Loin de l'esprit de concorde qui avait prévalu lors des célébrations du «Jour J» en Normandie, le 60ème anniversaire du débarquement allié en Provence suscite des remous, notamment autour de la présence contestée du président algérien. Dix semaines après la célébration du 6 juin 1944, le débarquement en Provence associant Américains, Britanniques et Français, ainsi que les chefs d'Etat d'Afrique noire et du Maghreb, des blessures, encore ouvertes, n'ont pas tardé a volé la vedette. A commencer par le sort réservé aux harkis à l'issue de la guerre d'Algérie. Quelque 150.000 de ces supplétifs de l'armée française avaient été massacrés après la signature de l'accord d'Evian en 1962. Deux députés UMP -Geneviève Levy (Var) et Claude Goasguen (Paris)- se sont faits l'écho des "remous" suscités par l'invitation du président algérien parmi les harkis, qu'Abdelaziz Bouteflika "a toujours ignorés, voire bafoués". Le président algérien les avait comparés aux "collabos" en juin 2000. Dans une lettre ouverte adressée au ministre des Affaires étrangères, Michel Barnier, cosignée par 63 autres députés UMP, les deux élus souhaitent donc que M. Bouteflika fasse un geste en annonçant "un certain nombre de mesures très attendues", telles que "la libre circulation des harkis". Pour Claude Goasguen, Abdelaziz Bouteflika doit retirer l'expression "collaborateurs" qu'il avait employée pour désigner les harkis lors de sa dernière visite à Paris. Le chef de l'Etat algérien "doit (...) essayer de rattraper ce mot terrible pour ces harkis qui ont suivi la France et qui sont souvent les fils des anciens combattants qui ont débarqué" en 1944, a-t-il dit mardi sur France Inter. Des propos appuyés par d'autres, notamment ceux du président de l'Union nationale des harkis, Salah Kerbadou, qui a qualifié lundi d'"insulte" la venue le week-end prochain du président algérien Abdelaziz Bouteflika aux célébrations du 60e anniversaire du débarquement allié en Provence. "L'Union nationale demande que cette insulte, faite par cette venue officielle, soit lavée par la demande express du gouvernement français de traiter les différends restés en suspens depuis plus de 40 ans", a déclaré M. Kerbadou sur Europe1. Et d'ajouter que l'opinion publique doit être alertée sur ce que la présence du président algérien aux manifestations organisées par l'Etat français le 15 août en Provence a d'inconvenant tant que l'oubli des harkis et des rapatriés restera une entrave au souci du devoir de mémoire", a-t-il ajouté. Depuis la visite officielle du président français en Algérie en mars 2003, l'heure est au réchauffement des relations entre les deux pays. Un traité d'amitié est même en préparation pour 2005. Mais la question des harkis "ne donne pas l'impression d'avoir véritablement progressé", a déploré lundi Geneviève Levy à l'Associated Press. Dans ce contexte, elle a jugé "un petit peu décevant" l'absence de réaction des autorités françaises un mois après l'envoi de la lettre ouverte, le 13 juillet. Le ministre délégué aux Anciens combattants Hamlaoui Mekachera a simplement souhaité vendredi qu'"aucune confusion" ne soit faite "entre cette page d'histoire écrite en commun en août 1944 et d'autres événements ultérieurs, aussi douloureux soient-ils". Le député UMP de la Seine-Saint-Denis Eric Raoult a quant à lui qualifié de "maladroit et contre-productif" le rejet de la présence du président algérien. "L'Algérie de 2004 n'est plus l'Algérie de 1962", rappelle-t-il dans un entretien publié mercredi dans "Le Parisien". "Je préfère inviter Bouteflika, qui représente tout de même une certaine stabilité, que de voir arriver au pouvoir des islamistes comme cela a failli être le cas dans le passé", souligne-t-il, avec le souci de "ne pas exciter le nationalisme en Algérie par des prises de position trops radicales". Après un mois de silence, le ministre des Affaires étrangères Michel Barnier a écrit lundi aux députés UMP qui avaient relayé l'émoi suscité chez les harkis, a fait savoir le Quai d'Orsay mardi. "Il s'agit en effet d'un sujet important qui a préoccupé un certain nombre de parlementaires", a constaté mardi la porte-parole du Quai d'Orsay Cécile Pozzo di Borgo. "Michel Barnier a souhaité y répondre personnellement" et, "compte tenu de son importance, cette lettre a fait l'objet d'une concertation interministérielle", a-t-elle précisé. Une lettre qui sera "rendu publique dès qu'elle sera parvenue à ses destinataires". • Tarik Qattab (d'après agences)