Par Hassan Alaoui Le Maroc est le tout premier fondateur du projet du Maghreb. Bien avant le 17 février 1989 , il avait lancé les jalons de cet ensemble en 1958, à travers l'union des partis maghrébins , marocain, , tunisien, algérien ( FLN) notamment. Le 17 février 1989, le Roi Hassan II avait réuni autour de lui à Marrakech Chadli Bendjedid, président de l'Algérie, Zine El Abidine Ben Ali, président de la Tunisie, colonel Mouamar El Gadafi de Libye, et Mohamed Ould Taya, président de la Mauritanie. Tous les cinq s'étaient engagés à créer l'UMA ( Union du Maghreb Arabe), un ensemble géopolitique cohérent , sur la base d'une vision partagée. Vingt-deux ans ont passé depuis lors, un vaste mouvement de changements – apparentés parfois à des bouleversements – a traversé et transformé la région. A la tête des cinq pays du Maghreb, tous les chefs d'Etat signataires du traité de Marrakech ont décédé. Les « printemps arabes », avec leurs cortèges de désordres notamment , ont modifié la donne et le visage de cet ensemble qui demeure au stade d'un rêve brisé. Tant et si bien que tout projet y afférent ne saurait exister sans recourir à l'exercice de mémoire qui nous renvoie à la date fondatrice du 17 février 1989 et à Marrakech, ville dynastique maghrébine... Aujourd'hui, certaines voix croient réveiller le projet de ce Maghreb mortifère et tant désiré, en excluant de facto son principal inspirateur, à savoir le Royaume du Maroc. Tant et si bien que, en marge de la visite du président algérien en Tunisie, il nous apparaît évident que la volonté de ce dernier est, entre autres, d'isoler le Maroc et de constituer le front d'opposition à son expansion. Si l'on en croit la presse des deux pays , Algérie et Tunisie, et la déclaration commune appelée « Déclaration de Carthage » qui sanctionne la visite de deux jours du président Abdelmajid Tebboune à Tunis, du 15 et 16 décembre, , celle-ci confirme une « nouvelle approche bilatérale » de la coopération entre Tunis et Alger. Le 9 décembre dernier, le président tunisien Kais Saied a paraphé le texte de prêt de 300 Millions de dollars que le gouvernement algérien vient d'accorder à la Tunisie et dont on ne parle qu'à demi mots. Dans la valise et dans la tête de Tebboune en partance pour Tunis, le chèque si célébré en Algérie se veut un soutien, un geste de solidarité. Il s'agit de combler une très infime partie du trou de 1,2 milliard d'Euros du budget 2022 et le montant prêté par le gouvernement algérien tambour battant correspond à seulement quelque 2,14% du total du déficit auquel Tunis est confronté. Les deux gouvernement ont signé quelque 27 accords de coopération portant, officiellement, sur l'énergie et les mines, l'Intérieur, les Collectivités locales, la Justice, l'industrie pharmaceutique, l'environnement, les affaires religieuses, l'éducation, la formation professionnelle, la pêche, la culture et l'information. C'est peu dire qu'il s'agit-là d'un champ spectral de coopération. Il ne fait que confirmer le rapprochement dont Tebboune se prévaut à tout bout de champ, sur fond d'une volonté viscérale de marquer la présence – à Alger, on parle de retour – de son pays sur la scène régionale et fantasmer sur un isolement du Maroc. Bien entendu, « un retour » dont Ramtame Lamamra s'efforce de faire un cheval de bataille, essentiellement tourné contre notre pays. La posture du gouvernement tunisien lors du vote au sein du Conseil de sécurité, le 31 octobre dernier, sur le Sahara marocain nous en avait donné l'avant-goût, même si par la suite, dans un affolement exprimé mezza voce , Kais Saied a essayé de rectifier le tir. On a compris que le « non dit » tunisien signifie un alignement ni plus ni moins sur la politique algérienne, à tout le moins dans l'affaire du Sahara marocain. Et le prêt de 300 Millions de dollars en est, ni plus ni moins, la récompense bien orchestrée... Cela dit, l'analyse et l'appréciation de la Déclaration de Carthage, adoptée par les présidents Tebboune et Kaïs Saied, ne laisse aucun doute sur leur vision unilatérale partagée à propos du projet maghrébin. Si le texte ne l'exprime pas aussi clairement qu'on l'eût souhaité, une lecture entre les lignes nous laisse penser que son langage et les termes employés appartiennent, de toute évidence, à la rhétorique algérienne. « Suite aux enseignements tirés des précédentes expériences, souligne la Déclaration de Carthage, et compte tenu des acquis remportés par les relations entre les deux pays, les deux présidents ont souligné l'importance d'adopter une vision ambitieuse pour l'instauration d'un nouvel espace régional unificateur, complémentaire et intégré fondé sur les valeurs, les idéaux et les principes communs ». Et la même Déclaration commune d'ajouter : « Un espace régional qui offrira des réponses coordonnées et efficientes aux défis sécuritaires, économiques et sanitaires, ainsi qu'aux développements actuels et futurs à l'échelle régionale et internationale. Les observateurs apprécieront que dans l'ordre, c'est le « défi sécuritaire » qui précède ceux de l'économie et de la santé. Là aussi, en filigrane, le Maroc est plus que visé, la propagande algérienne ne cessant de le présenter comme un danger majeur, un agresseur et naturellement l'allié objectif de « l'ennemi sioniste » qu'est l'Etat d'Israël ...Le déclaration d Carthage, pour importante qu'elle soit aux yeux de ses signataires algéro-tunisiens qu'elle soit, n'a aucun poids significatif et les 300 millions de dollars prêtés par Alger à Tunis représente une pacotille pour la Tunisie, sinon le dérisoire geste d'Alger pour racheter le soutien du président Kais Saied à la politique haineuse du pouvoir militaire algérien contre le Maroc. Or, le gouvernement tunisien, tout à son amnésie feint d'oublier le soutien précieux du Maroc au plus fort de la Covid-19, l'hôpital militaire que le Roi Mohammed VI a implanté en Tunisie et d'autres gestes solidaires que le peuple de Tunisie n'oublie pas si facilement...