Avec l'avènement de la saison estivale, la ville du Détroit se transforme en un véritable hub touristique régional, avec une grande affluence des touristes marocains et étrangers. Impossible de ne pas succomber au charme de sa côte méditerranéenne, ses cafés-terrasses et ses multiples centres commerciaux. L'un des lieux mythiques de la ville est la légation diplomatique américaine, qui est la plus ancienne représentation diplomatique des Etats-Unis dans le monde. Un endroit toutefois méconnu auprès du grand public marocain. Reportage. Le Tanger international était investi par le mythe, les légendes et les fabulations faites d'énigmes, celles que nous racontent aujourd'hui la littérature contemporaine et la presse étrangère. Dans ses écrits sur le cinéma des années 70, le réalisateur marocain Moumen Smihi décrivait Tanger comme étant « la représentation d'une Afrique méditerranéenne, d'une société marocaine diversifiée par les sons, les couleurs, traversée par plusieurs courants culturels, arabe, berbère, andalou, le tout recouvert par l'islam et enfin, à un moment de l'histoire par l'aventure colonialiste». Le statut international de Tanger, entre 1923 et 1956, fait que cette ville était toujours au centre des rivalités et des enjeux diplomatiques, commerciaux et militaires mondiaux. Mais d'un point de vue culturel, c'était un enrichissement, qui a rendu Tanger un lieu d'échanges et d'inspiration pour de nombreux artistes, peintres, cinéastes et écrivains. Le secret de cette ville, écrit le journaliste Olivier Piot, est «sans doute cette capacité de survivre aux diverses frénésies qui ont tenté de la faire basculer dans la modernité. Arabe au VIIIe siècle, dominée par les Européens dès le XVe siècle (Portugais, Espagnols puis Anglais), la ville fut déclarée "zone internationale" en 1923», extrait d'un article publié en 2009, dans le journal « le Monde », intitulé « Tanger, la mille est une ville ». Dans cette cité des légendes existent plusieurs édifices qui ont marqué son histoire, notamment, la légation diplomatique américaine, qui est la plus ancienne représentation diplomatique des Etats-Unis dans le monde, un endroit méconnu auprès du grand public marocain. Ancienne Médina, lieu de l'intrigue Derrière les murailles de l'ancienne Médina se trouvent des quartiers qui nous transportent vers l'époque du Tanger international du 20ème siècle, avec des ruelles étroites et une architecture tantôt mauresque tantôt européenne, dont la plupart des habitants actuels sont des étrangers. Dès qu'on arrive à la Rue d'Amérique, on monte des escaliers qui nous mènent vers un labyrinthe de petites ruelles, redorées de jolies couleurs des anciennes maisons. Selon les locaux, il fut un temps où ce quartier était l'un des endroits les plus luxueux de la ville, on y voyait seulement des personnalités de renom (artistes, écrivains, acteurs, diplomates, etc.). On raconte que le dernier empereur de l'Allemagne Guillaume II, accompagné par son cortège, s'était rendu aussi à l'ancienne médina, quand il est venu à Tanger pour rencontrer le Sultan Moulay Abdelaziz. Tout près de la Rue d'Amérique, se trouve l'un des quartiers les plus anciens de la ville, Hay Bnider, où se situe la légation américaine de Tanger. Autrefois représentation diplomatique des Etats-Unis au Maroc, elle est devenue en 1976 un musée. Ce quartier, abritant 17 synagogues, plusieurs mosquées et églises a une forte symbolique. Tous ces endroits de culte sont réunis dans le même quartier. La légation américaine vue par Hollywood Le 22 août 2019, Hay Bnider, où se trouve l'ancienne légation américaine. On reconnait l'édifice de loin avec ses belles fleurs rouges qui enjolivent son balcon, dont la vue donne sur l'ancienne médina. Ce jour-là, les visiteurs sont peu nombreux, la plupart d'entre eux sont des touristes