Amina Filali, une jeune fille de 16 ans qui a été violée à Larache et mariée de force par sa famille pour camoufler le viol, s'est suicidée samedi en protestation contre ce mariage « fomenté «. Interview avec l'avocat Brahim Rachidi sur le viol dans le code pénal et la société marocaine. Quel est l'origine des articles 475 et 486, pénalisant le crime de viol ? C'est le droit positif. Dans tous les pays du monde, c'est lui qui est censé régir la justice et maintenir un équilibre social et démocratique afin de protéger les citoyens. Par définition, le viol est l'usage de la force et de la contrainte pour avoir une relation sexuelle avec une autre partie sans son consentement. Le mariage entre le violeur et la personne violée, annule-t-il les peines et les réclusions prévues dans l'article 475 et 486 ? Y-a-t-il contradiction dans les deux textes de lois ? Pas du tout. La majorité des gens font une très mauvaise lecture de ces deux articles. A aucun moment il n'est mentionné que le mariage du violeur avec la violée annule la punition pénale. Le mariage arrête par contre toutes les poursuites dans le cas de l'enlèvement ou le détournement de personnes, chose qui est clairement souligné dans l'article 475 qui stipule que « Lorsqu'une mineure nubile ainsi enlevée ou détournée a épousé son ravisseur, celui-ci ne peut être poursuivi que sur la plainte des personnes ayant qualité pour demander l'annulation du mariage et ne peut être condamné qu'après que cette annulation du mariage soit prononcée. » Pour Me Brahim Rachidi, à aucun moment la loi ne mentionne que le mariage du violeur avec la violée annule la punition pénale. Est-ce que les deux articles en questions ne biaisent-ils pas les droits de la femme ? C'est une mauvaise lecture. Au contraire l'article 486 protège la femme et prévoit l'emprisonnement de cinq à dix ans de réclusion. Quand il s'agit d'une mineure de moins de dix-huit ans, la peine va de dix à vingt ans de réclusion. Nous ne pouvons donc pas parler d'amendement, puisque ces deux articles protègent la femme ? Si ! Pourquoi pas… Nous savons tous que la société marocaine a évolué, la technologie a évolué, la police a évolué et donc, malgré la cohérence des textes de loi, j'estime qu'aujourd'hui le code pénal a besoin d'une bonne toilette. Il faut démystifier le tabou du viol. Certaines familles sont obsédées par les on-dit de leur entourage. Certains ne réalisent pas que ce sont des choses qui peuvent arriver à n'importe qui. C'est cette conscience et cette ouverture d'esprit fragiles et restreintes qui poussent des personnes violées à se marier contre leur gré et poussent des familles à opter pour un viol tu, plutôt que l'opprobre et la honte du quartier et de la famille… Pour camoufler justement ce viol, le mariage arrangé se fait justement par l'approbation d'un juge. Comment cela se passe-t-il chez la personne violée ? Le mariage arrangé est le consentement libre et sans aucune pression familiale sur la personne violée. Mais l'obstacle encore une fois ici et qui pourrait entacher au libre arbitre de la personne en question, c'est le caractère musulman de notre société et ses valeurs morales conservatrices. Si le juge voit que les deux familles et la personne violée sont arrivées à un arrangement consensuel, la décision de se marier avec son violeur devient légitime et logique. Du moment que du côté de la personne violé, il y a acceptation, alors là, plus rien n'est à dire. Normalement, quand il n'y a pas cette peur du tabou et du viol, la femme -ou l'homme, se rend elle-même pour dénoncer ce crime et c'est à cette étape là que la société civile et les associations de la protection des droits de l'Homme qu'elles doivent intervenir pour mettre fin à ces pratiques. Qu'en est-il du viol conjugal ? Le code pénal n'a rien prévu pour le viol conjugal car dans une société musulmane, le fait qu'une femme refuse de coucher avec son mari n'est pas encore, ni tout le temps, toléré par ce dernier. Ceci dit, l'islam n'encourage pas la force. Le couple doit être dans un esprit de consentement. Dès qu'il y a violence, il y a risque de viol. L'article 475 Quiconque, sans violences, menaces ou fraudes, enlève ou détourne, ou tente d'enlever ou de détourner, un mineur de moins de dix-huit ans , est puni d'emprisonnement d'un à cinq ans et d'une amende de 200 à 500 dirhams. Lorsqu'une mineure nubile ainsi enlevée ou détournée a épousé son ravisseur, celui-ci ne peut être poursuivi que sur la plainte des personnes ayant qualité pour demander l'annulation du mariage et ne peut être condamné qu'après que cette annulation du mariage a été prononcée. L'article 486 Le viol est l'acte par lequel un homme a des relations sexuelles avec une femme contre le gré de celle-ci. Il est puni de la réclusion de cinq à dix ans. Toutefois si le viol a été commis sur la personne d'une mineure de moins de dix-huit ans, d'une incapable, d'une handicapée, d'une personne connue par ses facultés mentales faibles, ou d'une femme enceinte, la peine de réclusion est dix à vingt ans.