Alors que la majorité gouvernementale vient tout juste d'être formée, les premières fissures apparaissent. L'Istiqlal semble jouer sa propre partition. Une fronde interne qui rappelle les précédentes crises gouvernementales. L'Istiqlal joue-t-il l'opposant de l'intérieur du gouvernement Akhannouch ? C'est du moins ce que laisse transparaitre les griefs portés par l'Alliance des Economistes Istiqlaliens (AEI) contre le projet de loi de finances 2022. L'organisation, que dirige Abdellatif Maazouz, le président du conseil de la région Casablanca-Settat, pointe notamment «le taux de croissance retenu (3,2%) est aligné sur ceux des années précédant la crise ; il n'est annonciateur ni de rupture par rapport au passé ni de signaux suffisamment positifs aux opérateurs économiques». L'organisation critique aussi «l'insuffisance des mesures fiscales et budgétaires au profit des secteurs fortement impactés par la crise actuelle, notamment le tourisme et activités dépendantes, la culture, l'habitat, certaines activités exportatrices». Sur les traces des reproches au PLF formulés par l'ancien chef du gouvernement, Saad-Eddine El Othmani, l'Alliance considère que «la suppression de la progressivité de l'IS (impôt sur les sociétés, ndlr) est en décalage avec l'esprit de la loi-cadre sur la fiscalité et les orientations du Nouveau Modèle de Développement». La fronde interne au gouvernement, une tradition marocaine Les économistes du PI proposent à l'exécutif d'adopter des «mesures d'appui aux secteurs fortement touchés par la crise Covid-19. Dans ce sens l'AEI, recommande vivement l'organisation du salon Made in Morocco dès 2022. Ces piques exprimées par l'Alliance des Economistes Istiqlaliens, ne constituent pas une surprise. Le président du groupe des députés du PI, avait déjà annoncé la couleur, le 13 octobre, à l'occasion du vote de confiance du cabinet Akhannouch. Noureddine Moudiane avait mis de côté son appartenance à la majorité gouvernementale pour tirer à boulets à rouge sur le programme du gouvernement, estimant qu'il n'apporte pas de réponses aux attentes sociales des Marocains. Ce ton très critique traduit en effet un malaise, qui traverse les rangs du parti et qui monte crescendo, contre les portefeuilles ministériels accordés au PI et les personnes choisis pour les occuper. La fronde de l'intérieur du gouvernement est devenue une tradition marocaine. De 1998 à 2000, l'Istiqlal sous la conduite d'Abbas El Fassi avait mené une campagne contre le cabinet Abderrahmane El Youssoufi, pointant du doigt «la lenteur» de ses réformes. Une campagne qui avait cessé après le remaniement ministériel du 6 septembre 2000, avec la nomination d'El Fassi en tant que ministre de l'Emploi. Le RNI avait assumé le même rôle sous le gouvernement d'Abbas El Fassi (octobre 2007-janvier 2012). Salaheddine Mezouar, alors président du RNI et ministre des Finances, s'en était fait une spécialité, dénonçant à maintes reprises «l'absence de cohésion et la faible communication entre les membres de la majorité». Sous le gouvernement Benkirane I, l'Istiqlal de Hamid Chabat a repris le flambeau de la contestation. Une ligne politique qui avait conduit en 2013 au retrait du PI de l'exécutif. Après une période d'accalmie sous le cabinet Benkirane II, les divisions criantes entre les composantes de la majorité gouvernementales ont repris de plus belle avec l'exécutif El Othmani. Un rôle que le RNI d'Aziz Akhannouch avait joué de 2017 jusqu'aux élections du 8 septembre 2021.