Le rapprochement entre l'Algérie et la Russie suscite l'inquiétude des Européens qui craignent la naissance d'un puissant cartel de gaz. Entre l'Algérie et la Russie, c'est la lune de miel, surtout lorsqu'il s'agit d'énergie ou plus précisément de gaz. En effet, plusieurs accords de coopération ont été signés entre Sonatrach (l'entreprise publique algérienne d'exploitation des hydrocarbures) et le géant Gazprom. La visite à Alger du ministre russe de l'Energie, Victor Khristenko, qui a été accompagné des dirigeants des groupes pétroliers et gaziers Gazprom, Rosneft et Loukoïl, a suscité une série d'interrogations. L'arrivée du responsable russe en Algérie intervenait au lendemain de la crise entre l'Ukraine et la Russie. Une crise qui, rappelons-le, a perturbé l'approvisionnement en Europe. La puissance de Gazprom est fréquemment perçue comme une menace dans une Europe de plus en plus dépendante en matière d'énergie. Le gaz consommé dans l'Union provient à 24% de Russie et à 11% d'Algérie. Alger et Moscou seraient-elles en train de créer un cartel gazier puissant ? Que se cache-t-il derrière ces accords bilatéraux ? S'agirait-il de simples partenariats ou de contrats à des fins géopolitiques ? «Ce qui a le plus attiré l'attention en Europe, c'est le mot commercialisation, c'est-à-dire le risque de cartel. Jusqu'à présent, Gazprom et Sonatrach sont des concurrents sur le marché européen», estime Francis Perrin, rédacteur en chef de la revue spécialisée «Pétrole et Gaz arabes». Côté européen, il a y de quoi s'inquiéter. En cas de coupure des gazoducs, ce n'est pas uniquement l'Europe qui serait menacée, mais les pays de la région. La Russie dispose des premières réserves mondiales de gaz. C'est le premier pays producteur de gaz. Il est également deuxième producteur de pétrole derrière l'Arabie Saoudite. Gazprom a extrait, en 2005, 548 milliards de m3 de gaz, soit environ 85% du gaz extrait dans le pays. La Sonatrach, pour sa part, a extrait, en 2005, 85 milliards de m3 de gaz naturel. 21,2 milliards de m3 ont été vendus sur le marché algérien tandis que le reste a été exporté par gazoduc ou sous forme de gaz liquéfié au Maghreb, en Europe et jusqu'en Corée du Sud. L'idée de «l'Opep du Gaz» reste présente dans les esprits même si les responsables algériens et russes nient publiquement et régulièrement tout accord en ce sens. «Les accusations concernant la volonté algérienne et russe de créer un cartel sont fausses. Nous avons des intérêts communs. Il y a une réalité : les demandes européennes en gaz sont en hausse, en face, les capacités des fournisseurs norvégiens ou britanniques s'affaiblissent. Le transport du gaz d'Iran et d'Asie centrale pose problème. Nous devons augmenter les capacités d'exportations», avait pourtant rassuré Victor Khristenko à l'issu de sa visite en Algérie. Le ministre de l'Énergie et des Mines, Chakib Khelil, lui, a tenu un discours similaire : «Il est très difficile de parler d'une OPEP du gaz car le marché gazier est différent du marché du pétrole». Et d'ajouter : «Si le marché du pétrole est liquide et répond à l'offre et à la demande, celui du gaz est régional (asiatique, européen et américain) et rigide». En tout cas, le rapprochement entre l'Algérie et la Russie, qui a déjà utilisé le gaz comme arme de pression, intervient dans un contexte énergétique tendu. Tout reste possible.