Le harcèlement, en particulier chez les jeunes, peut devenir un facteur accélérateur d'idées suicidaires, voire d'un passage à l'acte. Dans sa forme digitale, le cyberharcèlement s'avère tout autant un facteur de suicide chez les jeunes utilisateurs, d'où l'initiative «Click & Protect» de l'association Sourire de Reda. Afin de protéger les jeunes du cyberharcèlement sur les réseaux sociaux, l'association Sourire de Reda a lancé l'initiative «Click & Protect» destinée aux utilisateurs d'Instagram. Les deux structures se sont associées dans cette campagne de sensibilisation nationale, afin de mieux lutter contre le harcèlement en ligne et la cyberintimidation. L'initiative part d'un constat chiffré, puisque l'ONG rappelle que les jeunes de 15-24 ans «sont la tranche d'âge la plus connectée à l'échelle mondiale, les garçons passant en moyenne 4h et les filles 3h20 par jour devant les smartphones, tablettes et ordinateurs». «Nous sommes associés avec Instagram sur une campagne essentiellement vidéo. Nous travaillons sur le cyberharcèlement depuis 2013 et cette thématique a été notre porte d'entrée dans les établissements scolaires, car entrer par le suicide était tabou à ce moment-là», a confié à Yabiladi la présidente et co-fondatrice de l'association Sourire de Reda, Meryeme Bouzidi Laraki. «Aujourd'hui, nous lançons cette campagne après avoir été approchés par Instagram, car le confinement a révélé toute l'ampleur des drames de ce phénomène mis en exergue et sur lequel nous pouvons agir selon nos moyens», a déclaré la fondatrice. L'association souligne par ailleurs que «l'adolescence est une phase difficile pour beaucoup de jeunes. En plus des exigences scolaires et de la pression des pairs, ils sont confrontés à d'autres questions plus importantes : le changement hormonal lié à la puberté, la formation de la personnalité et de l'identité, l'image de soi, la vie publique en ligne». Elle estime aussi que «ces facteurs les rendent typiquement très sensibles émotionnellement à cet âge, et d'autant plus vulnérables aux violences verbales et psychologiques», d'où la publication d'un Guide de prévention face aux adolescents en détresse et ceux parmi eux qui pensent au suicide. Des chiffres alarmant sur le cyberharcèlement des jeunes Sourire de Reda se base sur des données du Centre marocain de recherches polytechniques et d'innovation (CMRPI), qui a mené entre 2019 et 2020 une enquête sur l'ampleur et la prévalence du phénomène de cyberharcèlement dans le pays. Sur un échantillon représentatif de 1200 sondés, couvrant 8 régions du Maroc, 27% font partie de la tranche d'âge de 8 à 12 ans, 51% entre 13 et 17 ans et 2,2% ont entre 18 et 28 ans. Les chiffres indiquent que 51,9% des répondants ont admis avoir subi du harcèlement physique ou verbal au lycée. 62,6% ont admis avoir déjà été victime d'humiliation ou de harcèlement sur Internet. 58,5% ont déclaré avoir été témoins d'un acte de violence commis envers un camarade. 47,7% ont avoué avoir été violents envers quelqu'un. Au cours de l'année scolaire 2019/2020, 31,1% des enfants et adolescents enquêtés ont reconnu avoir subi des actes de cyber harcèlement. 4,7% ont rapporté avoir été menacés. Sourire de Reda observe qu'avec la crise sanitaire, le confinement et l'enseignement en distanciel, le phénomène s'est accentué, atteignant des «proportions alarmantes». Pour l'ONG, le cyberharcèlement peut avoir «des conséquences désastreuses sur les jeunes qui en sont victimes» et peuvent souffrir de «difficultés de concentration et de problèmes de sommeil, puisque les attaques se font souvent le soir et la nuit». A l'école, cela peut se traduire par «un absentéisme marqué et une baisse de rendement scolaire». «L'estime de soi de la victime s'affaiblit très vite car elle finit par penser que le monde entier est contre elle ou a une mauvaise image d'elle. Elle peut finir par s'isoler de plus en plus, fuyant tous les lieux de rencontre avec d'autres jeunes. Elle peut aussi s'adonner à des comportements destructeurs tels que l'automutilation ou souffrir de troubles alimentaires», explique l'organisation, ajoutant que cet impact peut conduire au suicide. C'est ainsi qu'en 2020, Sourire de Reda est devenue «une association référence des plateformes Facebook et Instagram dans la zone MENA pour la prise en charge des jeunes en souffrance», a expliqué Meryeme Bouzidi Laraki. Depuis 2021, la structure est également membre de la task force Enfance Maroc Cyberconfiance, qui a lancé la première plateforme de signalement des violences en ligne au Maroc. Cette fois-ci, l'objectif est de «fournir aux jeunes un éventail de ressources qui soient gratuites et accessibles, à l'instar de la ligne verte d'assistance Stop Silence qui aide les adolescents – qu'ils soient auteurs, victimes ou témoins – à mieux gérer la situation et à mieux se protéger en ligne». S'associer aux réseaux sociaux pour une lutte plus efficace En présentation du lancement de la campagne «Click & Protect», la responsable de la politique publique de Instagram MENA, Nadia Diab-Caceres a rappelé que les contenus qui enfreignent les règles contre l'intimidation et le harcèlement sont systématiquement supprimés d'Instagram. Son association avec Sourire de Reda consiste notamment en la publication de vidéos informatives créées par le comité des jeunes de l'association, ainsi que des contenus consultables sur la page Instagram de l'ONG. Pour renforcer ces actions, celle-ci met à la disposition des utilisateurs des réseaux sociaux un livret électronique téléchargeable, qui regroupe des données, des statistiques et propose quelques bons usages. Afin d'éviter de subir les comportements intimidants ou harceleurs sur les réseaux sociaux et notamment sur Instagram, l'association y recommande d'empêcher les comptes d'apparaître dans le fil d'actualité, ou de recourir, si besoin, à bloquer les comptes avec lesquels on ne veut pas interagir. Elle appelle aussi les jeunes à prendre l'initiative de signaler les contenus indésirables, comme les photos, vidéos, commentaires, messages ou une story visant à intimider ou à harceler quelqu'un. Par ailleurs, elle rappelle la possibilité de paramétrer son propre compte en masquant les commentaires offensants de manière automatiquement et par défaut, à partir des options de confidentialité. Un «filtre manuel» existe également, afin de sélectionner des mots clés, des phrases et des émojis spécifiques de manière à ce qu'il n'apparaissent plus. Il est également conseillé aux jeunes de recourir aux options qui leur permettent contrôler qui peut commenter leurs publications, en limitant les commentaires aux personnes qu'ils suivent par exemple, en les désactivant de toutes les publications ou de certaines. En cas d'intimidation et de harcèlement, l'association recommande de garder les preuves à travers des captures d'écran, et porter plainte si la gravité des propos tenus l'exige. Elle conseille également aux utilisateurs de ne pas répondre aux attaques, mais aussi et surtout de ne pas rester seul et de se tourner vers une ligne de soutien.