Royaume-Uni - Maroc : Le projet de liaison électrique Xlinks en quête de soutien politique    Spectre d'isolement algérien, vain espoir vers Trump    Le Maroc, leader en gestion humanisée des frontières    Le Yémen salue les efforts du Roi en soutien à la cause palestinienne    Le Mouvement national marocain raconté par l'un de ses fondateurs    Autorité légitime au Yémen : Bourita réitère la position constante du Maroc    Sixième session de la commission mixte Maroc-Yémen : plusieurs accords et mémorandums d'entente signés    BLS rachète la plateforme Logiprod à Lkhayata pour 125 MDH    IPPIEM en décembre 2024 : principaux points de la note du HCP    Le marché boursier s'ouvre sur les entreprises industrielles de l'agroalimentaire    Bourse de Casablanca : clôture dans le rouge    Le Groupe IGENSIA Education s'implante au Maroc à travers l'ESA Casablanca    Info en images. Les travaux d'interconnexion des barrages Oued El-Makhazine et Dar Khrofa touchent à leur fin    Les taxis tangérois se mettent au pointage numérique    S.M. le Roi adresse un message de condoléances et de compassion au Président américain suite à l'accident aérien à Washington    Le Turc Baykar implantera «uniquement» une infrastructure de maintenance pour ses aéronefs vendus au Maroc    L'armée israélienne dit avoir frappé plusieurs cibles du Hezbollah au Liban    Lutte antiterroriste : haro sur ce "scepticisme" visant à affaiblir les services de sécurité    IATA : record du trafic mondial de passagers aériens en 2024    CAN 2025 au Maroc : La CAF dévoile le calendrier des matchs    LDC : City-Real, le Choc des barrages !    L'entraîneur marocain Issam Charai rejoint le staff technique des Rangers écossais    Brésil : Neymar officialise son retour au Santos    Ligue Europa : Ayoub El Kaabi buteur incontesté    Le Chef du gouvernement préside une réunion de la Commission nationale de suivi et d'accompagnement de la réforme du système d'éducation, de formation et de recherche scientifique    Le souverain chérifien adresse un message de condoléances au président Donald Trump après une collision aérienne près de Washington    Après un an passé derrière les barreaux, Dounia Batma retrouve la liberté    Moroccan star Ayoub El Kaabi leads Europa League scorers    122 measles cases reported in Moroccan prisons, 105 recoveries    DGAPR: 122 cas de rougeole enregistrés dans les prisons, 105 guérisons    Ouverture des inscriptions pour la 2e édition du programme « Berklee at Gnaoua and World Music Festival »    Cinéma : Brady Corbet impose son talent avec "The Brutalist"    Exposition : "Reconversion" à la galerie Dar D'art de Tanger    La philatélie marocaine rend hommage aux instruments de la musique Arabe    Zellige marocain. Mounir Akasbi : « Le logo de la CAN 2025 est incontestablement authentique et sa référence est le Zellige fassi »    Le Musée du football marocain ouvert les week-ends au public    Trump persiste à vouloir expulser les habitants de Gaza malgré le rejet de l'Egypte et de la Jordanie    Hachim Mastour's major comeback in Kings League    In Rabat, Yemen supports Morocco's territorial integrity    Coupe d'Excellence / J5: Le derby de Fès en ouverture, ce soir    Une nouvelle ère de coopération entre le Maroc et Sao Tomé-et-Principe    La cellule de Had Soualem liée à Daech illustre le danger de l'enrôlement en ligne    Le Président de la Transition en Syrie : Nous travaillons pour l'unité du pays et la paix civile    Le ministre des Affaires étrangères Yéménite réitère la position constante de son pays en faveur de l'intégrité territoriale du Royaume    Football : Achraf Bencherki s'engage avec Al-Ahly d'Egypte    FLAM 2025 : La littérature féminine, un vecteur de transformation sociale    Le temps qu'il fera ce vendredi 31 janvier 2025    Société Générale Maroc, partenaire de la 3ème édition du Festival du Livre Africain de Marrakech    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



On embastille l'amour et les amoureux... mais on libère les violeurs, par Sanaa Elaji
Publié dans PanoraPost le 12 - 08 - 2016

O Khadija, ne comprends-tu donc pas que tu es la cause, la responsable ? Comment donc n'as-tu pas saisi, très chère, avant que tu ne t'immoles par le feu, qu'en notre pays, si une fille se fait violer, cela ne peut être assurément que par sa faute. Et toi, en plus, tu as été violée, collectivement, par huit gars… ce qui signifie que tu as excité, émoustillé, huit hommes d'un seul coup. Prends-tu donc la mesure exacte de ton forfait ?
