Par Taoufiq Boudchiche, Economiste Nous commencions à nous habituer à réduire l'importance du gaz et du pétrole sur la scène diplomatique internationale. En effet, avant la guerre en Ukraine, la détente des prix sur les marchés pétroliers ainsi que la priorité à la « décarbonation » de l'économie mondiale avaient placé la question des hydrocarbures en arrière plan des priorités stratégiques à l'échelle internationale. Mais la recherche d'alternatives à l'approvisionnement Russe qui fournit 40 % du gaz à l'Europe a réinstallé la question énergétique au centre des tractations diplomatiques à l'échelle internationale. La visite du Président Macron à Alger du 25 au 27 août prochain, reportée auparavant à plusieurs reprises, n'est sans nul doute pas étrangère à ce contexte. En effet, la presse française présente la fourniture du gaz algérien à la France comme étant au cœur des discussions. Accessoirement, seront également discutés, selon ce qui est rapporté, les points relatifs à l'Islam de France et à la régulation migratoire (délivrance de visas contre facilités de retour des migrants clandestins présents sur le sol français). En cette période de recherche d'alternatives au gaz russe, la diplomatie pétrolière a gagné du terrain sur la scène internationale. Dirigeants américains et ceux des européens dépendants de la Russie se tournent vers les autres pays pétroliers à travers le monde. Par exemple, Les américains sont allés jusqu'à reprendre des discussions avec le Venezuela auparavant régime honni mais dont on s'est souvenu alors qu'il était bien pourvu en hydrocarbures, ... De même, l'accélération des efforts pour relancer l'accord sur le nucléaire avec l'Iran n'est pas exempte d'arrières pensées pour permettre au gaz iranien d'être accessible sur le marché mondial. Dans le même ordre d'idées, l'administration américaine n'a-t-elle pas, présenté la présence du Président Biden aux côtés du Prince héritier Mohamed Ben Salmane au Sommet des pays du Golfe organisé à Ryad, comme une concession diplomatique. L'objectif étant de convaincre, l'Arabie Saoudite et les pays du Golfe, à la veille de la dernière réunion de l'OPEP qui a succédé à ce Sommet, de consentir à augmenter leurs productions et les livraisons de gaz et de pétrole sur le marché mondial. Du côté européen, la diplomatie énergétique a repris également une place prépondérante. La récente visite en juillet 2022 du Chef de Gouvernement italien Mario Draghi avant de quitter son poste semble avoir inauguré le ballet des visites de Chefs d'Etat à Alger. Monsieur Draghi a bien souligné dans ses déclarations qu'il attendait d'Alger des livraisons supplémentaires de gaz algérien afin de desserrer la dépendance envers la Russie. L'Algérie représente en effet le troisième exportateur de gaz vers l'Europe après la Norvège et la Russie. La Sonatrach- acronyme de la société nationale algérienne de pétrole et de gaz- fournit par exemple le quart du gaz respectivement consommé en Italie et en Espagne. Du côté français, les gouvernements français et algériens ont renouvelé en avril 2022 les contrats gaziers. La France à travers la société française Engie s'engagerait à acheter à l'Algérie plusieurs milliards de mètres cubes de gaz par an. En juillet 2022, la presse s'était faite l'écho en outre d'un accord entre la Sonatrach et les groupes italien ENI, américain Occidental et français Total concernant le «partage de production» pétrolière et gazière d'une durée de 25 ans sur un site situé au sud-est algérien pour d'un montant de 4 milliards de dollars. Du côté marocain, il y a lieu de s'interroger, si le gouvernement algérien ne profitera-t-il pas de cette visite et de cette situation de « vulnérabilité énergétique » pour peser de tout son « poids pétrolier et gazier » sur la relation bilatérale entre la France et l'Algérie? Cela serait de bonne guerre s'il s'agit de régler pour chacune des parties les problèmes internes (crise économique, Hirak, visas...) et pour la France de consolider le partenariat entre les deux pays. Mais, cela serait très malvenu si Alger entend tirer des avantages diplomatiques aux dépens du Maroc et de la position française sur la question nationale. Car encore faut-il le rappeler, la France a exprimé à plusieurs reprises son soutien au sein du Conseil de Sécurité des Nations Unies à la proposition marocaine d'autonomie comme étant la seule solution sérieuse, crédible et réaliste à ce conflit artificiel, qui malheureusement n'a que trop duré. En effet, il faut espérer que du côté algérien, il n'y ait pas de surenchérissement lors de cette visite, dans le sens inverse. La paix et la sécurité dans le Maghreb doivent sous-tendre au premier chef les tractations diplomatiques dans un contexte de crises internationales aigües qui affectent chacun des pays car le contraire nuirait à toutes les parties et ne servirait que des intérêts de courte vue.