La 16ème édition du SIEL rend hommage à l'écrivain Mohamed Leftah, samedi 20 février à 17H (salle Abdelkébir Khatibi), à l'initiative du CCME. Mohamed Leftah représente une plume incisive dans le paysage littéraire. Une écriture exigeante à force de courir derrière la perfection et du fait qu'elle explore, stylise et magnifie les marges sordides de la société. Natif de Settat en 1946, Leftah a eu un parcours atypique : études de mathématiques, un diplôme d'informaticien et puis différents boulots ponctués par la méditation des (et dans les) bas-fonds casablancais. De là naquit son premier roman, Demoiselles de Numidie (Ed. de l'Aube, 1992). Une traversée du désert suivra cette première publication et durera une quinzaine d'années pendant lesquelles Leftah n'a rien publié. Durant cette traversée, il écrivait et explorait des univers esthétiques et poétiques insoupçonnables, vivant en « bohème » loin des parcours balisés de l'édition. C'est en 2006, grâce au flair du lecteur impénitent Salim Jay, que les éditions de la Différence découvrent et rééditent Demoiselles de Numidie et enchaînent par des inédits qui patientaient au fond des tiroirs de Leftah. L'écrivain coulait alors des jours tranquilles au quartier Mâadi du Caire menant quasiment une vie de moine (comme il aimait qualifier son quotidien). La même année sortiront chez le même éditeur, phénomène rarement produit dans l'univers de l'édition, trois autres titres : Au bonheur des limbes (roman), Une fleur dans la nuit (nouvelles) et Ambre ou les métamorphoses de l'amour (roman). Dans cette œuvre, il y a deux soucis permanents : avoir un style et rendre justice aux infâmes. L'univers interlope sera chanté au point d'en devenir enchantant. Ce projet se poursuit en sublimant des figures telles les prostituées, les barmaids, les maquereaux et autres vivants sans reconnaissance. Même les morts qui n'ont pas eu les hommages qu'ils méritent, Leftah les leur rendra. C'est le cas dans L'enfant de marbre (2007) qui représente une tentative réussie d'offrir une digne sépulture à un enfant mort-né et abandonné à l'hôpital. Le livre se transforme alors en un tombeau merveilleusement sculpté. Leftah quitte ce bas monde le 20 juillet 2008 alors que ses livres commencent à s'imposer et ses tiroirs regorgent encore de trésors. A titre posthume, Une chute infinie (2009) s'acharne à reproduire avec des mots, des phrases et des situations la chute-suicide d'un jeune lycéen à Settat. Un souvenir qui a marqué Leftah car la société bigote avait refusé au jeune suicidé les hommages dus aux morts. Les deux dernières publications de Leftah viennent de voir le jour. Il s'agit d'un recueil de nouvelles intitulé Récit du monde flottant et un récit portant le titre énigmatique de Hawa. Par ce dernier, Leftah frappe de nouveau dans les tabous de la société marocaine en ressuscitant les effluves du quartier Boussbir du temps où c'était un grand bordel au sens propre et au figuré. La tonalité de ce récit est toutefois hautement épique. Une écriture sans concession et des trésors qui enrichissent la littérature universelle. Au SIEL, samedi 20 février de 17 à 18h. Hommage à Mohamed Leftah. Maâti Kabbal reçoit Joachim Vittal (éditeur de Leftah) & Abdellah Baida (Ami de Leftah et directeur du collectif Mohamed Leftah ou le bonheur des mots paru aux éditions Tarik 2009).