La crise entre le Maroc et l'Espagne n'est pas la seule conséquence de l'accueil de Brahim Ghali. Elle est bien plus profonde et porte sur les fondements même de cette relation. En témoigne le rapport 2020 du Département de la Sécurité Nationale d'Espagne. En plein crise diplomatique avec Rabat, le Département de Sécurité Nationale (DSN), qui relève de la tutelle directe de la présidence du gouvernement espagnol, a présenté, jeudi 27 mai à la Chambre des représentants, son rapport 2020 sur les défis sécuritaires menaçant la stabilité du pays. Sur les 390 pages du document, le Maroc est cité à plusieurs reprises. Sur la question du Sahara, le DSN note que la reconnaissance par les Etats-Unis de la marocanité de la province «à aggraver la complexité de la situation». Une conclusion du DSN qui explique les positions défendues par la ministre des Affaires étrangères, Arancha Gonzalez Laya, relatives à la déclaration du président Donald Trump du 10 décembre. Le 14 décembre, elle avait émis le vœu que l'administration Biden «puisse évaluer la situation et voir de quelle manière elle va se positionner et travailler en vue d'une solution juste et durable qui ne dépend pas d'un alignement d'un moment sur un camp ou sur l'autre». Madrid veut que le Maroc joue le gendarme de ses frontières Si sur le dossier du Sahara, l'Espagne a tenu à garder une distance avec la position du Maroc, elle sollicite son appui pour faire face à la lutte contre l'immigration irrégulière. Ainsi, le DSN loue «la collaboration continue du Maroc qui a permis de réduire les flux migratoires par voie maritime dans la zone de la Méditerranée». Et de noter que cet effort a contraint les réseaux qui contrôlent cette activité à «dériver les flux vers la côte Atlantique, du Maroc jusqu'à la Gambie, et vers l'Algérie». Le rapport affirme que «le maintien des arrivées sur la zone du Détroit et de la mer Alboran dans des niveaux gérables, est vital pour ne pas saturer les systèmes de réception et d'accueil» des migrants dans le pays. Il préconise également de poursuivre les «opérations de rapatriement» des sans papiers des Iles Canaries vers le Maroc. Force est de constater que c'est uniquement face à la menace migratoire que l'Espagne «reconnait la souveraineté» du Maroc sur le Sahara en recommandant d'accélérer les refoulements des migrants arrivées aux Iles Canaries depuis les côtes de la province. Dimanche, Nasser Bourita a précisé que «le Maroc n'est ni le gendarme, ni le concierge de l'Europe» et s'il coopère contre l'immigration irrégulière c'est dans le cadre d'un partenariat et «la compréhension des intérêts des uns et des autres». A la veille de la présentation de ce document aux députés, l'ancien chef du gouvernement, le socialiste José Luis Rodriguez Zapatero a affirmé que «la relation avec le Maroc est essentielle pour la stabilité de l'Espagne». De son côté, l'ancien ministre de la Défense, José Bono, a reconnu que «c'est grâce au royaume du Maroc que nous avons pu arrêter plusieurs islamistes radicaux et éviter la commission d'attentats terroristes avec des morts». Le rapport du DSN a reçu le feu vert du gouvernement Sanchez en mars, bien avant l'exode de milliers de Marocains vers Ceuta.