a créé plusieurs corps de police de contrôle en prévoyant une police par milieu, par activité ou par organisme. Néanmoins, la multiplicité de ces corps, travaillant d'une manière cloisonnée, a limité leur efficacité. A cela, s'ajoute la faiblesse de leurs effectifs et l'insuffisance des moyens mis à leur disposition. A ce titre, la Cour a recommandé de prendre les mesures nécessaires permettant l'amélioration de la délimitation et de la protection du domaine public hydraulique, et de mettre en place les conditions nécessaires à l'application du principe « pollueur-payeur », ainsi que le renforcement de la police de l'eau. Concernant la planification, l'organisation et le financement du secteur de l'eau, la loi sur l'eau a prévu deux documents principaux de planification et de gestion des ressources en eau qui sont le Plan National de l'Eau (PNE) et les Plans Directeurs d'Aménagement Intégré des Ressources en Eau (PDAIRE). Toutefois, ces documents ne sont pas encore adoptés. En outre, le secteur de l'eau est marqué par la multiplicité de ses acteurs publics et privés. La conciliation entre leurs besoins se heurte au problème de non-activation des principaux organes d'orientation et de coordination, notamment le Conseil Supérieur de l'Eau et du Climat, les Conseils de Bassins Hydrauliques et les Commissions préfectorales ou provinciales de l'eau, ainsi qu'à l'absence d'un système d'information national de l'eau. Aussi, la Cour a-t-elle recommandé de veiller à l'activation et au renforcement du rôle des instances de concertation, de coordination et d'orientation stratégique au niveau national, régional et local, et d'accélérer le projet en cours du système d'information intégré de l'eau. Par ailleurs, malgré le choix fait par le Maroc, depuis 2011, d'encourager la synergie et la convergence entre les secteurs de l'Eau, l'Agriculture et l'Energie, force est de constater que l'approche sectorielle est toujours prédominante en termes de gestion de ces secteurs en l'absence d'une logique d'intégration territoriale et d'une cohérence globale. Pour cela, la Cour a recommandé de développer les synergies « Eau-Energie-Agriculture » permettant la convergence de ces trois secteurs, leur intégration territoriale et l'alignement de leurs stratégies. Au niveau du financement du secteur, le modèle économique et financier actuel nécessite d'être revu afin d'en assurer la viabilité en tenant compte de la raréfaction croissante des ressources en eau, du caractère très capitalistique des investissements et des contraintes d'ordre social. Devant les difficultés de financement constatées, le recours au partenariat public-privé devrait être davantage développé, eu égard au nombre limité de contrats relevés à ce jour. Le recours à ce moyen devrait tenir compte des risques et défis liés plus particulièrement au financement, à la concurrence, à la réglementation et à l'expertise. Dans ce cadre, la Cour a recommandé d'optimiser l'allocation des ressources financières destinées au secteur de l'eau et de veiller à l'amélioration de l'efficacité des investissements, notamment à travers l'adoption de modes de financement novateurs (PPP et autres). De même, le système tarifaire actuel n'est plus adapté à une gestion rationnelle de la ressource, sachant que le financement du secteur est intimement lié au système de tarification. Ainsi, la Cour a recommandé de réaliser une étude sur le ciblage optimal, et de procéder, le cas échéant, à une révision du système de tarification de l'eau et de l'assainissement.