L'ancien Premier ministre britannique, Tony Blair, qui avait démissionné de ce poste en juin 2007 en grande partie à cause de la controverse liée à la guerre contre l'Irak, sera de nouveau mis à l'épreuve vendredi pour son rôle dans ce conflit, qualifié de "l'un des épisodes les plus sombres" de l'histoire contemporaine du Royaume-Uni. Par Abdelghani Aouifia L'audition très attendue de Blair devant la commission parlementaire d'enquête, mise en place l'année dernière par son successeur Gordon Brown, devra porter sur un large éventail de questions très complexes, notamment la légalité de la guerre et les allégations de détention d'armes de destruction massive (ADM) par l'ancien régime irakien. Des anciens responsables gouvernementaux, auditionnés auparavant par les enquêteurs, ont tenté de défendre Blair, dont son ancien conseiller en communication, le très controversé Alastair Campbell, qui a affirmé que l'ex-Premier ministre avait souhaité jusqu'au bout que la diplomatie l'emporte. Or, d'autres responsables ont révélé que Blair était déterminé à partir en guerre même en l'absence d'une justification légale à cette intervention militaire, s'alignant complètement sur la position de l'ancienne administration américaine. L'opinion publique britannique demeure, quant à elle, convaincue que Blair a induit en erreur le parlement britannique en lui présentant un dossier peu avéré sur les prétendues ADM pour obtenir son approbation à l'implication du Royaume-Uni dans le bourbillon irakien. Mardi, deux anciens hauts responsables gouvernementaux ont fait des déclarations explosives devant la commission d'enquête, soulignant notamment que l'intervention militaire en Irak était "illégale" en l'absence d'une résolution onusienne expressément autorisant le recours à la force. Elisabeth Wilmshurt, ancienne membre de l'équipe de conseillers juridiques du ministère britannique des Affaires étrangères, a indiqué que la guerre s'apparentait à "un crime d'agression" faute de résolution du Conseil de sécurité de l'ONU. Wilmshurt avait démissionné de son poste pour protester contre la guerre. D'après la presse britannique, Lord Goldsmith, ancien conseiller juridique du gouvernement, partageait cet avis avant de se raviser apparemment suite aux pressions d'Alistair Campbell.(MAP). Or, dans son avis favorable à la guerre, soumis à Tony Blair, Goldsmith avait averti l'ex-Premier ministre que la position officielle était ouverte à des actions en justice. Par ailleurs, Blair devra éclaircir la commission d'enquête sur la controverse liée au changement du régime irakien en tant qu'objectif clef de l'invasion. Même après l'invasion, Blair soulignait qu'il était convaincu que le régime de l'ancien Président Saddam Hussein présentait "des menaces permanentes" pour ses voisins, et partant, son renversement était "une bonne décision". Un avis de Lord Goldsmith, qui n'a jamais été porté à la connaissance de tous les membres du gouvernement Blair, soulignait clairement que le changement de régime ne devait pas être cité comme objectif de l'action militaire contre l'Irak. Des témoignages présentés devant la commission Chilcot ont affirmé que Blair avait donné son accord au changement du régime irakien dès avril 2002, même s'il a continué à arguer en public que le désarmement de l'Irak était le seul objectif. Dans un récent entretien à la BBC, Blair a indiqué qu'il aurait envahi l'Irak même s'il avait su que ce pays ne disposait pas d'ADM et qu'il aurait trouvé des raisons pour justifier cette invasion au parlement et à l'opinion publique de son pays. Par ailleurs, la commission, dont l'action porte sur les préparatifs de la guerre et la situation durant et après l'action militaire, ne devra pas engager des poursuites judiciaires contre les responsables. Son rapport est attendu vers la fin de 2010 ou début 2011. L'actuel Premier ministre, Gordon Brown, devra comparaitre dans les semaines qui viennent devant la commission, soit avant les élections législatives, prévues au printemps prochain. Des organisations militant en faveur de la paix dans le monde, dont la coalition "Stop the War" et la campagne contre l'armement nucléaire, devront organiser des manifestations jeudi et vendredi pour dénoncer le rôle de Blair dans le conflit irakien.