Tu t'es rendue responsable de l'acte de huit jeunes hommes innocents car tu es sortie dans la rue et tu les as provoqués, attirés, enflammés. La justice a, suite à cela, décidé de les faire bénéficier de la liberté provisoire ? Bien sûr… puisque ce sont les femmes qui sont, toujours, à l'origine des crimes sexuels. Satan est une femme, ou en prend la forme, c'est connu… Ces types t'ont menacée, t'ont immobilisée, puis ont filmé la scène et l'ont diffusée ? Ne t'inquiète pas pour eux, ils ne seront pas tourmentés pour cela. N'as-tu pas compris, Khadija, avant que tu ne brûles ton corps frêle, que rien ne saurait entacher la réputation ni l'honneur d'un homme ? Et même quand le viol est collectif, qu'ils se mettent à plusieurs, seule toi sera flétrie… seuls ton nom et ton honneur seront marqués du sceau de l'infamie. Le violeur viole et s'en va reprendre le cours de sa vie, tout naturellement, les sens apaisés, mais toi, toi qui a été violée, tu seras mise à l'index, exposée à l'opprobre publique, accusée de tous les maux, à l'abri ni d'une insulte ni d'un regard en coin.
Que dis-tu ? Parle plus fort, je te prie…Ah, tu dis que tu es la victime de cet acte ? Mais cela n'a aucune importance, très chère, car au final, le résultat est le même, c'est toi qui a été souillée physiquement, et qui le sera encore plus, après, moralement. Et ce n'est pas fini… le plus grave, le plus dramatique est que nous tous, toutes et tous autant que nous sommes, nous préoccuperons de ton cas, avant de t'oublier et de reprendre nos vies… et rien, absolument rien, ne changera sous le ciel du Maroc : le violeur restera un homme que rien n'atteindra, un faible qui ne contrôle pas ses pulsions et ses instincts ; il sera encore et toujours la victime des femmes qui l'émoustillent et lui font perdre la raison (qu'il est supposé avoir). Quant à la femme, la victime de cet acte, la véritable victime, elle ne sera plus que cette créature profanée qui aura perdu son « honneur », qui aura perdu ce qu' « elle a de plus cher », ce qui « fait sa valeur »… Et pour cela, elle sera épinglée, chahutée, condamnée et punie par la société, alors même que la loi de cette même société montrera une coupable magnanimité à l'égard du violeur, qui ne sera que rarement, exceptionnellement, châtié pour son acte.
Imagine, donc, ma chère Khadija, que la loi marocaine et jusqu'à encore quelques années punissait le violeur en lui imposant de sa marier avec sa victime. Cette dernière devient une fille déshonorée, sans honneur, à laquelle nul ne s'intéresse… et donc, quand le législateur a décidé de la marier à son tourmenteur, il y a vu une forme de châtiment pour ce dernier, contraint alors d'épouser une femme que personne ne veut plus. Tu vois donc, ma très chère, comment la loi nous rend justice ? Il aura malheureusement fallu qu'une jeune adolescente comme toi mette fin à ses jours pour que nous prenions conscience que cette punition est inhumaine. Mais ce n'est pas pour autant que notre vision du violeur et de la violée changera. La preuve en est que les violeurs jouissent toujours de leur liberté provisoire, pour mieux continuer à traquer leurs victimes et, pourquoi pas finalement, les violer encore et encore.
