Les 20 et 21 novembre derniers se tenaient à Skhirat les Assises de l'économie sociale et solidaire (ESS) organisées par le ministère éponyme. Secteur fondamental pour le développement humain et le développement tout court, ces Assises ont été l'occasion de revenir sur les acquis et réalisations du Maroc dans ce domaine. Le chef du gouvernement Abdelilah Benkirane était là, accompagnant sa ministre de l'Artisanat et de l'ESS Fatema Marouane, en présence de personnalités venues du monde entier et d'horizons divers. Qu'est-ce que l'économie sociale et solidaire ? « L'ESS vise à concilier l'efficacité économique avec le respect des principes d'équité, de justice sociale et de protection de l'environnement. Elle permet également de mobiliser toutes les catégories sociales, les entreprises dans différents secteurs, ainsi que les territoires autour d'un développement intégré et pérenne », expliquent les responsables du secteur. Le vecteur et le fondement de cette ESS sont les coopératives et il faut relever qu'au Maroc, cette économie sociale et solidaire contribue à hauteur de 1,6% au PIB. La première a été créée au Maroc au début du siècle dernier. Le développement s'est fait bien plus tard, et essentiellement ces dernières années. En effet, et alors que l'effectif des coopératives était de moins de 5.000 voici à peine 10 ans, il est aujourd'hui de près de 15.000 (dont 2.000 coopératives féminines), et ces 15.000 structures permettent une résilience meilleure à la crise de l'emploi qui, dit-on, devrait durer une génération dans le monde. Une coopérative, c'est l'amélioration de l'employabilité au sein des populations fragiles dans le domaine, principalement les femmes et les jeunes. « Le secteur n'a pas besoin de grands financements ou efforts. Il a plutôt besoin de l'être humain », précise le Pr Fatema Marouane, médecin ayant exercé de (très) longues années au sein de la Santé publique et qui connaît donc bien son sujet. L'Initiative nationale pour le développement humaine est l'une des incarnations les plus marquantes de l'ancrage du Maroc dans l'ESS. En dépit de critiques et de certains manquements, l'INDH a permis de créer des milliers d'emplois depuis son lancement en 2005. Mais cela n'est pas suffisant à lui seul. En effet, le secteur de l'ESS au Maroc est confronté à plusieurs défis qui limitent son plein développement, comme l'absence d'une loi-cadre propre à l'ESS a longtemps contribué à cultiver l'image d'un secteur éclaté aux contours mal définis. Le ministère de l'Artisanat et de l'ESS explique donc que « l'organisation de ces assises sera l'occasion de contribuer à définir les contours de ce secteur et ses référentiels à travers la discussion de l'expérience nationale (état des lieux et perspectives) et ses pistes d'enrichissement en s'inspirant des expériences régionales (africaine et méditerranéenne) et internationale. L'objectif principal de ces assises est de permettre un échange de bon aloi entre les différentes parties prenantes de ce secteur autour, entre autre, des forces et des faiblesses de notre ESS et du besoin manifeste d'une mise en musique des différentes dynamiques positives qui la traversent ». En France, par exemple, une loi-cadre a été adoptée en 2014, explique Martine Pinville, homologue française de Fatema Marouane. L'objectif à travers ce texte est de « garantir une gouvernance démocratique pour une lucrativité raisonnée, en injectant l'essentiel des bénéfices dans le développement des coopératives », précise la ministre française lors des Assises. La ministre marocaine estime que « les assises vont permettre aux différentes parties prenantes de ce secteur d'échanger autour de leurs expériences respectives, de permettre à nos experts d'évaluer les forces et les faiblesses de notre ESS et de débattre du besoin manifeste d'une mise en cohérence des différentes dynamiques. Notre loi cadre de l'ESS actuellement en cours d'élaboration va bénéficier de la richesse des discussions et des réflexions et de l'apport de toutes les compétences et des experts réunis durant ces deux journées d'étude ». Pour sa part, le président du Conseil économique, social et environnemental (CESE) Nizar Baraka a indiqué, confirmant la nécessité d'un cadre juridique, que « le CESE avait recommandé la création d'un cadre législatif qui permettrait l'identification clarifiée du secteur de l'ESS et réunirait l'ensemble de ses composantes dans un référentiel commun ». Le coup d'envoi à une nouvelle approche de l'ESS est donc donné lors de ces Assises et une nouvelle génération de structures, coopératives et autres associations, devrait voir prochainement le jour. C'est du moins ce que pense Fatema Marouane, portée par sa volonté d'inscrire l'ESS dans la logique gouvernementale et dans la pratique économique et sociale du Maroc en ces temps incertains de chômage et de précarité sociale.