En riposte aux nombreuses attaques du régime algérien contre le royaume, d'aucuns estiment que l'Etat marocain doit répondre en plaidant l'autonomie de la Kabylie. Il y a six ans, Rabat avait pris une telle initiative dans un contexte géostratégique particulier. Face aux récents épisodes d'hostilités médiatiques et politiques venant d'Alger, certains internautes marocains ont exhumé vidéos et articles d'octobre et novembre 2015 comme réponse à donner par Rabat. Depuis la tribune des Nations unies, le Maroc avait défendu à deux reprises l'autonomie de la Kabylie, régions amazighes en Algérie. «Le peuple Kabyle doit être entendu et écouté pour la reconnaissance de ses besoins et de ses attentes (…) La communauté internationale a le devoir de l'accompagner pour qu'il puisse jouir de ses droits légitimes à l'autodétermination et à l'autonomie», avait plaidé le diplomate Omar Rabi lors d'une réunion de la 3e commission de l'ONU. Depuis ces deux interventions, la question a disparu des discours officiels même si le Maroc a accueilli en 2016 et pendant plusieurs mois deux militants amazighs du mouvement mozabite à Ghardaïa. Salah Abbouna et Khodir Sekkouti, sont deux compagnons du leader Kamal Eddine Fekhar, décédé dans une prison algérienne le 28 mai 2019. Ils avaient fui la répression avant qu'ils n'entrent à Melilla et forcent ensuite le gouvernement espagnol, dirigé alors par Mariano Rajoy, de leur accorder l'asile politique, tient à rappeler Rachid Raha dans des déclarations à Yabiladi. Le leader de l'Assemblée mondiale amazighe (AMA) défend l'autonomie kabyle : «Nous la soutenons fermement comme nous soutenons toutes les revendications autonomistes en Afrique du nord à condition qu'elles respectent les unités territoriales des pays. En revanche, nous refusons tous les appels au séparatisme.» Une prudence affichée pour se démarquer du mouvement de Ferhat Mehenni. «Nous n'appuyons pas la ligne séparatiste prônée par le mouvement de Ferhat Mehenni. Toutes les tendances séparatistes au Rif ou en Kabylie sont instrumentalisées par des services de renseignements de pays étrangers.» Rachid Raha De son côté, Youssef Laarej souhaite éviter toute immixtion dans le dossier Kabyle algérien. Le militant amazigh affirme à Yabiladi que «la question kabyle est une affaire interne à l'Algérie», expliquant que «le Maroc a encore devant lui des défis à relever quant à l'opérationnalisation réelle des demandes du mouvement amazigh avec en ligne de mire une régionalisation avancée établie». «Il y a encore des efforts à fournir au niveau des administrations installées dans des régions qui ne parlent pas la langue arabe. Par exemple dans le Rif où il faut innover avec des solutions répondant aux spécificités de la population locale», note-il. Le précédent de 2015 répondait à un contexte géostratégique particulier Mais les retards au Maroc sur la question amazighe ne sont pas forcément un obstacle quant au soutien de l'autonomie kabyle en Algérie. Cette carte a déjà été jouée en 2015 à l'ONU dans le bras de fer vec l'Algérie sur le Sahara occidental. Rachid Raha tient à apporter un éclaraige sur cet épisode ô combien sensible. Tout en veillant à ne pas s'immiscer sur un terrain qui relève, selon lui, des prérogatives du ministère des Affaires étrangères, il inscrit le plaidoyer marocain en faveur de l'autonomie kabyle dans un «contexte géostratégique particulier». «L'action de 2015 répondait à une volonté de la part du royaume de promouvoir l'autonomie comme solution à des conflits territoriaux au Maghreb et dans la région du Sahel. N'oublions pas que le roi Mohammed VI avait reçu, le 31 janvier 2014, Bilal AG Cherif le secrétaire général du Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA) au Mali, qui était venu défendre l'autonomie des Touaregs maliens et non l'indépendance de la province.» Rachid Raha «Le Maroc souhaitait qu'une opérationnalisation de l'autonomie de l'Azawad bénéficie également au Sahara. Néanmoins, les choses ont pris une autre tournure pour Rabat et l'Azawad avec les accords d'Alger de 2015», a-t-il déploré. Depuis, le dossier a effectivement été mis en veilleuse. Le Maroc évite en effet d'instrumentaliser des revendications politiques de parties d'opposition en Algérie. Bien avant la question de l'autonomie de la Kabylie, le royaume sous Hassan II avait refusé d'apporter aides, assistance technique et base aux mouvements armés islamistes au début des années 90. Mieux, le défunt roi avait même remis en juin 1993 aux militaires algériens l'opposant Abdelhak Layada, le chef militaire du Groupe islamique armée (GIA), avait révélé le général Khalid Nezzar en 2016.