La prophétie faite voici 15 ans déjà par feu Abraham Serfaty, ingénieur et opposant marocain de renom, sur la privatisation de la Samir est devenue une réalité en train de se confirmer aujourd'hui, dans tous ses détails. En 2002 en effet, et allant à contresens de tout le tapage médiatique de l'époque, Serfaty avait été le seul à mettre en garde contre le dessaisissement par le gouvernement marocain d'un secteur aussi stratégique que le raffinage, à travers la vente de la Samir au secteur privé. En ce temps-là, le gouvernement avait préféré aller à contre-courant, faisant la sourde oreille à ceux qui, à la suite de Serfaty, déconseillaient la cession de la Samir. Et voilà aujourd'hui que le gouvernement, un autre gouvernement certes mais un gouvernement quand même, se trouve dans un véritable guêpier après que la société de raffinage, détenue par le groupe saoudien Coral, ait menacé de suspendre son activité. Il est vrai que la situation de la Samir présente bien des aspects incompréhensibles, ou du moins encore incompréhensibles à l'heure actuelle. Les analystes se trouvent confrontés à un flot de questionnements : La crise de la raffinerie est-elle seulement d'ordre financier ? Le conflit qui oppose plusieurs compagnies de distribution au sein de leur groupement professionnel est-il à l'origine de la crise de la Samir, unique raffineur national ? D'éventuels racheteurs de ce dernier seraient-ils en train de mettre la touche finale à leur entreprise de s'accaparer la société de Mohammedia ? Les propriétaires de la Samir exerceraient-ils une pression sur l'Etat pour obtenir faveurs fiscales et avantages douaniers ?... Ce qui est néanmoins sûr aujourd'hui est que la privatisation de ce secteur aussi sensible que stratégique a mis le Maroc entre les mains d'étrangers âpres au gain. Et maintenant que le gouvernement a pris la pleine mesure des choses, voilà qu'il agit à l'aveuglette, entreprenant des actes aussi irraisonnés qu'improvisés qui pourraient compliquer la situation encore plus qu'elle ne l'est déjà. Ainsi, il serait possible que la Samir soit retirée des mains des Saoudiens pour être confiée à de gros poissons locaux, agissant dans ce secteur et pas plus recommandables que les actuels propriétaires , des investisseurs marocains qui n'attendent que la libéralisation totale du secteur pour s'y jeter et faire d'encore plus gros bénéfices au détriment des populations. Et l'Etat, pendant ce temps-là ? Et bien l'Etat s'en lavera les mains… Et c'est ce qui pourra arriver de pire aux Marocains si, à Dieu ne plaise, les prix mondiaux du pétrole s'envolent dans l'avenir.