Un livre de mémoires d'un ancien maître espion est toujours une source d'informations inégalable, bien que tout n'y soit pas dit. L'ouvrage de l'ancien patron des services secrets espagnols – et ancien ambassadeur d'Espagne à Rabat – Jorge Dezcallar entre parfaitement dans cette catégorie. Il revient sur les relations entre le Maroc et l'Espagne lors d'une interview accordée au site publico.es. Ainsi, interrogé sur les relations entre le roi Mohammed VI et l'ancien premier ministre espagnol José Maria Aznar (1996-2004), Dezcallar reconnaît volontiers que les deux hommes n'avaient pas tellement d'atomes crochus… « Contrairement à Felipe Gonzalez, qui savait composer et avait l'esprit plutôt large ; il disait aux Marocains ce qu'ils voulaient entendre mais après il faisait ce qu'il pensait devoir faire ». Aznar était plus sec et tranchant. En effet, Aznar – premier ministre de droite – dit ce qu'il pense et fait ce qu'il dit, témoigne l'ancien patron du CNI (services secrets espagnols). « Nous avons eu des réunions plutôt difficiles avec le Marocains. Nous collaborons certes en matière antiterroriste, mais il y a tellement d'autres problèmes : les eaux maritimes, le Sahara, Ceuta et Melilla… ». Réaliste, Dezcallar reconnaît qu'il y a bien des questions en suspens entre les deux pays voisins, mais « aujourd'hui, elles mises sous le boisseau. Cela étant, elles peuvent ressurgir à tout moment ». Concernant les relations entre Mohammed VI et Aznar, Dezcallar raconte cette anecdote croustillante : « Un jour, mon ami Mohamed Benaïssa (ancien ministre des Affaires étrangères) m'a révélé qu'en sortant d'une rencontre avec le premier ministre espagnol, le roi était agacé et il lui a dit : 'ce type est arrogant et insupportable' ». Il est vrai qu'Aznar avait réussi à énerver tout les grands de ce monde, à l'exception de George Bush Jr… jacques Chirac ne le portait pas dans son cœur et Tony Blair non plus. Enfin, la journaliste questionne Jorge Dezcallar sur les attentats de 2004 dans une gare madrilène, et qui avaient fait 191 morts… Aznar avait demandé à ses services secrets de défendre la thèse de la responsabilité de l'ETA (organisation indépendantiste et terroriste basque, NDLR), avant que la vérité n'éclate et que le parti populaire d'Aznar, donné gagnant, ne perde en seulement 48 heures la confiance de la population, suite à ce mensonge. La journaliste cherche alors à savoir si les Marocains étaient au courant du projet terroriste. Réponse de l'ancien maître espion : « Non. Absolument et définitivement non. Le Maroc je le connais bien et j'entretiens une bonne relation avec ses services secrets. Nous échangeons très souvent au téléphone et nous collaborons parfaitement. Jamais les Marocains ne nous auraient fait cela, jamais. Je suis absolument convaincu de cela ».