Par Hassan Alaoui Nous empruntons le titre de cette chronique à Abderrahmane Hadj-Nacer, ancien et grand banquier d'Algérie qui a publié en 2011 un livre portant le même intitulé, avec un sous-titre : « Réflexions sur une crise », celle qui caractérise l'Algérie, son pays qu'il a servi au pied levé pendant des années. Grand banquier que Dieu fait, il est attaché à son pays, d'autant plus qu'il a été des années durant gouverneur de la Banque centrale en Algérie et représentant de plusieurs institutions bancaires de son pays en France. Son livre est un véritable réquisitoire qui ne perd jamais sa force et son actualité. La nature du régime, dominé pendant vingt ans par Bouteflika, même handicapé, est perpétuée avec l'arrivée de ce qu'il appelle un « pleutre », disons Tebboune. Autrement dit celui que le défunt Caïd Salah avait hissé au pouvoir avant de décéder contre toute attente et dans des conditions encore non éclaircies. Brossant au scalpel quelques portraits, Hadj Nacer affirme que « les dirigeants ( algériens) ne connaissent pas l'histoire et celle-ci n'a pas été enseignée parce que ceux qui dirigent ne sont pas légitimes et ont peur de remonter le fil du temps et de démontrer leur illégitimité ». Ainsi donc un acteur influent de l'Establishment dirigeant d'Algérie, se rend compte et parle publiquement de l'illégitimité des dirigeants et surtout met en exergue leur méconnaissance de l'histoire. Il enfonce aussi le clou sur une thématique devenue si chère et banalisée aujourd'hui qu'elle est se transforme en une tarte à la crème. Celle de la mémoire. « Les dirigeants algériens, écrit-il, ont bien tenté de produire des fictions « légitimantes » qui n'ont pas réussi à s'installer dans le paysage mémoriel des Algériens. En 1962, ceux qui ont pris le pouvoir n'avaient pas légitimité pour le faire... ». Le constat est cruel, il constitue la marque d'une culture que beaucoup d'intellectuels reprennent à leur compte. Il n'a rien de lapidaire et notre intention n'est pas de récupérer un propos, fait d'amertume et de dépit. Cette lucidité intempestive, un très grand nombre d'Algériens la partageaient avant leur assassinat en masse pendant la décennie noire que caporaux et surtout généraux avaient organisée entre 1990 et l'an 2000...La décennie noire n'a jamais été autre chose qu'un long processus douloureux de règlement de compte, entre une partie du peuple algérien et les accapareurs du pouvoir que sont les généraux, et principalement Mohamed Toufik dit Mediene, Nezzar, Tartag et leur créature incarnant l'ubris, un certain Saïd Chengriha que, crime ou pas, le président Tebboune caresse dans le sens du poil et, outrance à la mémoire récente, décide de décorer toute honte bue. Bien sûr, la libération des généraux, leur amnistie avait un sens qui respire l'opportunisme et l'instrumentalisation de la société algérienne. Mais depuis quand la protection de criminels ayant laminé le peuple pendant dix ans réconcilie-t-elle la société avec un pouvoir qui emprisonne paradoxalement des centaines d'autres militants du Hirak, des jeunes pour avoir osé le critiquer et, comble des combles, au moins une quarantaine de généraux et d'officiers de l'ANP embastillés depuis des mois. Et qui n'ont pas les faveurs de Chengriha et consorts ? Réduit à ses acquêts le pouvoir algérien n'a pas de politique cohérente à part l'agressivité contre le Maroc. Et pour ce faire, il n'hésite pas à réhabiliter la vieille piétaille des généraux dont le trait commun est la haine du Maroc. Ainsi croît-il souder un corps – celui de l'armée – et une confrérie tout à sa dévotion, celle de la presse servile devenue alliée dans une médiocrité rampante des réseaux sociaux de bas étage et complice des fake-news. L'une et les autres n'ont pas de mots assez vils ou de calomnies indignes, n'ont de vociférations féroces pour s'attaquer au Roi, insulter les Marocains avec cette irrépressible mauvaise fois de croire séparer ces derniers de leur Souverain ou d'entamer la confiance entre lui et son peuple. Un fauve à demi décatit appelé Chengriha, détenteur et proconsul du pouvoir réel à Alger ne rêve que de revanche et ne conçoit la fin de ses jours qu'à travers le prisme d'une confrontation qui le réhabiliterait personnellement après sa débandade à Amgala en février 1975 face aux combattants des Forces Armées Royales ( FAR) qui demeurent son cauchemar le plus profond. La martingale algérienne, disons des Chengriha et consorts est à ce prix. Elle est devenue une facétie caractéristique essentielle. N'avoir d'yeux dévolus que sur le Royaume du Maroc, et d'écoute que du voisin de l'ouest. Moyennant quoi, toute l'hystérie d'un pouvoir affolé à la fois par la sérénité et le pacifisme du Maroc, est tournée vers ce dernier qui, n'en déplaise aux esprits chagrins, engrange calmement les résultats de ses efforts. L'Algérie mettrait-elle à profit la hausse des prix du gaz pour faire chanter la France, l'Espagne voire l'Union européenne ? Viserait-elle parce cette attitude d'abord et essentiellement le Royaume du Maroc ? Qu'à cela ne tienne ! Le passé glorieux des Etats pétroliers a connu ses fastes, ses grandeurs et ses servitudes...Et comme l'on dit, les comptes à rebours sont la loi organique de l'Histoire qui, pour reprendre le maître-mot d'un Fernand Braudel, l'un de nos maîtres, ne se caractérise que par les ruptures. A tours de bras, le gouvernement algérien rachète les consciences comme les voix autrefois dans les assemblées internationales. Il a dévoyé l'OUA, acheté rubis sur l'ongle son secrétaire général du nom d'Edem Kodjo en 1984, détruit les fondements de l'Union du Maghreb arabe ( UMA), comme il veut corrompre, dans un sursaut de remords compulsifs, le gouvernement d'Emmanuel Macron alors qu'il n'y a pas si longtemps encore, ses collaborateurs et son entourage n'avaient de cesse de mettre en cause jusqu'à l'existence de l'Algérie avant la colonisation de 1832... Le simulacre de « retrouvailles » entre Tebboune et Macron nous rappelle le Bugeaud devenu en 1845 le duc d'Isly qui voulait transformer l'Algérie comme la nouvelle Dordogne...A chacun son empire et son obsession...