Après avoir réussi, en août dernier, l'adoption et la promulgation d'une nouvelle Constitution, qui a ouvert la voie à la naissance de la deuxième République du Kenya, le pays se trouve, depuis quelques semaines, empêtré dans des scandales financiers à grand retentissement qui ont entrainé dans leur sillage une série de démissions de hauts responsables gouvernementaux. Par Hamid AQERROUT C'est ainsi que le ministre des Affaires étrangères, Moses Wetangula, s'écarta volontairement peu de temps après que le Secrétaire général du ministère, Thuita Mwangi, ait remis sa démission le 27 octobre sur fond d'accusations de corruption. Les deux hauts responsables n'ont pas pu, en effet, supporter les pressions exercées sur eux tant par des milieux politiques que par la Commission kenyane de lutte contre la corruption qui enquête sur des transactions de propriété prétendument abusives lors de l'achat controversé de Chancelleries à Tokyo, Bruxelles, Abuja et Islamabad, causant une perte sèche de plus de 14 millions de dollars pour les contribuables. "Je tiens à dire aux Kenyans avec une conscience claire que j'ai pris la décision de démissionner de mon poste de ministre des Affaires étrangères pour permettre à ceux qui m'ont tourmenté pendant trois ou quatre semaines de mener à bien leur enquête", avait affirmé Wetang'ula lors d'une conférence de presse à Nairobi. Ces deux démissions sont intervenues quelques heures seulement avant que le Parlement ne débatte un rapport de la Commission de la Défense et des Relations extérieures, qui a recommandé que le chef de la diplomatie et le Secrétaire général du Ministère présentent leurs démissions pour faciliter l'enquête. Wetangula et Mwangi ont ainsi rejoint William Ruto, l'ancien ministre de l'éducation supérieure qui a été limogé, la semaine dernière, suite à son implication dans une transaction foncière suspecte d'un montant de 1,2 million de dollars, effectuée en 2001. Dans la foulée de ces scandales financiers, le Maire de Nairobi, Godfrey Majiwa, a été arrêté la semaine dernière par des agents de la Commission kenyane de lutte contre la corruption (KACC), après avoir été accusé d'avoir illégalement approuvé l'achat en 2008 d'un terrain pour un coût de 2,5 millions d'euros. "Les agents de la KACC en compagnie d'officiers de police ont arrêté le maire de la capitale dans sa résidence à 7h du matin et l'ont emmené au quartier général pour enquête", avait affirmé le porte-parole de la Commission, Nicholas Simani. Le maire avait au début refusé de démissionner, mais son arrestation a précipité sa suspension. Le Parlement durcit la pression sur l'exécutif La pression du Parlement sur l'exécutif est susceptible d'augmenter à mesure que la Commission de la défense et des affaires étrangères se prépare à braquer les projecteurs sur neuf autres ministres qui pourraient être contraints à subir le même sort et à se défendre contre des allégations de corruption. La Commission kenyane de lutte contre la corruption a été souvent accusée de tergiverser sur les enquêtes, ce qui amené son ancien patron, Aaron Ringera, à démissionner plus tôt cette année. Mais dès l'arrivée du nouveau président, Patrick Lumumba, plusieurs dossiers en suspens ont été ouverts et les accusés traduits en justice. Lumumba qui a promis que plusieurs ministres feraient l'objet d'enquêtes sur de présumées malversations financières dans la gestion de leurs départements respectifs, a déclaré avoir pris contact avec les gouvernements des Etats-Unis, de la Suisse et de la Grande-Bretagne, pour récupérer l'argent volé et déposé dans des comptes bancaires à l'étranger. "Nous enquêtons sur le cas de plusieurs ministres, et sur pas moins de 45 directeurs d'établissements et chefs d'entreprises publics", a déclaré le président de la Commission anti-corruption aux journalistes, lors d'une Conférence sur "l'éthique et le développement durable". C'est le cas du vice-Premier ministre, Musalia Mudavadi, qui est cité dans le rapport de la Commission parlementaire, en relation avec le Conseil municipal de Nairobi concernant l'achat controversé d'une parcelle de terrain. Le ministre de la Justice, Mutula Kilonzo, devra également s'expliquer devant la Commission parlementaire des investissements publics, qui juge irréguliers les frais juridiques de 150 millions de shillings (2 millions de dollars) recueillis auprès de la Caisse nationale de sécurité sociale dans les années 90. Le rapport accuse également le ministre de la Défense au sujet de l'acquisition en faveur des Forces aériennes d'avions, dont la navigabilité est mise en doute, ainsi que le Secrétaire aux Finances, Joseph Kinyua et celui de l'investissement, Esther Koimett, pour avoir encouragé des opérations de transfert frauduleux. C'est dire que les enquêtes menées par les différentes Commissions parlementaires et de lutte contre la corruption, qui ont, jusqu'à présent, forcé de hauts responsables à démissionner, donnent la mesure de la détermination des plus hautes autorités du pays à éradiquer la corruption. Le président kenyan, Mwai Kibaki, n'avait-il pas d'ailleurs promis, lors de son investiture en 2002, d'extirper le mal qui continue à affaiblir l'économie nationale?