Propos recueillis par Mohammed Ndiongue Dans un contexte géopolitique où tous les états se mobilisent pour se développer et assurer leur croissance économique, l'Afrique est également appelé à redoubler ses efforts pour renfoncer sa position sur l'échiquier mondial. Le Forum MEDays 2022, organisé à Tanger du 2 au 5 novembre, a été l'occasion de se pencher sur une pléthore de problèmes et d'obstacles auxquels fait face l'Afrique. Fahmi Said Ibrahim, l'un des participants au panel et ancien ministre des Affaires étrangères des Comores, a mis l'accent, dans cet entretien accordé à Maroc Diplomatique, sur la nécessité de mutualiser les capacités de production et de promouvoir le continent en assurant une plus grande intégration politique et économique des Etats. Maroc Diplomatique: Votre Excellence, quels sont les dérèglements majeurs dont souffre l'Afrique notamment sur le plan de la coopération Sud Sud ? Fahmi Said Ibrahim: Dans le contexte mondial actuel marqué par la renaissance de grandes nations asiatiques, l'Afrique devra absolument trouver sa place et se montrer plus ambitieuse pour jouer pleinement son rôle. Pour ce, elle doit d'abord accepter de s'enrichir. Je tiens à souligner qu'il est inconcevable qu'un continent comportant 18 pour cent de la population mondiale, ait seulement trois pour cent du PIB mondial. Cela prouve que le continent reste faible. Raison pour laquelle, nous devons absolument penser à la manière d'enrichir notre continent. Sachant que le développement et la promotion du continent africain passent notamment par le rapprochement des populations et la mutualisation des capacités de production. A cet égard, je pense que l'économie constitue un levier incontournable qui nous permettra de rassembler et d'unir l'Afrique. Je tiens, par ailleurs, à préciser qu'en 1975, la Chine avait 176 milliards de dollars de PIB. Tandis qu'aujourd'hui, elle détient 16 mille milliards de dollars de PIB, ce qui est énorme. Sachant que la population de la Chine vaut presque celle de l'Afrique. Les peuples africains doivent donc se réveiller et mobiliser leurs forces pour que leur continent soit enrichi. Selon vous, est-ce qu'il n'y a pas aujourd'hui cette nécessité politique pour que l'Afrique soit « un seul état » ou plutôt une seule Union Africaine ? Certes, tout doit se faire par la politique. Toutefois, si on prend l'exemple de l'Europe, nous allons constater qu'il a commencé par 28 états réunis non pas dans le cadre politique mais dans le cadre économique. Ces derniers ont crée d'abord la Communauté européenne du charbon et de lʼacier (CECA), ensuite, la Communauté économique européenne pour enfin créer l'Union européenne. Pour ce qui est de l'Afrique, nous avons commencé par l'Union avant de s'assurer de la base. Sachez que la politique ne pourra rien résoudre si on n'apporte pas une approche économique. Les Comores jouent un rôle important dans leur zone. Cependant, la diplomatie Comorienne constitue-t-elle l'équivalent des grands nations comme le Nigéria, l'Afrique du Sud, l'Algérie, le Maroc…? La diplomatie d'un pays dépend de sa capacité économique. L'économie comorienne reste très faible. En revanche, un pays peut se développer par sa capacité à proposer des idées et à réfléchir. Il faut savoir qu'une diplomatie n'est pas forcément une diplomatie par les moyens financiers. les Comores , comme tout autre pays, peut contribuer à relever ces enjeux majeurs à même de permettre la transformation de l'Afrique pour retrouver son rôle dans un monde où tous les continents essayent de tirer leur épingle du jeu, notamment la Chine, l'Inde, le Brésil et l'Occident qui défend son intérêt. A cet égard, je reproche à l'Afrique de ne pas défendre son intérêt . Il est temps de s'y mettre.