Le politologue Mohamed Darif estime que M. Benkirane devait réagir immédiatement au communiqué de «L'Opinion» publié mardi afin de mettre fin à la confusion. ALM : Que se passe-t-il au sein de la majorité de Abdelilah Benkirane? Mohamed Darif : Dès le départ, on avait dit que même si le PJD était arrivé en tête des élections, il devrait affronter des difficultés en matière de formation de la majorité gouvernementale. Nous avions dit aussi que le PJD allait être la partie la plus faible au sein de la coalition, car les partis qui ont accepté de le soutenir, l'Istiqlal, le MP et le PPS, devaient faire valoir leurs conditions. En affichant régulièrement un excès d'optimisme, M. Benkirane exagérait trop. Aujourd'hui, nous avons un problème réel. M. Benkirane avait promis à ses alliés d'adopter une approche participative, mais il n'en fut rien dans la pratique. Les points de discorde ont émergé dès qu'on a commencé à parler de la répartition des postes ministériels. Le PJD tient fermement à ce qu'il obtienne 11 postes ministériels stratégiques, notamment la Justice, les Finances, l'Equipement et le Transport, et les Affaires étrangères. Le PI s'estime lésé en n'obtenant que 6 sièges. Le MP voit le PPS obtenir le même nombre de portefeuilles alors que ce dernier n'a remporté que 18 sièges lors des élections. Qu'en est-il du manque de communication? Malheureusement, Abdelilah Benkirane avait promis aux citoyens d'être sincère et transparent et de communiquer. Et aujourd'hui il observe un silence face à ce qui se passe. Il contribue ainsi à créer la confusion. Le chef de gouvernement avait dit qu'il avait remis la liste finale des ministrables au Cabinet royal samedi 24 décembre. Et pourtant il n'a pas réagi au communiqué de «L'Opinion» publié mardi dernier. Il devait faire une déclaration immédiatement pour éclairer l'opinion publique et mettre fin au manque de clarté et pour que chacun assume sa responsabilité. Pensez-vous que c'est le désaccord entre le PJD et l'Istiqlal qui bloque le processus ? En réalité, nous avons d'un côté les dirigeants du parti islamiste qui affirment que la liste finale des ministrables des quatre partis a été remise au Cabinet royal. Et de l'autre, il y a «L'Opinion», organe de presse de l'Istiqlal, qui a publié un communiqué politique affirmant que la question de la désignation des ministrables n'avait pas encore été discutée au sein du parti. Alors que deux membres du comité exécutif de l'Istiqlal, Mohamed Soussi et Abdelwahed El Fassi, sont partis voir M. Benkirane et ce dernier leur a montré la liste des ministrables istiqlaliens que Abbas El Fassi lui a remis. Il se peut ainsi que M. El Fassi ait élaboré la liste sans se référer aux structures du parti. Peut-on dire que la majorité de M. Benkirane en est à sa première crise ? On ne peut pas encore parler de crise de la majorité car nous n'avons pas encore de majorité. Il y a des problèmes qui entravent la formation de la majorité gouvernementale. Et ces problèmes sont réels. Chacun sait que la majorité n'est formée officiellement qu'après avoir obtenu la confiance du Parlement à travers la déclaration gouvernementale. Or, nous avons aujourd'hui des mécontents au sein du parti de l'Istiqlal qui contestent la manière avec laquelle M. El Fassi a géré les concertations. Aussi, il y a des mécontents au sein du PPS qui critiquent l'alliance avec les islamistes. Ainsi, il est fort probable que des députés istiqlaliens et socialistes votent contre la déclaration gouvernementale empêchant ainsi le gouvernement Benkirane d'avoir sa majorité absolue de 198 voix.