Le ministre de l'Economie et des finances Mohamed Benchaâboun a appelé, vendredi à Skhirat, à une contribution « juste » et « équitable » des professions libérales et du grand commerce et ce, à travers un élargissement de l'assiette fiscale. Cet élargissement permettra le réaménagement de l'IR (impôt sur le revenu) et une meilleure prise en charge des dépenses sociales dans l'objectif de soutenir significativement la classe moyenne tout en préservent les grands équilibres macro-économiques, a expliqué M. Benchaâboun à l'ouverture des 3èmes Assises nationales sur la Fiscalité, tenues sous le thème de « l'équité fiscale ». « Grâce à l'effort remarquable de transformation numérique mené ces dernières années, nous pouvons désormais débattre sur la base de données objectives », a-t-il poursuivi. A ce titre, le ministre a précisé que 50% des recettes des 3 impôts réunis (IR, IS & TVA) proviennent uniquement de 140 entreprises et que 73% des recettes proviennent de l'IR sur salaires contre 5% seulement de l'IR professionnel. Il a, en outre, fait observer que la contribution moyenne d'un salarié est 5 fois plus importante que celle d'un professionnel et que 3% des professionnels seulement paient 50% de l'IR professionnel. « A l'évidence, cette situation est en contradiction avec le principe d'équité fiscale et devrait être changée en mettant en œuvre, dans les faits, la règle qui stipule qu'à revenus égaux, impositions égales », a estimé M. Benchaâboun. Par ailleurs, le principe de lier toute détente future des taux au nécessaire élargissement d'assiette s'applique également à l'Impôt sur les Sociétés où 1% des entreprises seulement payent 80% des recettes de l'IS, a indiqué le ministre, notant que « cette très grande concentration fiscale ne peut s'expliquer par la seule concentration économique, puisque 84 entreprises seulement payent 50% de l'IS ». Ces mêmes entreprises ne représentent que 28% du chiffre d'affaires global et 40% de la valeur ajoutée totale. Cette situation est due à la non-conformité fiscale d'une grande partie des entreprises soumises à l'IS, a-t-il déploré, ajoutant que deux entreprises sur 3 soumises à l'IS sont des déficitaires chroniques et que la TVA est, à son tour, marquée par une grande concentration dans la mesure où 50% des recettes proviennent de 150 entreprises seulement. En outre, M. Benchaâboun a souligné que l'étroitesse de la base imposable ne découle pas seulement du comportement des acteurs économiques mais, également, de manière plus structurelle, des incitations fiscales qui perdurent dans le code général des impôts sans une évaluation précise et périodique de leur impact économique et social, précisant que le coût annuel global du dispositif incitatif fiscal actuel est estimé à environ 30 milliards de dirhams (MMDH), soit près de 2,5% du PIB. Il a, aussi, noté que le débat national sur la fiscalité, qui a jalonné la préparation de ces Assises, a convergé vers la nécessité de remettre à plat et de revisiter ce dispositif non seulement pour les problèmes d'iniquité qu'il pose mais également pour le déséquilibre qu'il pourrait générer pour le développement de certains secteurs. Dés lors, a estimé le ministre, l'approche d'encouragement des opérateurs économiques devrait être envisagée à l'avenir d'avantage à travers les dotations budgétaires plutôt qu'au moyen des exonérations fiscales, relevant qu'aucun secteur et aucune activité ne doivent rester en dehors du champ de l'impôt. Le principe étant que tous les contribuables doivent déposer leurs déclarations même quand ils sont exonérés ou imposés au taux zéro. Benchaâboun a, également, fait remarquer que l'un des enjeux stratégiques de la réforme, tel qu'il se dégage des travaux préparatoires des Assises et des nombreuses contributions institutionnelles et citoyennes, est bien celui de la simplification, la clarification, l'harmonisation et la lisibilité du texte fiscal. Et d'ajouter que les travaux menés dans le cadre de la préparation de ces assises et des recommandations qui se dégageront durant ces deux journées, un pacte fiscal, social, inclusif et durable devra être conclu. Il devra privilégier l'intérêt national aux intérêts catégoriels, et tenir compte des exigences du moment ainsi que de la nécessité de bâtir un système fiscal juste et équitable au service du développement du Royaume, a noté M. Benchaâboun. Ce système sera construit progressivement sur une période de cinq années à partir de la prochaine loi de finances, a-t-il conclu.