Quand le président algérien se rendra-t-il en visite d'Etat en France ? La question ressemble à une énigme. A l'origine, c'est avant même sa réélection pour un troisième mandat en avril dernier qu'Abdelaziz Bouteflika avait d'abord pensé répondre à l'invitation adressée fin 2007 par son homologue français Nicolas Sarkozy. Cela n'a finalement pas été le cas, Alger préférant reporter cette visite à juin, notamment en raison d'une affaire qui traînait trop à ses yeux : celle de Mohamed Ziane Hasseni, un diplomate algérien retenu par la justice française car soupçonné d'être en réalité le capitaine des services secrets algériens qui, en 1987, avait organisé l'assassinat à Paris du porte-parole de l'opposition algérienne Ali Mécili. La levée partielle fin février, après moult pressions d'Alger, du contrôle judiciaire auquel Ziane Hasseni était soumis semblera lever un obstacle majeur à la visite du président algérien. D'autant que Nicolas Sarkozy, indifférent aux accusations de fraude portant sur le taux de participation à la présidentielle algérienne, sera le premier chef d'Etat à féliciter Abdelaziz Bouteflika pour sa réélection. «Réfléchir plutôt que se précipiter» Six semaines plus tard, tout indique que cette visite ne devrait pas avoir lieu avant décembre prochain. «Aucune date n'a été fixée. Nous travaillons avec les autorités algériennes à sa préparation», se borne-t-on à dire côté français, pendant qu'on indique, côté algérien, qu'il vaut mieux «réfléchir plutôt que se précipiter». Pourquoi cet ajournement? Mourad Medelci, le chef de la diplomatie algérienne, a rappelé que la communauté algérienne en France, la libre circulation des personnes - et donc la question des visas -, les investissements des entreprises françaises en Algérie, la question du passé colonial demeuraient au cur des préoccupations d'Alger. Mais il n'y a là rien de très nouveau. Certes, Abdelaziz Bouteflika veut une reconnaissance symbolique, forte et solennelle des crimes commis sous la colonisation et pendant la guerre de libération, bref un acte politique entre les deux Etats. De son côté, Nicolas Sarkozy souhaite d'autant plus privilégier le volet économique, «construire l'avenir» en laissant le temps, les historiens et les sociétés civiles faire leur uvre qu'il est peu porté sur la «repentance». Bien réelle, cette différence d'approche ne paraît toutefois pas de nature à susciter à elle seule le report d'une visite d'Etat. Surtout que Jean-Marie Bockel, le secrétaire d'Etat français à la Défense, a évoqué au cours d'une visite les 13 et 14 mai à Alger l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français dans le sud algérien, le versement des pensions aux anciens combattants algériens ayant participé aux deux guerres mondiales, la coopération militaire et la vente de frégates à l'Algérie. Signifier sa mauvaise humeur Reste l'éternel problème du soutien français au Maroc sur le Sahara Occidental. L'opposition de la France le 30 avril à voir le Conseil de sécurité donner mandat à la Minurso de surveiller la situation des droits de l'homme au Sahara a bien sûr fortement agacé les autorités algériennes. A défaut de les surprendre. Alors ? En l'absence de tout nouveau contentieux entre Paris et Alger, ce sont en réalité la présidentielle algérienne et le peu de crédit manifesté par les médias français au score digne de l'ex-Union soviétique obtenu par Abdelaziz Bouteflika qui semblent en cause (90% des voix et 74% de participation selon des chiffres officiels contredits par tous les observateurs). Dès lors, l'ajournement de la visite du président algérien présente un double intérêt : signifier sa mauvaise humeur et surtout éviter que ce déplacement vienne réactualiser un scrutin trop contesté.