Rien ne va plus entre Benkirane et l'entourage royal ? De nouvelles déclarations du chef du gouvernement laissent entendre qu'il y a anguille sous roche. La trêve des confiseurs est sur le point de se terminer. Indéniablement, Abdelilah Benkirane marche sur les traces de Abderrahman El Youssoufi. La controverse suscitée par le cahier de charge de 2M prend une nouvelle tournure. Dimanche, à Rabat lors d'une journée d'étude consacrée à l'examen d'amendements à apporter à la loi organique du PJD, le chef du gouvernement monte au créneau pour dénoncer l'existence au sein de l'Etat de «bastions de contrôles (…) sous la domination de personnes dépourvues de titre politique» et qui «s'opposent au moindre élan réformateur du gouvernement». Ces mêmes bastions, poursuit le patron du PJD, «ont fait, par le passé, l'objet de plaintes de la part de précédents gouvernements», une allusion plus que transparente aux déboires du cabinet dit de l'alternance (1998-2002) avec «les poches de résistances», longtemps dénoncés par la presse et les cadors de l'USFP. La riposte de Benkirane «Sans aucun doute, c'est la riposte de Abdelilah Benkirane aux sorties médiatiques des dirigeants de 2M, opposés au nouveau cahier de charge élaboré par le ministre de la Communication, Mustapha El Khalfi, et approuvé, de surcroît, par la HACA (Haute autorité de la communication audiovisuelle)», nous confie Abdelali Hamieddine, membre du secrétariat général du PJD. Benkirane a souligné, comme nous le rapporte Hamieddine, présent à cette réunion, que «l'Histoire nous apprend que les rois n'étaient pas, toujours, entourés par de bonnes personnes», «le printemps arabe n'est pas encore terminé. On vient juste de passer sa première phase» et d'appeler enfin ses troupes à «se préparer à affronter d'autres batailles». Autant de signes annonciateurs d'empoignades entre le PJD et certaines forces politiques qui se proclament hostiles au programme des islamistes. Le cahier de charge de 2M n'est que la face visible de l'iceberg. Le ton de Benkirane en est, d'ailleurs, le parfait exemple. Est-ce la fin de la trêve avec El Himma ? Ces déclarations de Benkirane augure-t-elles d'une escalade avec l'entourage royale et spécialement Fouad Ali El Himma ? Abdelali Hamieddine, membre du secrétariat général du PJD, évite de se prononcer là-dessus, se contentant de rappeler, très brièvement, que «le chef de gouvernement n'a pas cité de nom». Le ton réservé du PJDiste tranche complètement avec les propos directs de Mustapha Merizek du PAM. «Si Benkirane a quelques problèmes avec les conseillers du roi, il n'a qu'à le lui transmettre directement ses remarques ou ses plaintes. Il prétend toujours qu'il a un accès direct au roi, qu'il le prouve», renchérit ce membre du conseil national du PAM. Et d'ajouter que «dans l'absolu, les ennemis des rois ce sont les islamistes qui usent de la religion à des fins politiques». Pour lui, cette nouvelle sortie médiatique de Benkirane transcende le problème des cahiers des charges de 2M puisqu'il s'agit «d'une bataille entre les modernistes et les conservateurs. Ces derniers menacent nos acquis nos libertés individuelles et d'expression». Au lendemain de la désignation, le 29 novembre, de Benkirane pour former un nouveau cabinet, le secrétaire général du PJD était contraint de modifier complètement sa ligne de conduite avec Fouad Ali El Himma, désormais conseiller du roi, donnant naissance à une cohabitation à la marocaine. Le fondateur du PAM longtemps l'ennemi juré des islamistes a même participé à la formation du gouvernement, jouant son rôle d'intermédiaire entre le Palais et le chef de l'exécutif. Depuis, une trêve est instaurée entre les deux protagonistes. Le cahier de charge de 2M l'a-t-il ébranlé à ce point ?