Commémoration Le Chili fête cette semaine un nouvel anniversaire de son indépendance, acquise le 18 septembre 1810. Ce qui a toujours caractérisé ce petit pays de l'Amérique Latine, est avant tout la solidité de ses infrastructures démocratiques dont les assises qui s'enracinent dans la Constitution politique (1833) modifiée en 1925 et qui est restée en vigueur jusqu'au coup d'Etat contre le Président démocratiquement élu, Salvador Allende, le 11 septembre 1973. Cette caractéristique d'avoir un Etat avec des institutions solidement implantées, lui a permis d'asseoir les bases sur d'autres plans aussi importants tels l'éducation (l'université du Chili a formé bon nombre d'intellectuels latino-américains depuis sa création en 1843), le développement des infrastructures économiques importantes (Valparaiso a été le premier port du Pacifique sud pendant tout le XIXème siècle), les chemins de fer et la Route Panaméricaine en ce qui concerne les voies terrestres. Politiquement, son premier siècle d'indépendance le trouve partagé entre le Parti libéral et le Parti conservateur ; vers la fin de ce siècle, un renouveau politique –avec la naissance du Parti radical- le mène vers le chemin de la laïcité : la séparation de l'Eglise catholique et l'Etat chilien date de 1925. Au XXème siècle, le spectre politique s'additionne à gauche, avec la création des partis socialiste et communiste (vers 1933) et, au centre, avec la Chrétienne démocratie (vers 1940) qui donnera naissance à la Gauche Chrétienne, vers 1968 et le MAPU (Mouvement des Ouvriers et des Paysans). Le Chili connaît, pendant le siècle dernier, tous les régimes de gouvernement depuis celui de la droite, des coups d'Etat militaires, une République socialiste qui ne dure que quelques mois ; un Front populaire vers 1936 et le gouvernement conduit par le Parti radical qui commence, vers 1940, une nouvelle ère de renforcement d'infrastructures, une vaste politique d'industrialisation avec la création de la CORFO ( Corporation de promotion de la production) ayant pour but la création d'industries qui produisent nombre d'article alors importés au Chili. Après avoir été un pays mono exportateur de salpêtre, le Chili perd la première place mondiale suite à l'invention d'engrais chimiques pendant la première guerre mondiale. Le cuivre prend la place du premier produit d'exportation grâce à l'exploitation de la plus grande mine au monde à ciel ouvert, Chuquicamata, dans le nord du pays. Jusqu'en 1973, les exportations de cuivre représenteront environ 90% des entrées en devises. En même temps, accompagnant le plan d'industrialisation, le pays commence un nouveau plan national sous la devise “gouverner c'est éduquer”, avec la construction d'écoles, lycées, écoles normales, suivi d'un développement accru de construction de maisons. Fini, les gouvernements dirigés par le Parti radical, c'est au tour de la droite, entre 1952 et 1958, suivi d'une période pendant laquelle c'est la Chrétienne Démocratie qui gouvernera le pays, entre 1964 et 1970. A partir de là, ce sera le tour du Président Salvador Allende, qui gouvernera jusqu'au 11 septembre 1973. Lors de la période de la dictature militaire, le Chili change de cap, politique et économique : côté politique c'est la fermeture du Parlement, l'interdiction des partis politiques, la prison et la disparition de nombre d'opposants au régime ; sur le plan économique, au lieu de protéger l'industrie nationale, les autorités s'engagent dans le libre marché réduisant les taxes douanières, simplifiant les démarches pour les opérations d'import-export, la création d'entreprises ; depuis 1981 le Chili est engagé dans la voie du libéralisme économique, ce qui fait marcher son secteur privé qui voit ainsi l'élargissement de ses horizons dans la mesure où vu la petite taille du marché interne (aujourd'hui le Chili ne compte que 15 millions d'habitants) c'est à travers les exportations que les industries chiliennes trouvent leurs bénéfices. Suite à un plébiscite réalisé en 1988, la dictature militaire perd le gouvernement et depuis 1990, une alliance de centre-gauche dirige le pays : la “Concertation des Partis pour la Démocratie” constituée par les partis chrétien démocrate, socialiste, radical et le Parti pour la démocratie. Politiquement, la Concertation a la majorité des élus à la Chambre des députés mais pas au Sénat où subsiste un nombre de sénateurs désignés d'après la Constitution de 1980 (approuvée pendant la dictature militaire) ; malgré les souhaits vivement exprimés par le gouvernement depuis 14 ans, les modifications constitutionnelles demandées n'ont pas abouti, la droite nostalgique de la période militaire bloque systématiquement tous les projets visant à effectuer les modifications et modernisation dont la Constitution aurait besoin. En 1990, ce fut le Président Patricio Aylwin qui assura l'alternance ; entre 1994 et 2000, Eduardo