S'il est un créneau qu'il est urgent de s'y atteler, c'est bien la violence à l'encontre des femmes, l'un des fléaux qui perturbent la petite enceinte sociétale qui est la famille, voire la société. Des petits coups et blessures, considérés comme inoffensifs, engendrent toute une panoplie de tracas quotidiens, physiques pouvant aller jusqu'à l'infirmité et psychiques générant des séquelles parfois à vie. Le plus grave, c'est cette influence qui se produit chez les enfants de femmes victimes de violence. Ils deviennent simulateurs des mêmes gestes et paroles de leurs géniteurs, reproduisant les mêmes scènes ancrées dans leurs petits cerveaux, faisant effet de banalité, de comportements coutumiers transmis de génération en génération. La société civile n'a cessé de faire des rapports annuels, faisant l'état des lieux de la situation au Maroc, mais en vain. Aucun effet sur les gouvernements qui se succèdent. Depuis le Secrétariat d'Etat chargé de la famille, de l'enfance et des personnes handicapées, passant par le Ministère chargé de la famille, de l'enfance et des personnes handicapées, jusqu'à l'actuel Ministère, tout passe et, comme dit le dicton,.......tout lasse. A tout mandat ministériel, on élabore un projet de loi contre la violence à l'égard des femmes qui reste au niveau du parlement, il y connaît la stase ou plutôt l'arrêt cardiaque. Et pourtant, tous ces projets étaient établis selon une approche participative, avec les acteurs gouvernementaux, la société civile... Donc, où est la faille ? Probablement au niveau de la volonté politique, des décideurs qui se complaignent dans le malheur de toute la société. Le nouveau, ou plutôt l'innovation cette année, en matière de prise en charge de ce dossier par la société civile, clôturant la campagne de sensibilisation contre ce fléau, c'est l'organisation de la chaîne humaine qui s'est déroulée le 8 décembre à Rabat, une manifestation qui donne la chair de poule. Femmes violentées et acteurs associatifs se sont donnés la main en signe de solidarité contre la violence à l'égard des femmes et des filles. Ce grand événement commémorait aussi bien la Journée Internationale de lutte contre la violence à l'égard des femmes que la Journée Mondiale des Droits de l'Homme. Le rapport de l'Observatoire National de lutte contre la violence à l'égard des femmes est on ne peut plus clair. Faisant l'état des lieux de la problématique au niveau national, régional et local, à travers les 22 associations adhérentes, il passe au crible fin les situations quotidiennes des femmes violentées. Il donne un aperçu des difficultés que perçoivent ces êtres humains au quotidien, montrant le vide juridique et la mauvaise application effective des textes de lois, la grande problématique des preuves des actes de violence à apporter. Et donc, du tabloïd où s'engouffre cette frange sociétale qui se retrouve du jour au lendemain sans domicile fixe, à l'affut d'une situation aléatoire avec des enfants à charge. Que faire alors, rester chez soi et accuser les coups pour ses enfants, quitte à frôler le péril ou la mort, ou, sortir dans la rue chercher d'autres issues. C'est une affaire d'Etat à régler. On ne devrait pas s'étonner de voir, à tout feu de rue des femmes portant un bébé demander l'aumône ou de perdre de brillants éléments, quittant le siège d'une classe, ou, et ou et ou.... Révélé le 6 décembre 2012 par l'Observatoire Marocain de la VEF « Oyoune Nissaiya », la récolte de ce 4ème Rapport annuel des centres d'écoute afférentes aux 22 associations faisant partie de l'observatoire est on ne peut plus éloquente. 5245 femmes ont eu accès à ces centres lesquels ont enregistré 47 587 actes de violence. Une hausse en matière d'accès de femmes (550 femmes en plus) et en matière de dénonciations des actes de violence, soit 9955 actes de plus par rapport à l'année dernière. Le bilan est lourd : 6 femmes sont mortes des conséquences de violence, 4 ont frôlé de justesse la mort, 234 femmes ont failli se donner la mort, 12 ont des brulures assez graves. Des actes de violence ont poussé à l'infirmité de 69 femmes et à 34 avortements. Le tableau noir est accentué par l'enregistrement, par les centres, de 434 cas de viol domestique déclarés, de 224 cas de viol extraconjugal, de 406 cas de grossesses non désirées engendrées par le viol et de 37 cas de maladies sexuellement transmissibles. Soit La moitié des actes sont des actes criminels passibles d'amendements au niveau du Code Pénal. 21 870 actes de violence psychique ont été recensés, dont 2758 cas sont privés de la pension, 23 femmes ont été poussées à la débauche et à la prostitution, 898 femmes ont avoué ne pas avoir de domicile fixe, 2939 femmes sont éprouvées par la dissolution familiale et l'absence de protection de leurs enfants de la violence. Pour ce qui est de la tranche d'âge des femmes victimes de violence, elle est en majorité représentée par les femmes de 19 à 28 ans et celles de 29 à 38 ans, soit 74%. Cependant, 83 femmes dont l'âge varie entre 60 à 69 ans et 7 de plus de 70 ans ont avoué être sujettes à la violence. La répartition géographique déroute puisque 80% habitent le milieu urbain, 11% le périurbain et 9% le milieu rural. La situation familiale est afférente surtout à la violence conjugale : 56% sont mariées, 20% sont mères célibataires, 14% jeunes filles, 8% divorcées et 2% sont veuves. Pour ce qui est du niveau d'instruction : 32% sont analphabètes, 25% ont le niveau du primaire, 24% ont été scolarisées jusqu'au collège, 13% ont frôlé le lycée et 6% sont universitaires. Les autres statistiques montrent que 54% des femmes violentées ont entre un et deux enfants, 28% n'ont pas d'enfants, 16% ont de 3 à 5 et 2% ont plus de 6. Ce qui montre que le fait d'avoir des enfants n'incrimine en rien la violence. 