Alors que les responsables iraniens adoptent le principe «d'Al Takia» en évoquant la visite d'Etat à Alger, prévue lundi prochain, de leur Président Mahmoud Ahmedi-Nejjad, leurs homologues algériens, parlent déjà de ses objectifs, voire même, de ses contours. En premier lieu, le gaz et les médiations. Pour l'instant, ce sont les Européens qui semblent être les plus intéressés par la visite du chef de l'Etat iranien en Algérie. Surtout après son report en février dernier, pour «mieux la préparer», disait à l'époque Manouchehr Mottaki, le chef de la diplomatie iranienne. Ce, alors que les algériens se sont abstenus à faire le moindre commentaire là-dessus. Néanmoins, leurs médias ont laissé comprendre que cette visite était encore «prématurée». En réalité, les algériens ne voulaient provoquer ni les américains, ni les européens. Surtout que cette période était marquée par une très forte tension entre ces derniers et le régime iranien. Egalement, au moment où on parlait de la création d'un cartel gazier qui regroupera la Russie, l'Iran, l'Algérie et le Qatar. Aujourd'hui, après des go-between tout le long des deux derniers mois entre Téhéran et Alger, effectués par le secrétaire du haut Conseil national iranien, Ali Larijani, et Ali Taskhini, conseiller spécial du Président Ahmedi-Nejjed, d'une part et de l'autre, de plusieurs responsables iraniens, dont l'homme de confiance du Président algérien Abdelkader Hadjar, ainsi que de hauts responsables de la sécurité militaire et de la SONATRACH, la visite est finalement fixée au 6 août. Dans ce contexte, on apprend de sources concordantes à Alger, que Bouteflika n'a donné son feu vert qu'après le retour du ministre du Pétrole et de l'Energie, Chekib Khelil, d'une visite-éclair à Washington mi-juin dernier, pour mettre les Américains au courant des tenants et des aboutissants de la visite d'Ahmedi-Nejjad, ainsi que des détails des sujets qui seront discutés. Et, par là, savoir les limites au-delà desquelles l'administration américaine n'acceptera pas d'aller. Plus particulièrement en ce qui concerne une probable alliance dans le domaine du gaz et de la coopération, au niveau du nucléaire. Pour ce qui est du reste, à savoir, le développement des relations économiques et des échanges commerciaux (moins d'un million de dollars), les Américains n'ont posé aucune condition, sauf de cautionner directement ou indirectement la position iranienne concernant le droit de la République Islamique de se doter d'un programme nucléaire. Force est de souligner que des responsables iraniens avaient par le passé, déclaré que «Téhéran ou n'importe quel pays arabe du Machrek, à l'instar de Tel-Aviv, a le droit d'acquérir le nucléaire». Ce que les Français avaient considéré comme étant un message qui rentre dans le cadre des surenchères, puisqu'elles intervenaient au moment où la tension autour des tractations sur le gaz, atteignaient leur apogée. Les sources proches de Chekib Khélil affirment qu'à aucun moment, Alger n'avait l'intention de soutenir sérieusement le programme nucléaire iranien ; encore moins consolider la position iranienne face à l'AIEA (Agence internationale de l'Energie Atomique). Le président de cette institution, Mohamed Al-Baradeï, l'avait confirmé à la Gazette du Maroc, il y a environ un mois à Vienne. Dans ce même ordre d'orientation visant à éclaircir la situation, le Président Bouteflika a dépêché l'ancien ministre des Affaires Etrangères, Mohamed Bedjaoui, à Bruxelles, pour rassurer les Européens, que son pays sera toujours dans le camp de la légitimité internationale, et qu'il l'avait déjà prouvé à plusieurs reprises. Tout cela veut dire que la visite de Mahmoud Ahmedi-Nejjad n'aura pas de résultats exceptionnels qui pourraient contrarier les occidentaux. Bien au contraire, Alger tentera de jouer un rôle dans le cadre de l'apaisement de la tension existante entre les Etats-Unis et l'Iran. Un effort qui viendra s'ajouter aux initiatives discrètes jouées par la Turquie, plus précisément par le Premier Ministre, reçu par Tayyip Erdogan et son équipe au pouvoir. Ce dernier dit-on, au quai d'Orsay, aurait joué un rôle important dans la reprise des réunions prévues entre des responsables américains et iraniens en Irak. Gaz et médiations À deux jours de la visite du Président iranien en Algérie, la majorité des informations qui se sont infiltrées jusque-là, portent sur deux axes : la coopération technique et commerciale dans le domaine du gaz. Celui-ci englobera l'avenir, jusque-là incertain du fameux cartel gazier, au cas où ce dernier aurait la possibilité de voir le jour dans le moyen terme et deuxièmement, le rôle de médiation qu'Alger pourrait jouer, pour atténuer l'ampleur des pressions exercées par les occidentaux sur Téhéran. L'Algérie, qui semble avoir trouvé un écho favorable au sein de l'administration Bush et plus précisément auprès du State Département et des lobbies des hydrocarbures. Tous deux ont intérêt à éviter au Moyen-Orient une nouvelle guerre qui pourrait cette fois, faire exploser toute la région et menacer les intérêts stratégiques des Etats-Unis. Loin de l'agenda annoncé concernant la visite d'Ahmedi-Nejjad, la première depuis son arrivée à la présidence et la deuxième pour un chef d'Etat iranien, après celle entamée par Mohamed Khatami en 2003, les Iraniens veulent apparemment confier à Alger la tâche de proposer indirectement en leur nom, sans qu'il y ait un engagement officiel de leur part, une issue honorable de la crise du dossier nucléaire. Dans ce contexte, les Algériens ont affirmé aux Français, lors de la visite de Nicolas Sarkozy, le 9 juin dernier, que l'Iran était prêt à faire des concessions, au cas où la Communauté internationale reconnaîtrait son droit à l'acquisition de la technologie nucléaire à des fins civiles. Ces mêmes responsables auraient indiqué à leurs homologues français, que Téhéran était même prêt à avoir recours à leur technologie en la matière, si Paris et ses partenaires au sein de l'Union Européenne, plaidaient sa «cause» auprès de Washington, qui ne cesse de renforcer son armada dans les eaux du Golfe. Dernière démonstration en force dans ce sens, le passage du porte-avion américain «Entreprise» par le canal de Suez mercredi dernier. Parmi les propositions des Iraniens, qui seront transmises par l'Algérie, la collaboration en Irak pour ramener la stabilité et réviser à la modération des positions en Irak, pour ramener la stabilité et réviser à la modération des positions de Téhéran, aussi bien en Palestine qu'au Liban. Néanmoins, l'Iran n'a pas laissé une grande marge de manœuvre aux médiateurs algériens. En d'autres termes, il ne fera aucun pas en arrière, avant que les Etats-Unis et leurs alliés Européens lancent officiellement des signaux selon lesquels ils confirment leur «compréhension» vis-à-vis du droit de l'Iran de posséder des technologies nucléaires à des fins civiles, qu'Alger se porte garant. Rappelons dans ce cadre, que ce n'est pas la première fois que cette dernière joue un rôle d'intermédiation entre la République Islamique et les Etats-Unis. Cela avait été au niveau des otages de l'Ambassade américaine suite à la prise du pouvoir par Ayatollah Khomeïni. D'autres médiations cette fois, sur le plan de la stabilité du marché pétrolier où Alger aurait convaincu Téhéran de ne pas s'opposer aux souhaits de Washington, concernant l'augmentation de la production de l'OPEP, notamment durant l'invasion de l'Irak. Ce qu'Alger dément catégoriquement et que l'Arabie Saoudite confirme.