Frei et depuis le Chili est sous le mandat du Président Ricardo Lagos, qui sera en fonctions jusqu'en mars 2006. Si politiquement la “Concertation” n'a pas réussi son pari de réformer les institutions prévues par la Constitution politique de l'Etat, économiquement les résultats sont plus que satisfaisants : la Concertation a adhéré au programme de libre marché maintenant une politique d'ouverture tous azimuts, moyennant la privatisation de plusieurs secteurs clés de l'économie nationale (énergie, eau potable, téléphones, appel au secteur privé pour la construction d'autoroutes à péage dont déjà 1.450 km ont été terminés, ports et aéroports) ainsi que par l'établissement de plusieurs accords de libre-échange avec l'Union européenne, les Etats-Unis, le Canada, le Mexique, la Corée du Sud et la presque totalité des pays américains. Il est membre associé du MERCOSUR (avec l'Argentine, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay). Le budget de l'Etat est équilibré, l'inflation a été jugulée et la principale préoccupation du gouvernement a été l'action sur le plan social, qui est restée très en deçà des espoirs des gens à la fin de la dictature : à ce jour, le niveau de pauvreté a été réduit de moitié ( à 18%) sous la devise “croissance avec équité” défendue par le Président Lagos. En 1990, le taux de pauvreté arrivait à 38,6%. Malgré la crise économique, entre 2000 et 2003, son gouvernement a réussi à faire abandonner le stade de la pauvreté à plus de 173.000 personnes, d'après un sondage réalisé en 2003. Si en 2000 le pourcentage était de 20,6%, en 2004 ce chiffre se trouve plutôt aux alentours de 18,8% ; la frange plus pauvre est également tombée de 5,7% à 4,7%, la plus grande avancée depuis sept ans. Nonobstant cette réussite, le pari du gouvernement du Chili consiste à mener une lutte frontale en ce qui concerne la distribution du revenu national, le 10% des nantis perçoit le 41,2% des revenus, le 10% le plus pauvre, reçoit seulement le 1,2% du revenu national. L'opposition reconnaît le succès du gouvernement dans son programme de lutte contre la pauvreté tout en questionnant la réussite dans la distribution du revenu national. Au niveau régional, le Chili occupe la deuxième place en Amérique Latine en ce qui concerne le développement humain, avec la 43ème place au niveau mondial, d'après le PNUD (en 2003 il occupait la 45ème place) : parmi ses voisins, l'Argentine occupe la 34ème place, la Norvège le premier rang et la Sierra Leone le dernier. Finalement, la balance commerciale chilienne a montré un résultat très optimiste pendant la période janvier-août 2004, avec un surplus de USS 6.784 millions, compte tenu des exportations pour 20.772,1 M et les importations pour 14.293,6 M de dollars. La dette extérieure chilienne a augmenté de 953 millions de dollars, avec 44.349 M dont 81% correspond à long terme et 78% correspond au secteur privé. Le Chili et le Maroc : une bonne relation bilatérale Depuis 1998, le Chili a rouvert son ambassade à Rabat et c'est en juillet 2000 que M. Alejandro Carvajal a pris ses fonctions en tant qu'ambassadeur du Chili auprès du Royaume. Il existe déjà un accord-cadre de coopération signé entre les deux pays, ainsi qu'un accord de coopération en matière de mines le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération Mohamed Benaissa, a visité trois fois le Chili : en 2000 il a accompagné l'ex Premier ministre Abderrahmane Youssoufi pour assister à la cérémonie de la prise du pouvoir par le Président Lagos ; en janvier 2002 et janvier 2004, le ministre Benaissa s'est déplacé encore à Santiago pour s'entretenir avec son homologue Maria Soledad Alvear et les principales autorités chiliennes. En 2002, une délégation du ministère marocain de l'Agriculture a visité le Chili pour connaître les progrès réalisés sur ce terrain par les experts chiliens en matière d'exploitation des terres, d'exportations, de crédit et de techniques agricoles. Le Chili devrait envoyer une délégation au Maroc, dont les problèmes sont souvent similaires (culture des terres arides et semi arides, rareté de l'eau). En matière culturelle, le Chili commémore cette année le centenaire de la naissance du poète Pablo Neruda, Prix Nobel de Littérature : le Maroc, par l'intermédiaire du ministère de la Culture, a prêté ses bons offices pour cet événement, qui a vu la première manifestation au mois de février lors du Salon international du livre de Casablanca, où un hommage a été rendu au poète, par des intellectuels marocains qui ont remarqué l'énorme influence de Neruda sur les auteurs arabes. D'autre part, l'ambassadeur du Chili a donné des conférences sur Neruda dans les sièges des Instituts Cervantes à Rabat, Tanger et Casablanca. Pour sa part, l'université d'été, qui a été organisée à Assilah par le ministre des Affaires étrangères, Mohamed Benaissa, a également rendu hommage à Neruda, en août dernier.