Combien nous sommes admirateurs voire reconnaissants à la vue d'un jeune qui cède la place à une femme âgée dans un bus ! Combien notre émotion est forte face à quelqu'un qui aide un non voyant à traverser ! Et pourtant, n'est-ce pas là un comportement normal ? Donner la priorité aux piétons, respecter les lieux « non-fumeur », trier les ordures, aider des personnes âgées ou handicapées, donner son sang, se dévouer pour l'autre et pour la collectivité, œuvrer dans le bénévolat pour le bien de tous sont devenus des actes de bravoure salutaire dans un monde en perte de repères et de valeurs. Le spectacle devenu plus habituel est le jet de déchets un peu partout, sur la voie publique, le stationnement abusif, les concerts de klaxons dans des zones résidentielles, le non-respect des files d'attente et la liste est longue. Tout ceci couronné, bien évidemment, par le déni de l'autre et de l'espace public « qui ne nous appartient pas ». Alors que reste-t-il de nous quand les valeurs qui, en principe, orientent et guident notre conduite, nous quittent? Sous prétexte d'être en quête d'une vie meilleure, on détourne les mots de leur vrai sens à tel point que l'insolence et la violence deviennent courage, l'anarchie, une liberté qui devrait être acquise, la pudeur, un manque de confiance et effacement … et plus encore. Le renoncement à ces valeurs fait que nous sommes devenus une société sans modèle parce que les nôtres sont démodés, sans idéaux parce que devenus obsolètes et sans repères parce que désorientés. Le gâchis prend place alors. Peut-on évoquer l'incivilité sans penser au civisme ? Il est de notoriété publique que vivre en communauté régit certaines règles de vie et un modèle de conduite qu'il faut bien respecter dans diverses situations sociales, c'est bien entendu ce qu'on appelle communément : la civilité. A contrario, la notion d'incivilité s'impose pour désigner tous les manquements ou abus sociaux notamment les nuisances qui bousculent la vie sociale. Celle-ci diffère en fonction des pays et des cultures de sorte que le tolérable devient variable selon le lieu, le cadre et l'environnement. Si le civisme désigne le respect du citoyen pour le lieu où il évolue à savoir une communauté avec ses conventions et ses lois, le respect des règles d'occupation du domaine public, les règles de sécurité, d'hygiène, d'environnement et d'urbanisme, des actes tels que la dégradation des biens, l'abandon de déchets, le vandalisme, le tapage nocturne, le stationnement sur une place réservée aux handicapés, les insultes, les discriminations raciales, physiques, sexuelles, la violence à l'école, les attroupements d'individus menaçants ou exubérants, le hooliganisme sportif, la mendicité agressive, les bousculades, le fait de remplir les murs de graffitis, de fumer dans un lieu public sont des incivilités qui relèvent de la détérioration volontaire de la qualité de l'espace public. Ce qui, par conséquent, fait naître un sentiment d'insécurité et surtout de non-appartenance à un espace assailli par un groupe restreint qui y fait sa loi. À ville surpeuplée, incivilités accrues Plusieurs facteurs font que les incivilités croissent de façon inquiétante à savoir la vie, aujourd'hui plus que jamais, urbaine qui impose la proximité et l'exiguïté. Aussi, la contiguïté entraîne-t-elle les contradictions et confrontations en raison des traditions ou des modes de vie différents. Les scènes qui s'offrent à nous dans un bus bondé, les crachats sans gêne devant les passants, le stationnement en deuxième position et le désordre que cela peut engendrer sans égard aucun aux autres en sont la meilleure illustration. L'éducation dispensée, de plus en plus, déficiente et la démission de la cellule familiale où les liens se sont insidieusement délabrés ont précipité notre société dans un gouffre où la pudeur, le contentement et la bienséance n'ont plus de place. On se retrouve alors face à un renversement de valeurs qu'on subit passivement avec désarroi. Un laisser aller qui n'augure rien de bon dans une société individualiste et inégalitaire où un réel malaise sociétal règne. Tout ceci fait que le civisme prend un sacré coup et des conduites banales peuvent dégénérer en conflits qui empoisonnent la vie de tous les jours. Ainsi le vivre ensemble est le premier à être affecté par les incivilités ce qui se répercute, systématiquement, sur les relations avec les autres mais aussi avec soi-même. En effet, manquer de respect à autrui c'est manquer aux règles d'une vie sociale correcte et harmonieuse. Dès lors, l'incivisme règne en maître des lieux dès qu'on porte atteinte aux droits de l'autre et à partir du moment où le bien de la nation ne fait pas partie des priorités.