Le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez, agacé par les surenchères énergétiques algériennes, a plaidé mardi en faveur de la construction d'un gazoduc reliant la péninsule ibérique à l'Europe centrale à travers la France, susceptible d'aider à réduire la dépendance vis-à-vis du gaz russe. L'Algérien Sonatrach a fourni en 2021 plus de 40% du gaz naturel importé par l'Espagne, dont l'essentiel lui parvient à travers le gazoduc sous-marin Medgaz, d'une capacité de 10 milliards de mètres cubes par an. Cette année, la dépendance espagnole envers le gaz algérien a fortement réduit. Récemment, Sonatrach a annoncé que la livraison de gaz algérien vers l'Espagne via le gazoduc sous-marin Medgaz était «momentanément» suspendue en raison d'un incident «côté espagnol», ce que les autorités espagnoles ont fermement démenti. Un incident s'est produit du côté espagnol, dimanche en fin de matinée, sur le gazoduc Medgaz, reliant l'Algérie à l'Espagne, «provoquant une rupture momentanée de l'approvisionnement en gaz de l'Espagne», a précisé Sonatrach dans un communiqué. Le projet d'un gazoduc traversant les Pyrénées «est quelque chose que le gouvernement espagnol réclame et demande à l'Europe depuis déjà longtemps», a déclaré le dirigeant socialiste à la presse durant une visite sur l'île de La Palma, dans l'archipel espagnol des Canaries. «Nous espérons que ce rêve devienne bientôt réalité», a-t-il poursuivi, se félicitant des propos tenus la semaine dernière par le chancelier allemand Olaf Scholz, qui avait estimé qu'une interconnexion entre la péninsule ibérique et l'Europe centrale via la France manquait «dramatiquement» à l'Europe. Un tel gazoduc «contribuerait aujourd'hui grandement à soulager et détendre la situation de l'approvisionnement», avait affirmé le chancelier allemand, dont le pays est l'un membres de l'UE les plus dépendants des importations de gaz russe. Pedro Sánchez a abondé dans le même sens, en affirmant que «l'Espagne a beaucoup à apporter à l'Europe pour réduire sa dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie grâce à notre immense capacité de regazéification», soulignant qu'«un tiers de la capacité totale de regazéification de l'Europe se trouve en Espagne». Il se référait au fait que l'Espagne dispose de six terminaux permettant de traiter du gaz naturel liquéfié (GNL) importé par des méthaniers afin de le retransformer en gaz qui peut ensuite être injecté dans le réseau gazier espagnol pour être éventuellement exporté. Mais dans le même temps, l'Espagne n'a que deux connexions de faible capacité avec la France à hauteur du Pays basque (nord-ouest du pays). «Nous sommes en train d'exporter de l'énergie et nous allons le faire encore plus quand nous améliorerons les interconnexions», a ajouté Pedro Sánchez. Un projet de gazoduc entre la Catalogne (nord-est de l'Espagne) et le sud-est de la France, baptisé MidCat, avait été lancé en 2013, mais il a été abandonné en 2019 pour diverses raisons, notamment financières. La ministre espagnole de la Transition écologique, Teresa Ribera, a indiqué la semaine dernière qu'Enagas, le propriétaire et gestionnaire du réseau gazier espagnol, estimait à «approximativement huit à neuf mois» le temps nécessaire pour qu'un tel gazoduc soit opérationnel côté espagnol, mais a aussi souligné que tout dépendait de la partie française. Le ministère français de la Transition énergétique avait accueilli sans enthousiasme ces propos, rappelant qu'«un tel projet mettrait dans tous les cas de nombreuses années à être opérationnel» et «ne répondrait donc pas à la crise actuelle».