De toutes les façons, toute violence exercée contre les femmes relève du domaine du licite… Elles sont responsables de leurs viols car elles sont provocantes. Elles attirent les harceleurs en raison de leurs mises vestimentaires. Elles s'exposent aux coups pour cause d'insubordination. Et même quand l'une d'elles vient à mourir, assassinée, les gens se demandent : « Elle a bien dû faire quelque chose pour qu'il la tue ».
Je me souviens d'un écrit de mon éminent confrère et artiste Yassine Ahjam, dans lequel il racontait une aventure qu'il avait personnellement vécue un jour qu'il avisait un homme battre sauvagement sa femme dans la rue. Face à l'indifférence des passants, il était intervenu pour faire cesser la violence débridée du mari, qui était alors parti, laissant son épouse-victime étendue par terre, recroquevillée sous les yeux de ses enfants. Yassine avait alors questionné les témoins sur leur passivité, et la plupart avaient alors répondu : « C'est sa femme, il en fait ce qu'il veut ». Et une telle situation n'est pas exceptionnelle, bien au contraire…
En revanche, deux jeunes personnes qui se tiennent par la main, un homme qui embrasse ou enlace sa femme en public, une femme qui enserre son mari… « provoquent » le bon peuple, et s'attirent les foudres de la police. Ainsi, et en deux semaines seulement, deux faits ont largement circulé sur les réseaux sociaux, deux faits consternants, dramatiques, tragiques… La première histoire est celle d'un jeune homme de Rabat qui avait reçu une amie au domicile familial, en l'absence de ses parents. Le jeune avait oublié les clés dans la serrure, à l'extérieur. Une voisine est alors venue les enfermer, puis elle a appelé la police. Voulant désespérément sauver son amie, le jeune homme avait tenté de quitter l'appartement par la fenêtre de l'appartement, situé au 6ème étage, mais il avait perdu l'équilibre et était tombé. Il en est mort.
Dans la seconde histoire, Souad avait quitté son village pour s'en aller à Marrakech et y effectuer un stage en entreprise. Elle s'était installée chez son cousin, avec lequel elle avait été élevée et qu'elle considérait comme son frère. Mais un brave voisin avait cru intelligent et utile d'en aviser la police et les deux jeunes gens se sont retrouvés en garde à vue pour relations illégitimes. La fin de cette histoire a été moins tragique que la première car les familles étaient venues, puis intervenues auprès de la police et du parquet, et Souad et son cousin avaient recouvré leur liberté.
Des tranches de vie (et de mort) comme celles-ci, en plus de l'affaire du viol collectif de la jeune Khadija à Ben Guérir, doivent réellement nous interpeller : Pourquoi des voisins interviennent quand ils se sentent outrés par une « intimité illicite » et ne font rien quand une épouse est violentée par son mari ? Pourquoi d'autres voisins n'agissent pas quand ils apprennent qu'un voleur est dans l'appartement d'à côté et se montrent très actifs, en revanche, lorsqu'ils soupçonnent une relation illégitime ? Et pourquoi la police se matérialise très vite dans ces cas-là qui sont dénoncés alors même qu'elle se montre plutôt rare dans les situations de vol ou de violence ?
Il nous faut aujourd'hui avoir le courage d'admettre un de nos grands problèmes existentiels : nous sommes une société qui considère que l'amour est un scandale, mais qui ne s'offusque pas outre mesure des violences commises ici et là. Comment expliquer, comment accepter que nous jetons en prison des gens au prétexte qu'ils aiment ou sont amoureux ou font l'amour et que, dans le même temps, nous laissons libres les voleurs, violeurs et autres criminels ?
Sur le plan sociétal, nous avons un réel dysfonctionnement dans notre définition du mal et du bien, du tolérable et de l'insupportable. Et d'un point de vue juridique, nous ne pouvons ni ne devons continuer à accepter des lois qui châtient des adultes pour faits d'amour librement consenti, mais des lois qui laissent leur liberté à des violeurs qui, en plus de commettre l'acte de chair par la contrainte, filment leur forfait et le diffusent.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.