La joute du Maroc contre la Confédération africaine de football se déroule bien plus sur le terrain psychologique que technique ou purement légal. Issa Hayatou, le président de la CAF, avait tendu un piège à la délégation marocaine. L'un est sournois et fourbe, l'autre est naïve. Explications. Depuis que le Maroc avait maintenu sa demande de report de la CAN 2015 en raison de la rapide propagation du virus Ebola et de la crainte des autorités marocaines de voir la pandémie se déclarer au pays, la Fédération royale de football (FRMF) attend les sanctions de la CAF. Issa Hayatou ne croit pas à la version marocaine Son président Fouzi Lakjaâ et les siens ont rencontré Hayatou et ses hommes le 22 décembre 2014 au Caire pour discuter effectivement de ces sanctions, mais il semblerait que le président de la CAF se soit montré tout doux tout miel, expliquant qu'il comprenait les réticences du Maroc et que son objectif était d'aider les fédérations membres de la CAF et non de les entraver dans leur noble dessein de promouvoir le football en leurs pays respectifs, et non moins nobles aussi... Hayatou avait alors suavement demandé aux Marocains de lui fournir les vraies raisons de leur demande de report, car il ne paraissait pas convaincu qu'Ebola était le seul motif des craintes marocaines. Cette demande avait également été formulée par le même Hayatou, quelques semaines auparavant, quand il avait été reçu par le chef du gouvernement Abdelilah Benkirane le 3 novembre 2014. Une personne présente à la réunion nous a indiqué que Hayatou avait demandé à Benkirane la vérité sur les raisons réelles, et il semblerait que Benkirane ait répondu un peu abruptement que les motifs de la demande de report étaient ceux qui avaient été rendus publics. Revenons à la réunion du Caire de décembre dernier ; pendant qu'Hayatou faisait dans la cajolerie, avec ses hôtes marocains, les caméras tournaient en secret, selon al Massae, afin de surprendre les Marocains s'ils reconnaissaient que l'Ebola n'était pas la seule, la vraie et l'unique raison de la demande de report. Il est vrai que plusieurs autres raisons avaient été suggérées, comme la non-préparation du Maroc pour accueillir la CAN, comme une crainte de voir l'Algérie remporter le titre sur nos terres, ou encore que la même Algérie n'assure le convoiement de personnes porteuses du virus au Maroc… mais tout cela était resté au stade de la supputation. Le président de la CAF ruminait déjà sa vengeance ; il avait en effet trouvé acquéreur pour « sa » CAN, préparait les sanctions contre Rabat et s'attendait à se trouver traîné devant le TAS par les Marocains. La confrontation au TAS Mardi dernier, 17 mars, au tribunal arbitral sportif (TAS) à Lausanne, la vidéo de la réunion du 22 décembre au Caire a été projetée, prenant les Marocains de court. Par ailleurs, la délégation de la CAF était conduite par le Marocain Hicham el Amrani, que le 2ème vice-président de la FRMF, avait cru bon et intelligent de qualifier de « traître à son pays ». Hayatou « travaille » le mental des Marocains, qu'il sait faible(s). Ambiance… Dans le film visionné au TAS, selon al Massae, on voit et entend Hayatou expliquer combien il était bon et soucieux des intérêts du foot africain, et on le voit et entend demander le vrai motif de la décision marocaine à la délégation conduite par Fouzi Lakjaâ, mais on ignore quelle avait été alors la réponse de ce dernier et de ses compagnons. On voit et entend également Hayatou garantir aux Marocains l'organisation de la CAN 2017 s'ils reconnaissaient qu'Ebola n'était pas leur seul raison pour demande de report. Ce à quoi un juge du TAS aurait demandé à la délégation de la CAF comment Hayatou peut-il s'arroger le droit de promettre une CAN à un pays sans passer par les instances décisionnelles de l'organisation panafricaine… Et maintenant ? De deux choses l'une… Soit les Marocains n'ont rien dit lors de cette réunion enregistrée du 22 décembre, et l'affaire suivra son cours normalement devant le TAS. Soit ils ont reconnu que la raison de la demande de report était autre chose qu'Ebola et alors c'est un véritable séisme qui secouera le Maroc car alors cela voudra dire que le gouvernement aura menti à la population. A côté, le scandale de la raclette ne sera qu'une goutte d'eau… Mais dans les deux cas, la mauvaise foi d'Hayatou est engage et prouvée, et il montre ainsi qu'il craint d'être désavoué par le TAS. Le Maroc serait en droit d'attaquer personnellement le président de la CAF devant ce tribunal, et peut-être même devant une autre juridiction, qu'il serait à déterminer car sa compétence pourrait alors être remise en cause. En effet, dans les bonnes manières entre partenaires, on n'enregistre pas son interlocuteur à son insu, en essayant de le piéger par des mots doux… Cette affaire de la bataille entre le Maroc et la CAF ne fait sans doute que commencer, se déroulera hors des tribunaux et loin des pelouses, et la relation entre Rabat et Hayatou en sera ternie, disons-le, définitivement. Rabat est assez bien implanté en Afrique pour contre-attaquer…