Les choses commencent à se clarifier aux yeux de l'opinion publique, mais elles se compliquent pour le chef du gouvernement désigné Abdelilah Benkirane. En effet, alors qu'il avait presque achevé de boucler sa majorité avec les partis de la Koutla, un grand sourire ornant sa barbe, voilà que l'ancien Wifaq renaît sous une autre forme, et que l'USFP recule, laissant Benkirane avec 183 députés et une majorité incomplète. Si l'USFP de Lachgar avait dit oui, comme cela avait été annoncé, le gouvernement serait déjà presque bouclé, et il n'y aurait plus eu qu'à attendre le retour du roi de l'étranger pour former la nouvelle équipe Benkirane III. Mais le Premier secrétaire de l'USFP, après avoir lié son sort à celui de l'Istiqlal le 17 octobre, a reculé, personne ne sachant vraiment quel positionnement est le sien aujourd'hui. Alors le chef du gouvernement est parti vers le RNI, mais il a trouvé face à lui un parti groggy par ses résultats électoraux, mais raffermi par l'arrivée d'un mastodonte à sa tête. Fin négociateur et bien plus puissant que son prédécesseur Salaheddine Mezouar, Aziz Akhannouch vient d'arriver à ce niveau de la scène politique, et il n'a pas spécialement le comportement d'un perdant. Il a vite fait de s'allier à l'UC, avec lequel il formera son groupe parlementaire (57 sièges), puis il s'est allié le MP de Mohand Laenser, qui a clairement manifesté sa volonté de ne se prononcer sur son adhésion au gouvernement qu'après concertation avec ses pairs de l'ancien Wifaq. Alors qu'Ilyas el Omari, pendant ce temps, se morfond avec ses 102 députés qui ne lui confèrent finalement aucune force, Aziz Akhannouch a d'ores et déjà revêtu les habits de chef de la future opposition, s'il y est, et de numéro 2 du gouvernement, s'il y rentre. Les choses sont allées très vite, trop vite, mais cela est une autre histoire, qui sera analysée en temps voulu, quand le gouvernement sera formé. Ou non. Alors, que dit Laenser ? Que le MP ne peut ni ne veut appartenir à une majorité Koutla où il serait isolé, de par son positionnement idéologique. Il entrevoit donc trois scénarios : 1/ Une majorité sortante reconduite, donc avec le PJD (125 sièges), le PPS (12), le RNI (37) et le MP (27), soit 201 députés. Mais il faudra alors ajouter la petite UC et ses 19 députés, car Akhannouch ne renoncera pas à Mohamed Sajid. 2/ Une majorité formée, en plus du PJD (125) et des partis de la Koutla, PPS (12), Istiqlal (47), et de l'USFP (20), soit 203 élus, du RNI (37), de l'UC (19) et du MP (27), ce qui ferait une majorité pléthorique de 7 partis et 286 sièges, avec le PAM isolé dans l'opposition. 3/ Une majorité PJD + Koutla, soit 203 députés. Dans ce cas, le Wifaq irait dans l'opposition et y retrouverait le PAM. Mais un gouvernement PJD + Koutla serait un gouvernement à la double légitimité, électorale pour le premier et historique pour la seconde, ce qui affaiblirait considérablement l'opposition et la rendrait inaudible, et invisible. On s'acheminerait donc vers le scénario 1/, et quand Akhannouch a demandé à Benkirane de choisir entre le RNI et l'Istiqlal, il semblerait que ce soit davantage pour assurer la place de numéro 2 à son parti que pour réellement écarter l'Istiqlal. Une posture de négociation, en quelque sorte. Par ailleurs, les attaques lancées contre Akhannouch sur le net et dans la presse Istiqlal, et qui ont déclenché une réponse énervée du RNI, indiquent que Benkirane joue son va-tout, dans le sens où il met la pression sur le nouveau chef du RNI pour modérer ses ambitions, dans l'espoir de le voir s'incliner et accepter ce qu'on lui donnerait, et dans l'attente et l'espoir aussi que Lachgar se décide enfin à accepter d'entrer au gouvernement. C'est mal connaître Akhannouch. Dans l'intervalle, on remarquera qu'en 2011, après les législatives du 25 novembre, il avait fallu moins d'un mois pour décider de la présidence de la Chambre des représentants, l'Istiqlalien Karim Ghellab ayant été élu au « perchoir » le 19 décembre. Cela fait maintenant un mois jour pour jour que les élections se sont tenue et on ne voit toujours rien poindre à l'horizon. Serions-nous face à un début de crise politique ?