Evolution ou révolution? Continuité d'un processus ou bien tournant majeur? Les vocables ne manquent pas, ni les nuances les plus subtiles des mots, pour faire le constat du passage du Maroc à une nouvelle ère constitutionnelle, le 1er juillet. -Par Abdellah CHAHBOUN- Le cap franchi ne se réduit pas à une refonte structurelle du paysage institutionnel et politique : au plus fort des révoltes qui traversent le monde arabe, le Royaume met le paquet et parvient à consolider son modèle de démocratie, dans la paix et la sérénité. Les Marocains, maîtres de leur destin, ont fait preuve de pragmatisme et de maturité politique, en se prononçant en faveur de la Constitution de demain. Douze ans après son accession au trône, SM le Roi Mohammed VI positionne donc le Maroc en modèle d'exception et conforte son leadership régional, dans un espace en complète restructuration et en profonde mutation. +LE TRAIN DES REFORMES AVANCE EN LAME DE FOND IRREVERSIBLE + Il suffit en effet de prendre du recul par rapport à l'histoire récente pour se rendre à l'évidence : la dynamique de réforme n'a, à aucun moment, eu du plomb dans l'aile. Tant et si bien que, d'année en année, elle a pris l'envergure d'une lame de fond irréversible. Autant dire que ce formidable sursaut de réforme n'est guère une affaire de circonstance, à l'heure de ce qu'on appelle désormais "le printemps arabe". Le processus s'était déjà mis en branle dès l'avènement du Souverain en 1999, avec l'adoption du nouveau code de la famille et la mise en place de l'Instance Equité et Réconciliation entre autres. Sans pour autant nier que ce processus ait retrouvé une allure de croisière ces derniers mois, dans un contexte de revendications politiques et sociales. De la promotion du statut de la femme et la réconciliation des Marocains avec leur passé à la constitutionnalisation du modèle marocain de régionalisation avancée et des institutions nationales des droits humains parmi un chantier d'ensemble révolutionnant la structure même de l'Etat, le train des réformes avançait doucement, mais sûrement. Dans le même temps, le Maroc s'est inscrit dans de vastes réformes propres à conforter ses piliers démocratiques et à traduire dans les faits son adhésion à la culture des droits et libertés, dans leur dimension universelle. Le ton avait en effet été donné dès le début du règne de SM le Roi en des termes on ne peut plus significatifs. "Nous sommes extrêmement attaché à la monarchie constitutionnelle, au multipartisme, au libéralisme économique, à la politique de régionalisation et de décentralisation, à l'édification de l'Etat de droit, à la sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés individuelles et collectives, et au maintien de la sécurité et de la stabilité pour tous. En ce qui concerne les institutions constitutionnelles, notre tâche consistera à donner des orientations, de précieux conseils et à jouer le rôle de l'arbitre qui est au-dessus de toute appartenance", avait affirmé le Souverain dans son tout premier discours du Trône, le 30 juillet 1999. C'est dans cet esprit-là que le Souverain a installé, cinq ans plus tard, l'Instance Equité et Réconciliation censée faire la lumière sur les violations des droits de l'Homme et asseoir les conditions pour la réparation du préjudice, la réhabilitation des victimes et l'établissement de garanties permettant de rompre avec les pratiques du passé. Les progrès sans cesse cumulés n'auraient pu avoir l'impact tout autant social que politique escompté, sans qu'ils ne se soient fondus dans le creuset de l'édifice constitutionnel qui puisse régir la vie de toute une société et en être avant tout l'émanation. Bref, l'institution monarchique marocaine, en acteur responsable, fait office une fois encore de force politique citoyenne, inspiratrice d'un nouveau contrat social pour l'avenir. "Nous avons consolidé les fondements d'une pratique politique et institutionnelle qui se trouve désormais en avance par rapport aux possibilités offertes par le cadre constitutionnel actuel", a fait observer le Souverain dans son discours historique du 9 mars dernier, dans lequel Il a annoncé une profonde révision de la Loi suprême du royaume. + VERITABLE CHARTE DES DROITS ET LIBERTES A L'ACTIF DU MODELE D'EXCEPTION MAROCAIN + Fruit d'une démarche participative inédite dans l'histoire du Maroc, la nouvelle Constitution consacre les fondements de l'identité marocaine, plurielle et ouverte, en stipulant que le royaume est un Etat musulman souverain qui garantit à tous le libre exercice des cultes. Tout en consolidant le statut de la langue arabe, le texte officialise l'amazigh, aux côtés de l'arabe, en prévoyant la création d'un Conseil national des langues et de la culture marocaine. Le Royaume se dote désormais d'une véritable Charte des droits et libertés fondamentaux, ancrée au référentiel universel des droits de l'Homme, et d'une organisation territoriale fondée sur la décentralisation et la régionalisation élargie, ouvrant la voie à un transfert substantiel de compétences du centre vers les régions, avec à la clé de nouveaux mécanismes avancés de démocratie directe. Dans l'ensemble, la réforme entreprise est fondatrice d'un nouveau régime constitutionnel instaurant une monarchie constitutionnelle, démocratique, parlementaire et sociale. En établissant une royauté citoyenne, avec missions de souveraineté et d'arbitrage suprême, le texte supprime toute référence à la sacralité de la personne du Roi, en lui substituant la notion moderne d'inviolabilité et de respect dû. Il prévoit en outre une séparation et un équilibre parlementaire des pouvoirs, avec un gouvernement émanant d'un Parlement élu, sous la direction d'un chef de gouvernement, dépositaire d'un pouvoir exécutif effectif, un parlement à compétences élargies et un pouvoir judiciaire indépendant, acquis aux normes universelles en la matière. La nouvelle loi fondamentale "traduit la volonté de conforter et de consacrer les attributs et les mécanismes qu'induit le caractère parlementaire du régime politique marocain. Celui-ci repose, dans ses fondements, sur les principes de souveraineté de la Nation, la prééminence de la Constitution comme source de tous les pouvoirs, et la corrélation entre la responsabilité et la reddition des comptes", a fait valoir le Souverain en déclinant le projet de constitution dans son discours du 17 juin. A bien des égards, le travail accompli va bien au-delà d'une loi suprême, pour constituer le socle solide du modèle marocain de démocratie et de développement. Mieux encore, il s'agit d'un nouveau pacte historique entre le Trône et le peuple. De bout en bout, la position d'avant-garde du royaume dans son environnement régional s'en trouve confortée en tant qu'Etat au parcours démocratique, unificateur et singulier.