L'année 2009 s'achève pour le Liban dans une conjoncture largement salutaire pour le pays du cèdre si l'on en juge notamment par la nette amélioration des relations avec le grand voisin syrien et l'ouverture plus marquée sur la République islamique d'Iran. Par Lahcen Laoufi La toute récente visite à Damas du Premier ministre Saâd Hariri a scellé les retrouvailles entre les deux pays voisins qui ont su exorciser les démons de la défiance et surmonter les craintes qu'ont fait naître les résultats des élections législatives du 7 juin dernier, qui ont consacré la montée en puissance du fils de Rafic Hariri, assassiné en février 2005 et de son "courant du futur". La victoire de la coalition anti-syrienne à ces élections avait, pour un certain temps, laissé craindre le pire concernant le devenir des relations avec le régime syrien, pointé du doigt pour sa présumée implication dans l'assassinat de Rafic Hariri. Il aura en effet fallu que la machine diplomatique se mette en branle et que Saâd Hariri, une fois sorti vainqueur d'une longue crise gouvernementale qui a perduré cinq mois durant, mette tout son poids dans la balance pour remettre sur les rails les relations avec le voisin syrien en mettant de côté l'épineuse question de l'assassinat de son père pour se tourner résolument vers l'avenir. Du côté de Damas, l'on note en particulier l'attitude des autorités syriennes qui ont fini par lever la main sur le dossier libanais au moment où le pays se débattait dans une sérieuse crise gouvernementale consécutive aux résultats du scrutin législatif du 7 juin et à la nomination de Saad Hariri, chef de file de la nouvelle majorité parlementaire, au poste de Premier ministre. Durant toute cette crise gouvernementale, Beyrouth n'avait de cesse d'accuser Damas de mettre, notamment par presse interposée, les bâtons dans les roues de Rafic Hariri pour empêcher l'avènement d'un gouvernement d'union nationale que tous les Libanais appelaient de leurs vŒux. Les pressions attribuées et la Syrie et autres parties avaient failli avoir raison de la ferme détermination de Saad Hariri qui s'était désisté une première fois avant d'être de nouveau nommé par le président de la République pour former le nouveau gouvernement. Hariri 2 ne fut pas au bout de sa peine, tellement l'opposition durcissait ses conditions jugées rédhibitoires avant que les choses finissent par s'arranger et que le gouvernement voit enfin en ce jour de lundi 9 novembre 2009. Dès l'annonce des résultats du scrutin législatif du 7 juin, les observateurs n'en finissaient pas de prévoir le pire en avertissant que les relations avec Damas ne pouvaient que pâtir de cette nouvelle donne sur l'échiquier politique libanais avec l'arrivée aux affaires d'une coalition farouchement anti-syrienne. Ces scénarios alarmistes ont de sitôt été démentis par les développements importants au plan régional. Tant il est vrai qu'une conjoncture largement favorable avait amené la Syrie à desserrer l'étau sur le voisin libanais avec en particulier le net rapprochement entre Damas et Ryad couronné par le sommet Assad-Roi Abdallah. Les deux pays adoptaient jusque là des attitudes diamétralement opposées vis-à-vis de Beyrouth, l'un soutenant la minorité parlementaire emmenée par les chiites du Hezbollah, l' autre la coalition anti-syrienne sous la houlette du "courant du futur" de Saâd Hariri. De cette naissance douloureuse du nouveau gouvernement libanais, cinq mois après la tenue des élections législatives, l'on retiendra que le Liban reste très vulnérable à son voisinage immédiat et aux aléas de la conjoncture régionale. Outre le rapprochement entre Damas et Ryad qui a grandement contribué à la décrispation du climat pour la mise en place d'un gouvernement d'union nationale, le désengagement de l'Iran vis-à-vis du dossier libanais, favorisé par le durcissement du bras de fer entre Téhéran et l'Occident sur le dossier nucléaire iranien, a largement balisé la voie pour la sortie de crise. L'on retiendra également de ce long et pénible processus de formation du cabinet libanais, combien le Liban a besoin, plus que par le passé, de réelles réformes politiques. Le système confessionnel mis en place a été pointé du doigt comme étant la source des maux de ce pays. Un système qui ne peut, en l'état actuel des choses, favoriser l'émergence d'une solide majorité parlementaire capable de gouverner et d'une minorité qui campe le rôle d'opposition crédible. Les gouvernements au Liban sont toujours mis en place selon la règle dite de 15-10-5, une règle qui vide en quelque sorte les élections législatives de leur substance. Sur les trente ministres que doit compter le gouvernement, 15 portefeuilles reviennent à la majorité, dix à la minorité alors que les cinq restants sont désignés par le président de la République. Michel Sleiman avait lui-même reconnu cet état de fait en préconisant l'abolition pure et simple du confessionnalisme au Liban. Un appel vite dénoncé de toutes parts par les tenants du statu quo. Au sein du nouveau gouvernement dirigé par Saad Hariri, siègent en effet tous les courants confessionnels du pays qu'ils soient de la majorité ou de l'opposition. On y trouve en effet les redoutables opposants chiites du mouvement Amal avec trois ministres et du Hezbollah avec deux ministres. Les cinq ministres restants appartiennent au non moins réfractaire mouvement d'opposition, en l'occurrence le courant patriotique libre de Michel Aoun. Nonobstant ces difficultés qui ont émaillé la mise en place du gouvernement libanais et fragilisé aux yeux de certains observateurs le pays du cèdre, le Liban peut se targuer aujourd'hui d'avoir organisé un scrutin législatif dont la transparence avait forcé l'admiration. Il a su aussi remettre sur les rails des institutions paralysées par cinq mois d'une crise gouvernementale sans précédent. Une sortie de crise sans gros dégâts, opérée selon des remèdes dont seuls les libanais ont le secret.