Le suicide de la mineure Naïma suite à son viol et à son mariage à son violeur continue à susciter une grande émotion au sein de l'opinion publique. Le mouvement féminin s'est mobilisé pour appeler à une révision de certains articles du code pénal et du Code de la famille, par la mise en œuvre des nouveaux acquis contenus dans la nouvelle Constitution. C'est ainsi que des militantes d'associations de défense des droits humains ont tenu samedi un sit-in devant le Parlement pour exprimer leur rejet de l'article 475 du Code pénal qui, selon elles, assure l'impunité à un auteur de viol sur mineure du moment qu'il consent à prendre pour épouse la victime. Les protestataires ont brandi des slogans dénonçant "la violence institutionnelle, juridique et familiale", et revendiquent notamment la mise en œuvre des dispositions de la Constitution relatives à la protection de la femme, l'accélération de la révision des dispositions de l'article 475 du Code pénal et des articles 20 et 21 du code de la famille, outre l'adoption d'une loi incriminant la violence faite aux femmes. L'article 475 précité stipule que quiconque, sans violences, menaces ou fraudes, enlève ou détourne, ou tente d'enlever ou de détourner, un mineur de moins de 18 ans, est puni de l'emprisonnement d'un à cinq ans et d'une amende de 200 à 500 dh. Lorsqu'une mineure nubile ainsi enlevée ou détournée a épousé son ravisseur, celui-ci ne peut être poursuivi que sur la plainte des personnes ayant qualité pour demander l'annulation du mariage et ne peut être condamné qu'après que cette annulation du mariage a été prononcée. S'agissant de l'article 20 du Code de la famille, il confère au juge de la famille toute latitude de marier le garçon et la fille avant l'âge de la capacité matrimoniale, prévu par l'article 19, par décision motivée précisant l'intérêt et les motifs justifiant ce mariage après avoir entendu les parents du mineur ou son représentant légal. Dans une déclaration à la MAP, la présidente de la Ligue démocratique pour les droits de la femme, Mme Fouzia Assouli, a appelé à réviser le code pénal, à mettre un terme au mariage des mineurs et à élaborer une loi-cadre pour lutter contre la violence commise à l'encontre des femmes, le but étant de faire bénéficier la gente féminine de ses droits étant donné que le viol constitue un acte criminel contre sa dignité et son intégrité physique. Dans une déclaration similaire, l'avocat Abderrahim Jamai a estimé que l'article 475 souffre de plusieurs lacunes notamment l'absence de la dimension protection des mineurs et l'absence de la responsabilité des parties habilitées à assurer le contrôle et le suivi. "L'article 475, qui permet au violeur d'échapper à la punition, est dégradant pour la femme et porte atteinte aux droits de l'enfance", estime pour sa part la présidente de l'Association marocaine des droits humains (AMDH), Mme Khadija Ryadi, notant que le rôle de la justice consiste à rétablir la victime dans ses droits et à poursuivre l'auteur du forfait et "non de trouver des solutions à l'amiable". Pour Mme Atifa Timjerdine, coordinatrice nationale du réseau Anazur, le suicide de la jeune Amina est un cri de détresse à l'adresse de la société marocaine pour "la révision de certaines lois discriminatoires", estimant que l'article 475 ne cadre pas avec le choix du Maroc pour la consécration du principe de l'égalité entre les citoyens, préconisant la révision du système éducatif et culturel. Au nom de l'Association "Mains solidaires" de Larache, Asmae Al Baghdadi a indiqué que sa participation à ce sit-in vise à faire entendre la voix de la société civile locale pour mettre fin à toutes les dispositions discriminatoires vis-à-vis de la femme. De son côté, Nezha El Alaoui, coordinatrice du "Réseau femmes pour femmes" a dénoncé le mariage d'une mineure violée à son agresseur, estimant que la place de la fille est plutôt à l'école ou chez sa famille. Le ministère de la Justice et des libertés avait indiqué, vendredi dans un communiqué, que le Parquet s'est retenu d'engager des poursuites en prenant en compte l'intérêt de la mineure et pour donner suite à sa demande et celles de son père et de l'homme qui l'a épousée, conformément à la loi. La même source avait précisé que le père de la défunte avait adressé une demande, le 19 septembre 2011, au juge de la famille chargé du mariage près le Tribunal de première instance de Larache qui a convoqué toutes les parties, y compris la fille mineure, qui avait comparu devant lui, pendant quatre audiences, en compagnie de ses parents. Elle avait alors exprimé librement son souhait, en présence de sa mère, de se marier avec l'accusé qui a manifesté, à son tour, son désir de l'épouser. Le juge avait donc autorisé la conclusion de leur mariage, rappelle le communiqué.