42% vivent dans une maison traditionnelle, 32% dans un appartement, 10% dans les bidonvilles, 13% dans une chambre et 1% dans une villa. Quand à l'activité économique elle diffère, 46% sont femmes au foyer, 13% travaillent comme domestiques, 12% sont au chômage, 12% ouvrières..., la probabilité est accentuée pour les femmes précaires. La violence psychologique arrive en tête de liste des actes de violence avec 47%, soit 21 870 actes représentés par 37,3 3% envers les moins de 28 ans. La violence physique atteint 32% (37,47% chez les jeunes filles), la violence économique : 14% (38% chez les moins de 28 ans), la violence juridique : 5%(dont 52% envers les jeunes), la violence sexuelle : 3% (50,32% envers les jeunes). Ces statistiques montrent que la violence fondée sur le genre atteint surtout les jeunes, la tranche d'âge de 15 à 38 ans représente 74% soit la majorité des femmes enregistrées dans les différents centres d'écoute au niveau national, surtout en matière de violence sexuelle et juridique. Les jeunes femmes manquent de protection, surtout au niveau des lieux de travail et en cours de route. Elles sont à l'affut du viol et de l'harcèlement sexuel. Le plus grave, c'est qu'elles ont du mal à apporter des preuves tangibles pour porter plainte contre les crimes commis par les violeurs. Elles subissent doublement la violence, celle des actes et celle de la violence institutionnelle, à défaut d'outils sérieux et adéquats pour traiter la violence fondée sur le genre. Pour ce qui est des femmes divorcées, elles subissent surtout la violence psychologique (42,82%), suivie de la violence physique(24,72%), la violence économique 17,96%, la violence législative 13,09% et 1,42% la violence sexuelle. En parlant de violence psychologique, elle englobe aussi bien les « châtiments » verbaux, la menace de coups et blessures, la privation des enfants, le meurtre, l'expulsion, les menaces de divorce, de polygamie... Les répercussions de la violence sur l'état de santé des femmes et de la stabilité des enfants sont très négatives. En 2011, six femmes ont perdu la vie, conséquence de la violence, 4 femmes ont failli mourir soit par coups à travers des objets tranchants, égorgement ou autres. En plus, 37 cas de violence ou abus sexuel ont produit de graves maladies. Le Code Pénal, l'un des outils les plus probants à faire diminuer les actes de violence présente, dans sa constitution, un vide en matière de lois, surtout en ce qui concerne l'impunité de l'auteur de violence. Des conséquences fâcheuses aussi bien sur les femmes que sur la société induite par une mauvaise application des articles de lois, le manque de protection en cas d'expulsion du domicile conjugal, en cas d'appropriation par le mari des biens de sa femme et des papiers administratifs, son accaparation du salaire de sa conjointe... Le rapport a également mis en exergue le mariage des mineures, encore autorisé via l'article 20. Aussi, 12 cas liés principalement au viol ont été recensés par l'observatoire, faute de révision de l'article 475 du Code Pénal, lequel autorise le mariage de la femme violée par son violeur ???? Sans oublier la polygamie : 33 cas, sans avoir eu recours au consentement préalable de la première épouse. Parmi les recommandations des différentes associations, on distingue : En matière de politiques et de stratégies, il est impératif de considérer la violence à l'égard des femmes comme un problème de chose publique et l'un des objectifs principaux de tous les secteurs gouvernementaux. L'heure est à l'harmonisation des lois nationales avec la convention internationale pour l'élimination de toute forme de discrimination à l'égard des femmes, à l'application, de la part du gouvernement, d'un budget exclusivement alloué aux programmes de lutte contre la violence fondée sur le genre, à la mise en place de l'institution de l'équité et de non discrimination tel que instauré dans les textes constitutionnels. D'autre part, le réseau « Ouyoune Nissaiya » appelle à l'urgence de la mise en œuvre de la loi régissant la violence fondée sur le genre et à la modification du Code Pénal selon une philosophie basée sur l'égalité entre les sexes, la préservation de la dignité et de la citoyenneté, la garantie des droits et des libertés individuelles des femmes et leur protection de la violence. Mais aussi à l'abolition du texte de loi qui autorise le mariage de la mineure violée par son violeur, à la poursuite de la mère célibataire en cas de déclaration, à la protection des femmes violentées précaires : les femmes âgées, les mères célibataires, les femmes domestiques, les jeunes filles...Sans oublier l'institutionnalisation des cellules de lutte contre la violence au niveau des institutions publiques, l'octroi de ressources matérielles, humaines et logistiques qui garantissent la mise en application des commissions locales et régionales spécialisées dans la lutte contre la violence, l'extension des centres d'accueil des femmes victimes de violence au niveau de tous les tribunaux, des postes de police, de la gendarmerie, des hôpitaux et des dispensaires de tout le territoire marocain. Mais aussi la mise en place de plus de centres d'hébergement pour femmes violentées, et ce, à travers un cadre légal spécifiant les modalités et assurant la protection des femmes accueillies et des femmes qui y travaillent. La garantie de la gratuité des auscultations et des certificats médicaux des femmes victimes de violence et celle des tests d'ADN pour prouver les liens de parenté pour les mères célibataires ont été également soulevées.