L'opposant Karim Tabbou et les journalistes Ihsane El Kadi et Khalid Drareni, ont été interpelés, jeudi, par les services de sécurité algériens, ont annoncé plusieurs organisations de défense des droits de l'Homme. La Ligue Algérienne de Défense des droits de l'Homme (LADDH) a dénoncé l' »escalade de la répression en Algérie à la veille des élections », en relevant que le journaliste Khaled Drareni, fondateur de Casbah tribune, est « encore une fois arrêté ». De son côté, le Comité national pour la libération des détenus (CNLD) a fait état de l'interpellation de Karim Tabbou, coordinateur de l'Union démocratique et sociale (UDS), parti non agréé. « Le journaliste et directeur de Radio M et Maghreb Emergent, Ihsane El Kadi, a été interpellé, aujourd'hui jeudi 10 juin, en fin d'après-midi par des services de sécurité à sa sortie de son bureau à Alger », a précisé pour sa part « Radio M ». Tabou et El Kadi sont sous contrôle judiciaire. Le coordinateur de l'UDS, depuis le 29 avril à la suite d'une plainte déposée contre lui par Bouzid Lazhari, président de l'office des droits de l'Homme (étatique). Il est poursuivi entre autres pour « calomnie, insulte et outrage à un employé dans l'exercice de ses fonctions ». Il est par ailleurs accusé d'avoir « violé le caractère sacré des défunts dans les cimetières ». Karim Tabbou, emprisonné de septembre 2019 à juillet 2020, est un visage très populaire de la contestation anti-régime depuis le début du Hirak il y a plus de deux ans. → Lire aussi : Corruption: Un ancien ministre algérien du Tourisme sous mandat de dépôt Pour le directeur de Radio M et Maghreb Emergent, qui est sous contrôle judiciaire depuis le 18 mai, il est poursuivi suite à une plainte déposée par le ministère de la Communication après avoir publié, le 23 mars 2021, un article sur Radio M. Il est accusé d' »atteinte à la sécurité et l'intégrité de l'unité nationale », et » publications qui nuisent à l'intérêt national ». Dans ce sens, le vice-président de la LADDH, Said Salhi a souligné que la répression a déjà disqualifiée et discréditée les élections législatives. Ces élections « ne sont ni ouvertes, ni transparentes, ni démocratiques », a-t-il dénoncé dans un tweet en réaction à l'interpellation de ces journalistes et opposants. Selon lui, « l'approche par le tout sécuritaire est un aveu d'échec de la feuille de route politique, un rendez-vous raté pour l'Algérie ». Pour sa part, l'avocat Abdelghani Badi estime que les espaces de liberté rétrécissent de plus en plus, notant que le système s'évertue ces derniers temps à limiter les libertés. « Les rues de la capitale étaient devenues des espaces de discussions et d'échanges. Les marches de la Grande-Poste accueillaient des débats entre citoyens, chacun donnant sa vision et son avis politiques. Aujourd'hui, le régime ne tolère plus le moindre espace d'expression libre », regrette Me Badi. Pour l'avocate Me Nabila Smail, très impliquée dans la défense des détenus du Hirak, tout le monde a peur et tout le monde se pose des questions. « Ceux qui doivent avoir peur, ce sont les gens qui sont en train de réprimer l'être humain et la liberté d'expression. Et la liberté de se réunir et de discuter, la liberté de critiquer et de dire que cette situation n'est pas normale », ajoute-t-elle. « On assiste à l'utilisation de toutes les institutions de l'Etat pour protéger un régime et pas un peuple », critique-t-elle. « Nous vivons la période la plus massive en matière d'interpellations par rapport aux premiers mois du mouvement », s'est alarmé pour sa part le journaliste algérien Zaki Hannache. Selon le Comité national pour la libération des détenus (CNLD), 210 détenus d'opinion croupissent dans les prisons algériennes, certains ont été condamnés, d'autres attendent leur procès.