L'approvisionnement en eau douce de millions d'êtres humains étant de plus en plus difficile, compte tenu des changements climatiques, de la désertification et d'autres facteurs, le recours à des technologies innovantes comme la télédétection spatiale ou le dessalement est primordial pour une gestion rationnelle de cette ressource en ce 21ème siècle. C'est le constat fait par M. Jauad El Kharraz, directeur de recherches au « Middle East Desalination Research Center » (MEDERC), basé à Mascate, lors d'un entretien accordé à la MAP en marge de sa participation au 8ème Forum mondial de l'eau qui s'est tenu du 19 au 23 mars dans la capitale brésilienne. A cette occasion, l'expert international a fait un diagnostic pointilleux des défis à relever pour rester à la page des obstacles pouvant entraver l'accès à l'eau dans le monde et a présenté les nouvelles technologies qui pourraient servir beaucoup de pays, dans un contexte de changements climatiques, dont le Maroc. « Face à un contexte de désertification et de changements climatiques, il y a un besoin urgent de rationaliser l'usage des ressources hydriques dans les secteurs gourmands comme l'agriculture et ceci est réalisable par l'utilisation des nouvelles technologies comme la télédétection spatiale », a confié ce scientifique originaire de Tétouan, qui a suivi un brillant parcours académique et professionnel en télémétrie spatiale en Espagne et en France. De son avis, les défis actuels que connait le secteur de l'eau nécessitent de penser à un usage plus poussé de la technologie et de la recherche scientifique pour développer des politiques de l'eau « plus sereines et plus efficaces ». Et de préciser que la télédétection spatiale, une discipline scientifique apparue il y a 30 ans, consiste à utiliser des images satellite pour compiler des données biophysiques permettant de comprendre une série de phénomènes naturels, dont la désertification et la sécheresse, en vue de prendre les dispositions nécessaires pour éviter la déperdition des ressources hydriques. Tout en rappelant que « l'agriculture dans le monde et au Maroc consomme 80% des ressources en eau », l'expert a estimé que « la télédétection pourrait favoriser des économies de cette ressource », en soulignant, dans ce sens, que le Maroc dispose d'un Centre Royal de Télédétection Spatiale, d'universités et d'experts opérant dans le domaine. Cette technologie, selon M. El Kharraz, est d'une grande importance étant donné que les images collectées à partir des satellites permettent de compiler des données précises sur l'évapotranspiration (le volume d'eau nécessaire pour irriguer une superficie) ou la couverture végétale, pour définir les quantités d'eau nécessaires au secteur agricole. Outre la promotion de la télédétection spatiale, M. El Kharraz a estimé que le dessalement est un autre créneau à développer pour pérenniser les ressources en eau, en précisant, à cet effet, que le Royaume a fait de « bons choix au cours des dernières années ». A cet effet, il a évoqué le lancement l'été dernier d'un grand projet de dessalement dans la région d'Agadir et ses environs, en relevant qu'il s'agit de « l'un des projets les plus importants au monde en matière de dessalement pour usage agricole et domestique« , d'autant plus que le projet devra produire, dans sa dernière phase, plus de 400.000 m3 d'eau par jour, ce qui aura des répercussions positives sur les zones agricoles de la région. L'expert a d'ailleurs fait remarquer que la station de dessalement d'Agadir sera alimentée par l'énergie électrique produite en grande partie par la centrale solaire Noor de Ouarzazate, en précisant que cette tendance de « combiner les énergies renouvelables avec la technologie de dessalement permet de réduire le coût et l'impact environnemental ». Lire aussi : Le Maroc marque l'histoire en établissant la première communication spatiale dans le monde arabe D'autres projets de dessalement sont en cours de réalisation à Casablanca et à Al Hoceiema, a-t-il ajouté, en relevant que ces entreprises sont à même de répondre aux besoins de la population et des secteurs économique et industriel. De plus, le directeur de recherche du MEDERC a indiqué qu'au cours des dernières années de plus en plus de pays se dirigent vers le dessalement qui n'est plus l'apanage des pays riches, grâce au développement technologique, à la réduction des coûts et au recours aux énergies renouvelables. S'agissant de la politique hydrique du Maroc, M. El Kharraz a relevé que le Royaume est « un exemple dans le Monde arabe en termes de gouvernance du secteur », en saluant les choix entrepris par le Royaume dans le domaine hydrique sous l'impulsion de feu SM Hassan II dans les années 70. L'expert international a également souligné que le 8ème Forum mondial de l'eau a été une occasion pour mettre en relief la contribution des sciences et de la technologie dans l'élaboration de nouvelles solutions à la problématique de la rareté de l'eau, dont la télédétection spatiale. Organisée sous le thème « Partage de l'eau », cette huitième édition a été marquée par une série de débats sur les questions hydriques et les moyens de préserver cette ressource vitale pour les générations futures. Le conclave a été sanctionné par une « Déclaration ministérielle » qui a lancé un appel urgent à une action décisive et à une plus grande coopération internationale pour réaliser l'objectif d'accès universel à l'eau et à l'assainissement de base que l'Organisation des nations unies a érigé en tant que l'un des objectifs de l'Agenda 2030 du développement durable, une initiative comprenant 17 nouveaux objectifs de développement durable (ODD). Le Forum a été marqué par une importante participation du Maroc, tant au niveau ministériel, parlementaire que judiciaire, mais aussi au niveau des experts et de l'exposition mondiale de l'eau, où le Royaume a participé, pour la première fois, avec un pavillon dédié à l'expérience marocaine dans le domaine de l'eau et des politiques hydriques. Ce Forum a aussi été marqué par la remise de la 6e édition du grand prix mondial Hassan II pour l'eau à l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), en la personne de son secrétaire général, Angel Gurria.