étrangers. Une fois à l'intérieur, on retrouve un patio qui illumine tout le bâtiment. Un lieu historique et emblématique. De grandes toiles et des portraits des figures historiques ornent les bureaux, les salles de réunion et de spectacles. Eugène Delacroix, Henri Matisse,... Les oeuvres de Paul Bowles y sont également exposés. L'écrivain et voyageur américain s'est installé à Tanger en 1947. Les passionnés et les mordus de lecture trouveront leur compte dans la bibliothèque, qui regorge plusieurs ouvrages sur l'histoire du Maroc et du Maghreb. Les touristes étrangers poursuivent leur visite. Ils paraissent subjugués par la beauté des meubles vintages qui embellissent l'endroit. Pour Selena, une touriste colombienne, « ce lieu magique est chargé d'histoire, c'est une véritable invitation au voyage dans le temps. Je suis contente d'être venue ici, je n'ai pas arrêté de prendre des photos depuis que je suis arrivée ». De l'autre côté, un couple français contemplait avec admiration un tableau du célèbre peintre français Eugène Delacroix. « Ce n'est pas la première fois que je visite cet endroit, à chaque fois que j'arrive ici, je suis fasciné par la beauté de ce patrimoine culturel », confie l'un des deux partenaires. «Je ne sais pas pourquoi les Marocains ne viennent pas beaucoup ici, la plupart des visiteurs sont des étrangers» s'interroge-t-il. Et de poursuivre : «Il faut que les écoles commencent à organiser des visites aux étudiants, pour qu'ils prennent conscience de l'importance de cette institution ». Cette institution diplomatique est aujourd'hui un symbole fort des relations diplomatiques historiques liant les Etats-Unis et le Maroc, puisque le Royaume était l'un des premiers pays au monde à avoir reconnu l'indépendance des Etats-Unis d'Amérique. Younes Ali Cheikh raconte à Maroc diplomatique l'histoire de ce bâtiment emblématique. Selon ce collectionneur d'oeuvres d'art, « En 1821, le Sultan alaouite Moulay Slimane décida d'offrir au Président américain James Monroe, cette représentation consulaire et diplomatique, en pleine médina de Tanger. Une preuve d'amitié ». Parmi les événements qui ont marqué l'histoire de cette institution, l'enlèvement de Perdicaris. Une affaire que les tangérois ne sont pas prêts à oublier. D'après Cheikh, «en 1904, Ion Perdicaris, un diplomate et homme d'affaires américain, installé à Tanger avec son épouse britannique et son beau-fils, fut enlevé par le leader des Jbalas, Moulay Ahmed Raissouni, de sa résidence, qui porte son nom (le château de Perdicaris)». Son enlèvement avait déclenché un incident diplomatique inédit avec les Etats-Unis. Quand le Président Theodore Roosevelt a appris la nouvelle, il a menacé de bombarder Tanger. «Perdicaris vivant ou Raissouni mort», déclare-t-il. D'après la même source, «sept navires de guerre de la flotte atlantique ont accosté le long de la côte marocaine», suite aux ordres du Chef d'Etat américain en exercice Roosevelt. Pour résoudre cette crise diplomatique, le sultan Moulay Abdelaziz a accepté de payer une rançon de 70 000 dollars à Ahmed Raissouni, pour qu'il libère l'américain Perdicaris et son beau-fils. Raissouni est devenu ensuite pacha de Tanger. En 1975, Hollywood s'intéresse à l'affaire Perdicaris. Le réalisateur John Milius en fait un film. Le long métrage s'intitule «The Wind and the Lion (Le vent et le lion)». Une année plus tard, la légation diplomatique américaine de Tanger s'est convertie en un musée et un centre culturel d'apprentissage de la langue anglaise. Cet édifice historique a joué un rôle incontournable, pendant 140 ans, dans les rapports entre le Maroc et les Etats-Unis aux niveaux politique, économique, commercial et diplomatique. Aujourd'hui, il est considéré comme étant le seul monument historique des Etats-Unis situé en dehors du territoire américain.