Paul Kagamé, président du Rwanda et le plus emblématique des présidents de l'Afrique de l'Est, est en visite officielle et de travail au Maroc pour deux jours sur invitation du Roi Mohammed VI. Première en son genre, c'est-à-dire officielle, cette visite illustre un rapprochement spectaculaire entre les deux pays. Elle traduit également la volonté royale de se rapprocher d'un pays qui, sortie d'une tragédie depuis 1994, se positionne désormais comme un incontournable acteur dans la région. Le Maroc et la République du Rwanda inaugurent à partir de ce lundi 20 juin un nouveau cycle de leurs relations. On pourrait en effet concevoir la visite d'Etat du président rwandais au Maroc comme un déplacement à caractère diplomatique ou formel. Sauf qu'elle est hautement politique, tant il est vrai que le Rwanda occupe une place importante dans cette Afrique de l'Est à la conquête de laquelle le Maroc semble s'atteler depuis quelques temps. Elle survient à un moment où le Maroc est confronté à l'hostilité de certains gouvernements du continent africain, téléguidés par l'Algérie dans l'affaire du Sahara. Le Rwanda est au cœur de l'Afrique de l'est, de la par son nouveau poids dans la région, son leadership et son modèle qui s'impose de plus en plus aux yeux des observateurs. Paul Kagamé restera celui qui a mis le Rwanda sur les rails depuis 1994, date à laquelle le pays a subi le triste génocide des Tutsi dont il fait partie, alors qu'il n'était que ministre de la défense et cofondateur du parti FPR ( Front patriotique rwandais en exil en Ouganda). Il deviendra président de la République du Rwanda en 2000 après la démission de Pasteur Bizimungu. A partir de cette date, le Rwanda a connu une série de transformations majeures, d'autant plus significatives qu'elles n'ont pas été facilement conduites, puisque les plaies de l'un des plus violents génocides de l'histoire ont demeuré vives et saignent encore. Contre vents et marées, parfois en mettant en œuvre son autorité, Paul Kagamé a entrepris des réformes fondamentales sur les plans institutionnel, politique, économique, social et civique même. Les résultats positifs et porteurs en témoignent 16 ans après ! Les économistes indépendants n'hésitent pas à parler d'un « pays en plein décollage ». Voici une notice officielle relative à la marche vers le progrès d'un pays qui semble prendre en main son propre destin et qui a réussi le tour de force de se réconcilier avec lui-même : « Le Rwanda est, depuis 2012, considéré comme un des bons élèves du continent, affichant une croissance économique de 8 % .Au 1er janvier 2016, le Rwanda se distingue notamment par les performances suivantes : – il occupe la 1re place en termes de Progrès de Développement Humain sur les 20 dernières années, selon le dernier rapport (14 décembre 2015) des Nations unies ; – le « World Economic Forum », dans son dernier rapport sur la bonne gouvernance mondiale, estime que le Rwanda est le 7e pays le mieux géré de la Planète. Au-delà de ces reconnaissances internationales, le Rwanda a réussi le difficile pari de la réconciliation nationale alors qu'il fut victime d'un génocide qui frappe encore chaque famille. De plus, les Rwandais bénéficient, outre d'une sécurité sociale, d'un congé de maternité payé, d'infrastructures médicales modernes, d'une lutte anti-corruption en constante progression, d'une sécurité absolue dans tout le pays, d'une propreté supérieure à la plupart des villes européennes, d'un réseau routier à plus de 90 % asphalté et entretenu, d'un réseau Internet 4G et de la fibre optique ». Le Sahara marocain au centre des échanges La visite officielle du président Paul Kagamé au Maroc est la toute première du genre, après celle à caractère privée qu'il a effectuée en avril 2015, invité par le think-tank Amadeus que dirige Brahim Fassi-Fihri pour participer aux travaux des Medays , dont le prestigieux lui a été attribué sous les ovations ! La presse avait mis en exergue à la fois la dimension et le succès de sa présence à ce forum international. Les caméras et projecteurs des télévisions s'étaient particulièrement braqués sur lui, soulignant aussi sa joie de se retrouver dans un pays comme le Maroc qui préconise le partenariat économique, le co-développement et la coopération Sud-Sud. Une série d'entretiens sont prévus lors de la visite que Paul Kagamé entreprend depuis ce lundi, outre la rencontre en tête-à-tête avec le Roi Mohammed VI et les séances de travail élargies. La coopération multidimensionnelle comportera également un examen, entre autres, des sujets régionaux et notamment le conflit du Sahara marocain. Il convient de rappeler que le Rwanda a reconnu la rasd dès sa création en 1976 par l'Algérie de Boumediene, sans toutefois le claironner. Autrement dit, son soutien reste d'autant plus mesuré et discret qu'il appelle à une « solution politique consensuelle sous l'égide des Nations unies ». Le Maroc déploiera tous les efforts nécessaires pour convaincre le Rwanda de sa disposition à s'inscrire dans l'esprit de la Charte de l'ONU pour venir à bout du conflit du Sahara, dans la légalité et le respect scrupuleux de son intégrité territoriale, comme le met en relief le Plan d'autonomie soumis au Conseil de sécurité en avril 2007. Le Maroc met en œuvre une stratégie de rapprochement avec les pays de cette partie de l'Afrique de l'est dont le président Kagamé incarne le leadership et le renouveau démocratique. C'est bel et bien dans cet esprit que la désignation d'un ambassadeur du Royaume du Maroc à Kigali a été programmée, exauçant ainsi le vœu de part et d'autre de voir s'instaurer une coopération fructueuse entre les deux peuples.