À l'occasion du 10ème anniversaire de sa disparition, et en hommage à cette figure emblématique de la littérature marocaine, La Croisée des Chemins réédite quelques titres de Feu Mohamed Leftah. Le premier ouvrage de cette collection est Une chute infinie, une petite chronique parue initialement aux Editions La Différence en 2008. À propos du livre À Settat, un adolescent se donne la mort devant sa classe, sidérée. Mohamed Leftah était un des élèves. Il revient sur ce geste et livre une chronique acide d'un village marocain dans les années soixante, où se mêlent bigoterie et hypocrisie : des versets vengeurs condamnant à d'éternelles souffrances celui qui ose le suicide, les amours vénales ou homosexuelles vues comme seuls refuges contre la pesanteur sociale, ou le mépris de tous promis à celle qui prétend refaire sa vie. Cette chronique permet aussi à l'écrivain de célébrer la beauté du geste et du corps de cet adolescent qui, tel un athlète, s'est élancé d'une fenêtre avec une «grâce indicible» et dans une «perfection mortelle». À propos de l' auteur Né en 1946 à Settat, Mohamed Leftah fait ses études à Casablanca et se dirige par la suite dans une carrière scientifique ; il étudie à Paris dans une école d'ingénieurs en travaux publics. En 1972, il revient au Maroc, devient informaticien puis journaliste littéraire au Matin du Sahara et au Temps du Maroc. Il commence sa carrière d'écrivain dans les années 1990, avec la parution en 1992 de Demoiselles de Numidie (Editions de l'Aube). Il renonce ensuite à publier ses textes jusqu'à ce que Salim Jay le fasse découvrir auprès des Editions de la Différence qui éditeront le restant de son œuvre à partir de 2006, dont Au bonheur des limbes, Une fleur dans la nuit ou encore Un martyr de notre temps. Mohamed Leftah meurt en 2008 en Egypte où il vivait depuis l'an 2000. Le style de Mohamed Leftah Souvent décrit comme étant une figure emblématique de la littérature marocaine, Mohamed Leftah demeure sans doute l'un des plus grands écrivains, capable d'avoir su intégrer dans son œuvre le pluralisme des modes de vie et de pensée de nos sociétés contemporaines. Son style particulier a été salué par les critiques littéraires dont Salim Jay qui l'a qualifié de « styliste à la Genet. Voluptueux interprète des pulsions et des passions, il nous révèle la société marocaine à la lumière du désir sexuel ». Dans un article paru sur le journal Le Monde en novembre 2007, on peut lire : « Mohamed Leftah n'a qu'une certitude '' la littérature a toujours été et peut être encore une promesse de bonheur'', et préconise un seul remède ''Le roman contre la barbarie. Nous n'avons pas d'autres armes'' ». Le choix de La Croisée des Chemins C'est parce que l'un des piliers fondateurs de la ligne éditoriale de La Croisée des Chemins est la liberté d'expression qu'elle a tenu à faire de cette nouvelle collection un événement à part entière. D'octobre 2018 à décembre 2019, les publications de quelques ouvrages de Feu Mohamed Leftah seront diffusées dans tout le pays. Une occasion de rendre hommage à ce talent rare de la littérature marocaine à l'écriture splendide et au service d'une pensée libre et d'une sensibilité poétique et à fleur de peau. Pour cette collection, et afin de mettre en valeur ces parutions, La Croisée des Chemins a opté pour un graphisme au style moderne et contemporain, que ce soit dans le choix iconographique, dans la typographie ou dans les couleurs, afin d'évoquer l'univers particulier de Mohamed Leftah. À titre d'exemple, la couverture de ce premier titre, Une chute infinie, est une œuvre de l'artiste marocain Hicham Benohoud qui a très vite donné son accord pour cette utilisation. Hicham Benohoud est reconnu sur la scène internationale comme l'un des photographes les plus innovants pour ses mises en scène qui permettent de porter un autre regard sur l'identité, tant individuelle que collective. « Nous espérons que cette série de publications rencontre des lecteurs qui pourront découvrir ou redécouvrir un écrivain au talent sûr et dont la plume manie de manière subtile la langue française pour nous conter des histoires qui ont souvent des allures de quêtes initiatiques. C'est en même temps une bouffée d'oxygène littéraire et une plongée dans l'esprit de l'auteur. Il ne faut pas oublier que Feu Mohamed Leftah était un grand homme de culture et, pour reprendre la formule d'un magazine littéraire français à son égard, avait des références qui allaient d'Ibn Battûta à Rimbaud, Levinas ou Todorov. C'est une réelle fierté pour moi en tant qu'éditeur de publier cette collection. » Abdelkader Retnani, directeur de La Croisée des Chemins → Lire aussi : « Linnagham Rissala », nouvel ouvrage de Mustapha Benrissoul traitant de la culture musicale et l'éducation artistique au Maroc